ASCENSION: LA COMPAGNE INTERDITE DE L’ALPHA

Préface

 

Le souffle de Rex vibrait de peur et de colère. Sa cheville était enchainée à une pique au centre d’une clairière dans les bois. Pendant qu’il sentait la brise légère souffler le long de sa peau nue, il se dit qu’il savait qui était responsable de sa situation. Ce n’était pas ceux qui l’avaient conduit ici et enchainé. C’était quelqu’un d’autre et il n’avait aucun doute sur l’identité de cette personne. Elle essayait de le pousser au point où il n’aurait d’autre alternative que de tuer. Et au fur et à mesure que son sang bouillait dans ses veines et que son cœur s’emballait, Rex savait qu’elle était sur le point d’obtenir ce qu’elle désirait.

Rex releva la tête quand il entendit les grognements. Il regarda en direction des arbres et scruta la pénombre. Il n’avait pas besoin d’avoir une ouïe aiguisée pour prédire leur approche. Ils se dirigeaient directement vers lui en prenant leur temps.

La première chose qui apparut dans la lumière vacillante du feu de camp fut des yeux argentés. Il n’y avait pas à s’y tromper, ils brillaient comme des diamants. Les muscles pectoraux de Rex se bandèrent par anticipation pendant qu’ils se rapprochaient pour attaquer.

Telle une boule de fourrure et de crocs, le premier jaillit des ténèbres. Tout se passa très vite. Rex essaya de frapper la bête au vol, mais manqua son coup. Les crocs de l’animal s’enfoncèrent dans la chair sous sa clavicule le déstabilisant. Rex trébucha, tentant de retrouver son équilibre quand la chaine se tendit d’un coup sec l’envoyant brutalement au sol.

Le loup essaya de le mordre au visage. Mais Rex glissa son bras contre son coup pour le tenir à distance. Pendant que les griffes de la bête déchiraient sa peau nue, Rex arma son poing et le balança de toutes ses forces contre la tête du loup.

Le son d’os en train de se briser se fit entendre. Ce ne fut pas le poing de Rex qui se brisa, mais le crâne de l’animal. Et, le loup s’écroula tel un poids mort, permettant à Rex de le balancer sur le côté avant de se relever.

Les trois suivants sortirent des ténèbres moins rapidement. Émergeant un à un, ils baissèrent la tête et rebroussèrent leurs oreilles en montrant férocement leurs crocs. Ils se séparèrent, planifiant chacun la trajectoire de leur attaque. Et pendant que Rex regardait alternativement un loup après l’autre, ils baissèrent la tête tout en le traquant patiemment.

‘Transforme-toi, fils. Tu le dois’ entendit Rex résonner dans sa tête.

Rex s’attrapa la tête à deux mains et serra les dents de douleur. ‘Sors de ma tête !’, tonna-t-il.

‘Transforme-toi ou meurs, fils’

Rex baissa ses bras quand il sentit la douleur s’estomper. Tout ceci était nouveau pour lui. Les invasions de sa mère lui faisaient encore mal. Mais il savait qu’il n’avait pas le temps de penser à ça pour le moment. Ils allaient l’attaquer qu’il soit prêt ou non. Et avec le son sourd de leurs grognements qui se rapprochait, Rex ne pouvait rien faire à part vider son esprit et attendre.

Le premier attaqua de la droite. Rex pivota, balançant son poing comme un marteau. Le loup s’écroula. Mais la sensation de la chair qui se déchirait le long de sa jambe gauche était impossible à ignorer. Rex regarda en bas en direction de la boule de fourrure qui l’attaquait. Il hurla de douleur. Sachant que n’importe quel coup de poing enfoncerait davantage les crocs du loup dans sa chair comme des lames aiguisées, il hésita avant de frapper.

Juste au moment où il armait son poing pour briser le crâne du loup comme il l’avait fait pour le premier, le troisième loup surgit directement devant lui et bondit se saisissant de son poignet.

Avec un loup se balançant à son poignet comme un bracelet, tous les muscles de la poitrine de Rex se contractèrent. À cet instant précis, il se sentit impuissant. Ils étaient en train de gagner et il le savait.

Rex savait ce qu’ils voulaient. Ils voulaient qu’il devienne quelqu’un d’autre. Ils voulaient qu’il abandonne toutes ses chances d’avoir une vie normale pour devenir l’un des leurs. Rex n’allait pas céder. Il allait se battre jusqu’à son dernier souffle pour rester lui-même. Rex était peut-être brutal et certains le décrivaient même comme un tueur. Mais il ne se résignerait jamais à être l’un des leurs.

Quand le troisième loup s’accrocha à sa cuisse droite, Rex se sentit dériver. Il se perdait. Sa vision du bonheur s’évanouissait. Les ténèbres s’emparèrent de lui quand il se sentit entrainé à travers un vortex infernal. Tout autour de lui se mélangeait dans un amalgame de sons, d’images et d’odeurs. Pendant qu’il s’accrochait à son humanité, Rex eut un flash de celui qu’il souhaitait être. Ce fut suffisant. C’était sa bouée de sauvetage.

Puisant de la force dans un réservoir dont il ignorait l’existence, Rex frappa le loup agrippé à son poignet au cou avec son bras gauche. Il tomba comme une pierre le souffle coupé. Mais Rex n’avait pas fini. Ses poings voltigèrent tels des boulets, inondant de coups les loups accrochés à lui. Les loups lui lacérèrent la chair et la douleur était insoutenable. Mais en regardant le regard de leurs yeux argentés, Rex sut qu’ils avaient plus mal que lui.

À force de frapper les bêtes étourdies par les coups, elles finirent par lâcher prise. Rex avait pris le dessus. L’un d’eux resta étendu par terre tandis qu’un autre bondit hors de portée. Rex souleva le loup au sol et le lança dans la direction de l’autre les envoyant tous les deux bouler dans les ténèbres.

Le plus petit loup qui essayait de se relever en titubant n’eut pas autant de chance que les deux autres. Rex le saisit par la peau du cou et le secoua comme une poupée de chiffon. Il hurla plaintivement tel un chiot. Et quand les doigts de Rex glissèrent arrachant au passage une poignée de poils, il glissa deux mètres plus loin avant de tituber dans l’ombre des arbres qui bordaient la clairière.

Reprenant son souffle, Rex comprit qu’il ne restait plus qu’un loup. C’était le premier loup, celui dont il avait senti le crâne se briser sous son poing. Il était dans son dos. Il se retourna lentement pendant que ses blessures saignaient et repéra l’endroit où il s’était écroulé. Mais ce n’était plus un loup. C’était un homme. Il gisait là nu aux pieds de Rex, sans vie. Rex l’appréciait plutôt quand il était encore en vie. Rex n’avait rien voulu de tout ceci. Mais s’ils pensaient pouvoir le contrôler, ils se trompaient. Et s’ils essayaient, le même sort attendait chacun d’entre eux.

Les restes de sa colère lui saisirent la poitrine pendant qu’il se débattait pour se libérer. L’esprit de Rex débordait d’émotions qu’il avait du mal à contrôler. Et quand elles le submergèrent, il montra à la nouvelle lune sa poitrine puissante et hurla sa colère au monde.

Sa colère sortit sonnant comme un hurlement. Rex savait que ça arriverait. Il savait ce qu’il était même s’il se battait contre sa nature. Mais personne n’est l’esclave du destin et Rex encore moins.

Il savait qu’il avait gagné cette nuit et que les vaincus allaient devoir le relâcher. Mais en s’écroulant à genoux pendant que le sang coulait le long de sa peau, il se demanda ce que sa mère allait trouver d’autre pour obtenir ce qu’elle désirait.

 

 

Chapitre 1

 

Le jeune corps de Salomé sautilla quand le tout-terrain passa dans la crevasse sur la route. C’était une sensation qui la gênait un peu. Elle n’avait pas toujours eu le physique qu’elle avait maintenant. Elle avait tardé à éclore et avait acquis ses hanches et seins voluptueux moins d’un an plus tôt. Avant elle était une adolescente de 17 ans qui avait un physique de garçon. Mais presque du jour au lendemain, son corps avait muri d’une façon qu’elle avait du mal à concevoir et ses courbes à 18 ans tressautaient au moindre mouvement.

Salomé avait été surprise par les changements que son nouveau corps avait apporté dans sa vie. Pendant trois ans, elle était sortie avec Cristian. Pendant la majeure partie de cette période, les croyances de Cristian avaient dominé leur relation. Mais dès que les robes de Salomé avaient commencé à lui aller comme à une vraie femme, la dévotion religieuse de son petit-ami pris du plomb dans l’aile.

Cristian était le fils du maire et du shérif de leur petite ville. Pour Weaver, ville de Caroline du Sud avec une population de 2905 habitants, ceci suffisait amplement à faire de lui un bon parti. Il était de surcroit assez beau. Le teint caramel qui lui venait de son métissage le faisait ressembler à un bonbon appétissant. Et les muscles qu’il cachait sous ses vêtements donnaient envie à chaque fille avec une libido d’en voir plus.

Jusqu’à récemment, Salomé n’était pas une de ces filles. À vrai dire, elle avait été surprise quand ses baisers innocents étaient devenus bien plus que ça. Prenant des libertés avec les nouvelles parties du corps de Salomé, son excitation était souvent évidente quand il s’appuyait contre sa jambe. C’est à ce moment qu’elle réalisa qu’il était un garçon normal après tout et pas juste le disciple aveugle de son beau-père, le pasteur John. Cristian avait des pulsions et le nouveau corps de Salomé les avait toutes éveillées.

Salomé n’était pas totalement opposée aux nouveaux centres d’intérêt de Cristian. Quand sa large main bronzée saisissait son sein pâle, la chair entre ses jambes frissonnait. Son contact éveillait en elle une émotion intense qui la laissait souvent sans volonté. Mais pendant qu’elle luttait pour garder le contrôle, elle n’oubliait jamais son objectif dans la vie.

Weaver, Caroline du Sud était une petite communauté fermée. Bien sûr, ce n’était pas comme s’ils étaient enfermés derrière des barrières, néanmoins personne ne venait ou ne quittait la ville. Tous les enfants qui étaient en année de licence pendant qu’elle était en première année vivaient encore en ville. Ils s’étaient mariés trop jeunes et acceptaient les boulots qu’ils réussissaient à trouver. Ce n’était pas une ville industrielle. C’était à peine une ville fermière. Mais la façon de survivre de Weaver était simple. L’argent qui entrait ne sortait jamais. Comme les gens, l’économie tournait de façon interne. Et, tout le monde acceptait ceci et les sacrifices que cela impliquait.

Bien que tout le monde en ville ai une télévision, presque personne ne disposait de consoles de jeux. Les téléphones portables étaient rares à Weaver. Et tous les autres gadgets cools que les enfants avaient à la télé n’avaient jamais atterri dans la boutique du coin. C’était un sacrifice que tout le monde avait involontairement accepté. Et en échange, ce qu’ils avaient obtenu était un genre de ville qui n’avait pas existé depuis 50 ans. Ils avaient un esprit communautaire où tout le monde se connaissait, et où l’église était l’épicentre de la ville.

Tout en Salomé lui disait qu’elle devait partir. Depuis que son père était mort et que sa mère avait épousé le pasteur John, son beau-père avait une emprise de plus en plus stricte sur sa vie. Il avait aussi une emprise étouffante sur le reste de la ville. Mais vivre avec lui était ce qui avait permis à ses empreintes de marquer profondément sa douce chair. Et sachant qu’elle ne pourrait pas avoir de vie au-delà des limites que son beau-père lui imposerait, elle acceptait tout ce qu’il disait pour avoir la paix pendant qu’elle cherchait sans relâche une solution pour s’échapper.

Salomé regarda les arbres qui bordaient leur route de campagne défiler par la fenêtre de la voiture. Ceci était le trajet qu’elle empruntait chaque jour pour se rendre à l’école. C’était souvent un trajet tranquille avec le pasteur John au volant et son frère Andrew à l’arrière. Le pasteur John s’abstenait de lui parler, car la plupart du temps, il n’obtenait aucune réponse. Et Andrew était devenu un garçon de moins en moins caustique au fur et à mesure qu’il approchait l’adolescence.

À 14 ans, Andrew ressemblait plus à l’image d’un garçon qui regardait par la fenêtre avec nostalgie qu’au petit-frère qu’elle avait connu. Cela poussait Salomé à se demander si quelque chose n’allait pas. Mais se noyant continuellement dans sa propre impression d’étouffer et son besoin de s’échapper, elle n’avait pas la force de s’occuper aussi des problèmes de son petit-frère.

Le tout-terrain gris métallique tourna à droite et les bois laissèrent place à leur modeste école à deux étages. Il ne lui restait qu’une année et elle était impatiente qu’elle s’achève. Avec son statut de belle-fille du pasteur John, elle n’avait pas une vie particulièrement difficile, mais ressentait néanmoins une certaine pression.

Tout le monde, les élèves, les professeurs, assistaient aux sermons du pasteur John. Ils les digéraient comme s’ils émanaient du Christ en personne. Salomé se serait délectée de la naïveté collective s’il y avait quelqu’un en ville qui voyait les choses de la même façon qu’elle. Mais sans un camarade rebelle, elle serrait les dents et supportait la situation en attendant patiemment que la bulle métaphorique qui les entourait se fissure et qu’elle soit enfin libre.

Le pasteur John dirigea le tout terrain vers une des places de parking devant l’école. Salomé prit note de ce fait. Tous les autres matins, il les avait déposés directement devant les marches qui menaient à l’entrée principale de l’école. Il ne garait la voiture que quand il avait l’intention de rentrer à l’intérieur. Et c’était généralement quand il organisait un séminaire pour jeunes chrétiens mandaté par le maire. Ces séminaires étaient souvent annoncés des semaines à l’avance donc Salomé savait qu’il ne s’agissait pas de ça. Il devait s’agir de quelque chose d’autre. Et elle ne mit pas longtemps à découvrir ce que c’était.

« Bye papa, » dit Andrew en ouvrant la porte et en sortant.

« Peux-tu attendre une seconde ? » dit le pasteur John en posant légèrement sa main sur le genou de Salomé. « Passe une bonne journée Andrew », répondit-il au garçon qui fermait déjà la porte derrière lui.

Salomé garda les yeux fixés sur la main du pasteur John. Elle ne savait pas si son geste avait une implication sexuelle, mais son corps réagit comme si c’était le cas. Elle eut la chair de poule comme à chaque fois qu’elle était face à une situation inquiétante. Sa respiration trembla de façon imperceptible pendant qu’elle attendait en sachant que rien de bon ne sortait jamais de sa bouche. Tout ce qu’il disait arrivait toujours à la blesser. Sentant ses muscles se relâcher, elle s’éloigna subtilement comme une souris acculée par un chat.

« Sally, j’ai pensé qu’il était temps que je commence à te parler comme à une adulte »

Comme tout le monde, il l’appelait Sally. Salomé ne savait pas trop quand ça avait commencé, mais elle s’y était faite comme à toute chose dans sa vie.

« Tu sais comment est cette ville. Tu as vécu ici toute ta vie. J’y ai vécu pendant plus longtemps. J’ai vu des enfants naitre, grandir dans mon église, je les ai mariés. Et, je les ai vus avoir leurs propres enfants pour poursuivre ce merveilleux cycle. C’est comme ça que les choses sont ici. Rien ne change »

Le pasteur John réfléchit un moment tout en regardant les enfants qui sortaient des voitures et se dirigeaient vers les doubles portes en bois de l’école. Il prenait souvent ces pauses quand il parlait. Au beau milieu d’un sermon, il lui arrivait souvent de se taire laissant les paroissiens suspendus à ses lèvres pour reprendre subitement en attaquant directement le vif du sujet.

« Ton petit-ami, Cristian, je l’apprécie. Il vient d’une bonne famille. Catherine est une bonne maire, Tom un bon shérif. Et avec des parents pareils, il est évident que Cristian suivra les pas de sa mère et deviendra un jour un excellent maire. Dans une ville comme celle-ci, ce garçon est un bon parti. Et quand une fille comme toi trouve un garçon comme ça, il faut qu’elle fasse tout ce qu’il lui demande pour pouvoir le garder. Me comprends-tu, Sally ? »

Salomé dévisagea le pasteur John, assimilant ces propos. L’idée la submergea telle une vague, la secouant profondément avant qu’elle ne se reprenne.

« Oui, Pasteur John, » dit Salomé, ayant compris ce qu’il y avait de pire dans ces mots.

« Bien, » dit-il avec son sourire flippant de pasteur John. « Bien, » répéta-t-il, retournant son attention à la voiture. « Alors, passe une bonne journée, OK ? »

« OK, pasteur John, » dit Salomé, trouvant finalement une issue.

Salomé ouvrit la porte et sortit rapidement, glissant son sac à dos à son épaule et tenant son classeur contre sa poitrine. Elle ne voulait pas regarder en arrière et croiser accidentellement le regard du pasteur. Elle n’était pas sure de ce que ce regard risquait de provoquer. Et sentant déjà la terre se dérober sous ses pieds, elle garda le regard fixé sur les portes devant elle. Mais, quand elle entendit le véhicule tout-terrain enclencher une reverse et partir, elle céda à sa pulsion et se retourna.

La voiture s’en alla comme n’importe quel autre jour. Mais ce n’était pas n’importe quel autre jour. C’était le jour où le pasteur John avait dépassé les bornes. Il l’avait fait avec tant d’aisance et de facilité qu’elle était sure que ce ne serait pas la dernière fois.

Quand le pasteur John fut hors de vue, Salomé éloigna le classeur de sa poitrine. Elle prit un stylo dans la poche latérale de son sac. Ouvrant son classeur sur une nouvelle feuille vierge, elle écrivit exactement ce que le pasteur John avait dit. Elle écrivit : et quand une fille comme toi trouve un garçon comme ça, il faut que qu’elle fasse tout ce qu’il lui demande pour pouvoir le garder. Elle fit une pause pendant un moment pour permettre au souvenir de quitter son esprit pour imprégner la feuille de papier. Et quand elle se sentit libre, elle continua d’avancer.

Salomé gravit les marches qui menaient aux portes d’entrée de l’école. Le flux d’étudiants la dépassant semblait interminable. En entrant dans le couloir, elle croisa immédiatement du regard sa meilleure amie.

Mimi aperçut Salomé et sourit. Mimi avait passé la matinée à la chercher. Elle connaissait le choix qui tourmentait Salomé, et était impatiente d’entendre sa décision. Se rapprochant avec un sourire, elle posa sa main bronzée sur le cou de Salomé et la regarda dans les yeux.

« Tu vas le faire, n’est-ce pas ? » demanda Mimi.

« Je n’ai pas pris ma décision »

Mimi ouvrit la bouche de façon exagérée, simulant la surprise comme elle savait si bien le faire. L’amie de Salomé était pleine de vie. Elle trouvait un côté excitant à tout. Et une de ses fascinations les plus récentes était le sexe.

« Comment peux-tu résister ? Tu as un petit-ami, il est super attirant, et vous sortez ensemble depuis des lustres. Ne veux-tu pas savoir de quoi ça a l’air ? »

Ce fut au tour de Salomé de feindre la surprise. « Mimi ! »

« Voyons, ne me dis pas que tu ne veux pas savoir. Toute fille faite de chair et de sang voudrait savoir. Pour ton information Salomé, ce mec est craquant. Débarrasse-toi de cette bible encombrante et ton gars est un homme bien fait avec le sang chaud. Et elle est surement grande, » dit Mimi avec un sourire.

Salomé continua à marcher avec la bouche grande ouverte. Mimi la suivit. Salomé savait que son amie avait raison. Cristian était magnifique. La manière dont son torse musclé bronzé ondulait quand il enlevait sa chemise faisait transpirer son tout nouveau corps de femme.

Et il était presque impossible de rater le gonflement qu’il y avait dans son pantalon. Il n’avait même pas besoin d’être dur. C’était comme s’il cachait une balle de baseball dans son sous-vêtement. Et quand il devenait dur pendant qu’ils s’embrassaient, Salomé pouvait à peine croire que tout ce qu’elle sentait venait uniquement de lui.

« Tout ce que je veux dire, c’est que si tu n’as pas l’intention de coucher avec lui, quelqu’un d’autre le fera, » confirma Mimi.

Salomé regarda son amie avec méfiance.

« Pas moi, » la rassura Mimi en levant les bras au ciel dans un geste de déni. « Quelqu’un ».

Mimi regarda du côté des autres étudiants pendant qu’ils la dépassaient. Debout juste à côté du casier de Salomé se trouvait Belle. Ses doigts fins échangeant rapidement des livres. Quand Mimi la voyait, elle lui faisait penser à une autruche avec son long cou mince et sa corpulence d’oiseau. Mais la chose qui attirait l’attention de tout le monde vers Belle, la rendant extrêmement timide, était le fait que ses yeux étaient de deux couleurs différentes. Son œil gauche était bleu et le droit était noisette. Et quand on regardait ses yeux accrocheurs, il était clair qu’ils étaient toujours fixés sur Cristian.

« Quelqu’un comme Belle, » conclut Mimi.

Salomé regarda Belle, la jaugeant. Belle était jolie c’était certain. Et Cristian et elle partageaient une dévotion envers le pasteur John, qui surpassait tout ce que Salomé pourrait jamais avoir. Peut-être que Belle était quelqu’un qu’elle devrait craindre décida-t-elle. Ou peut-être que Belle était la personne à laquelle Cristian était destinée, car les jours de Salomé dans cette ville étaient comptés.

« Ne te méprends pas sur mes propos, ce garçon t’aime. Et il ne te tromperait jamais. Mais je dis juste que je coucherais avec lui si j’étais toi »

« Et si j’étais toi, je coucherais avec tout le monde, » répliqua Salomé avec un sourire.

Mimi regarda Salomé avec un sourire vaincu. « Coup bas »

Mimi regarda derrière Salomé et vit Cristian venir dans leur direction. Comme toujours, elle jeta un regard subtil vers son pantalon. Il continuait de l’impressionner. « Je dis juste que tu devrais coucher avec lui. Tu ne peux pas garder ta carte V pour l’éternité »

Mimi laissa Salomé tandis que ses yeux étaient toujours fixés sur Cristian. « Salut Cristian »

« Salut Mimi, » dit Cristian avec un sourire de circonstance.

Après avoir dépassé Cristian, Mimi se retourna et dit silencieusement à son amie, ‘Je me le ferais tellement,’ faisant sourire Salomé.

« Salut Sally, » dit Cristian avec un sourire sincère.

Elle continua vers son casier, une rougeur qui n’était pas là quelques instants plus tôt, visible sur ses joues. Elle n’avait pas l’intention de faire la timide. Mais elle ne savait pas quoi répondre. Elle avait déjà eu deux conversations sur le fait de coucher avec lui et dans les deux cas on l’avait encouragé à le faire. Et elle était sure que celle-ci serait la troisième. Elle commençait à ressentir beaucoup de pression. Et quelque chose au fond d’elle lui disait de ne pas le faire.

« Salut Cristian, » dit Belle, ses yeux bicolores scintillants.

« Salut Belle, » répondit Cristian.

Belle saisit cette opportunité pour afficher clairement ses intentions. Se rapprochant de lui autant que possible, elle le toucha légèrement sur le bras. « As-tu compris la question numéro sept de notre devoir de math ? »

« Ouais. C’est une équation du second degré, » expliqua Cristian.

« Wow. Tu es tellement intelligent. Penses-tu que tu peux me l’expliquer un peu plus tard, disons durant le déjeuner ? » demanda-t-elle impudemment.

Cristian jeta en regard rapide en direction de Salomé pour voir sa réaction. Mais comme toujours, Salomé était impassible. « Oui, je pourrais te montrer »,

Belle sourit, pensant aux autres choses qu’elle aimerait voir. « Merci Cristian » Belle ferma son casier et commença à s’éloigner avant de se tourner vers Salomé. « Salut Sally »

« Salut » Salomé compris le message de Belle. Elle devait prendre une décision. Ou ceci serait sa vie et elle devait se mettre avec Cristian, ou elle devait le laisser partir. Ce qu’elle faisait actuellement n’était bon pour personne.

« Alors, as-tu pensé à ce dont nous avons parlé ? » demanda Cristian en rougissant.

« Mmmm, oui. Mais je dois aller en cours » Salomé mis son sac, ferma son casier et s’éloigna rapidement. « On en parlera. Promis »

Salomé pouvait sentir le regard de Cristian dans son dos pendant qu’elle s’éloignait. Elle pouvait le sentir la déshabiller du regard. Elle imagina ce qu’elle ressentirait si ses mains la caressaient.

Elle devait reconnaitre que Cristian serait le mec parfait pour elle s’il n’y avait pas cette ville et le fait que le pasteur John l’appréciait autant. À quel point leur relation serait-elle différente si leurs parents n’étaient pas qu’ils étaient et si elle ne sentait pas constamment l’emprise manipulatrice de son beau-père autour d’elle ? Salomé se dirigea vers le cours de biologie en pensant à ce qui aurait pu être.

Salomé marcha le long du couloir peint en corail. Le vieux plastique couvrant les lumières fluorescentes jetait une lueur jaunâtre sur tout. Elle donnait un air de vieux à tout. La ville avait un peu plus de 150 ans. C’était une ville fermière. Le lycée avait été jugé très moderne quand il avait été construit 50 ans plus tôt. Mais maintenant, le bâtiment en briques rouges semblait déplacé dans une ville majoritairement constituée de maisons de style victorien.

Salomé poursuivi le long du hall en regardant le design ovale sur le sol en formica sous ses pieds. Chaque forme ovale était située entre des portes de salles de classe. Elle allait en classe de biologie. Mais avant se trouvait le laboratoire de physique et plus loin la salle d’études bibliques. C’était quelque chose que le pasteur John avait entrepris. Et la ville avait été ravie de pouvoir se rendre utile.

Après la biologie, Salomé avait cours d’anglais et de géographie. Le cours de géographie était le seul où il y avait Mimi et Cristian. Aujourd’hui, apparemment, Belle se montrait particulièrement agaçante. Bien que le cours soit seulement sur la façon dont la géographie pouvait influencer la culture, Belle posa sans relâche des questions sur la secte qui se trouvait sur l’autre rive de la rivière.

Salomé ne manqua pas de souligner que personne ne savait de façon certaine que la secte existait bel et bien. La seule chose que l’on savait c’est qu’ils restaient entre eux et que leurs enfants ne fréquentaient pas le lycée de Salomé. C’est le pasteur John qui leur avait collé l’étiquette de secte le premier. Et de façon générale, Salomé tenait pour acquis que le contraire de ce que disait le pasteur John était vrai. Alors quand Mr Christofilos cita le sermon du pasteur John sur le comportement sectaire, Salomé se tut. Ce n’était évidemment pas la première fois que Salomé se comportait ainsi. Et à chaque fois qu’elle le faisait, Belle la regardait toujours comme si elle était la plus grande menace pour l’ordre naturel de la ville, ce qui était le cas.

Salomé déjeuna à la sixième pause. Elle savait que Cristian avait déjeuné avec Belle lors de la cinquième. Elle pensa beaucoup à eux en mangeant son sandwich au thon sur l’un bancs en pierre à l’extérieur avec Mimi. Salomé se demanda ce que Belle avait bien pu lui dire et si elle devait réagir. Mimi semblait respecter la période d’introspection de Salomé en restant inhabituellement silencieuse. Mais Salomé découvrit la véritable raison de son silence lorsque sa meilleure amie parla.

« Ne regarde pas maintenant, mais il y a un garçon de l’autre côté de la rue qui nous regarde depuis qu’on s’est assis, » dit Mimi en continuant de le regarder.

« Où ? » dit Salomé en se retournant.

« Je t’ai dit de ne pas regarder, » dit Mimi un peu trop tard.

De l’autre côté du terrain gazonné, un garçon les fixait. Salomé ne l’avait jamais vu avant. Il semblait faire un peu plus de 1m80, musclé, et vêtu d’un blouson de cuir, un jeans et des bottes. Ses cheveux noirs broussailleux lui donnaient un air sauvage. Et même de l’endroit où elle était assise, elle pouvait voir l’intensité de ses traits. Il les fixait. Et d’où elle se tenait, il avait l’air dangereux.

« Penses-tu qu’il est de la secte ? » demanda Mimi.

« Peut-être »

« Eh bien, si c’est à ça que ressemblent les garçons de la secte, je m’inscris »

« Tu es déjà dans une secte, » railla Salomé. « Nous sommes tous des pions dans la secte du pasteur John »

Salomé se retourna pour voir la réaction de Mimi quand elle aperçut quelqu’un par-dessus l’épaule de son amie. Son frère calme Andrew et deux de ses potes de baseball étaient en train de bousculer un gamin plus petit et d’autres se rassemblaient pour assister au spectacle. « Oh Andrew, » dit Salomé visiblement déçue.

Salomé laissa Mimi, captant son attention au passage. Traversant précipitamment la zone de restauration, Salomé se jeta au milieu de leur bagarre.

« Hey, arrête. Arrête ça ! » dit-elle, s’interposant entre son frère et le gamin.

Andrew et ses deux amis reculèrent, affichant des sourires innocents.

« Qu’est-ce que tu fais ? »

Pour toute réponse, Andrew regarda Salomé, le regard sans expression.

« Toi, toi et toi, vous ne bougez pas de là. Vous avez compris ? » Salomé les regarda chacun dans les yeux, les figeant sur place. « Viens ici, » dit-elle, prenant son frère par le bras.

« C’est ce que tu fais maintenant, tu t’en prends à des gamins ? »

« Ce pédé… » commença Andrew avant d’être interrompu par une gifle de sa grande sœur.

« Que je ne t’entende plus jamais prononcer ce mot »

Andrew regarda sa sœur, stupéfait. Elle ne l’avait jamais frappé avant. L’action l’avait déstabilisé et il ne savait soudainement plus comment réagir.

« Mais papa a dit… » commença-t-il.

« Le pasteur John n’est pas notre père »

« Eh bien, c’est le seul que j’ai jamais connu. Notre père est mort quand j’avais deux ans, tu t’en souviens ? » dit Andrew d’un air provocateur.

L’attitude tendue de Salomé se détendit soudain. Andrew avait raison. Le pasteur John avait été le seul père que Andrew ai jamais connu. Évidemment, il l’appellerait papa. Évidemment il l’admirerait. Ce n’était pas la faute d’Andrew s’il ne se souvenait de rien de ce que leur père avait dit. C’était sa faute à elle.

Fixant son petit frère, elle essayait de se rappeler une fois où elle lui avait parlé de leur père. Salomé n’avait pas volontairement gardé le silence. Elle avait juste du mal à abandonner les souvenirs qu’elle avait de lui. Et pour une raison qu’elle ignorait, elle sentait que parler de lui, lui ferait perdre beaucoup trop du peu de souvenirs qu’elle avait de lui.

« Tu ne te souviens peut-être pas de lui, mais moi oui. Et il ne te laisserait jamais prononcer un mot comme celui-là, » dit Salomé amicalement.

« Mais il est gay. Tout le monde le sait, » dit Andrew pointant le gamin du doigt.

Salomé regarda le petit. Le garçon avait des yeux doux et n’avait même pas encore atteint la puberté. Peut-être qu’il était gay. Salomé se retourna vers son frère. « Et alors ? »

Une fois de plus, Andrew fut sans-voix. Il savait ce que le pasteur John avait dit durant ses sermons. Il savait ce que le seul père qu’il avait jamais connu pensait des homosexuels. L’homosexualité était un péché. En vérité, l’attitude de son beau-père mettait Andrew mal à l’aise. Mais à l’école avec ses amis, il n’y avait qu’une seule attitude qu’il pouvait avoir.

« Andrew, notre père ne se souciait pas de choses pareilles, » dit-elle, ayant du mal à parler de lui pour la première fois. « Même quand tu étais tout petit, Papa nous disait que nous devions traiter tout le monde avec respect. Tout le monde. Il n’aurait jamais laissé le pasteur John s’en tirer avec ne serait-ce que la moitié des choses qu’il se permet dans cette ville. Andrew, il voudrait que tu penses par toi-même. Ne laisse personne décider de la personne que tu vas devenir. Est-ce que tu comprends ? »

Andrew regarda sa sœur fixement comme si ses propos étaient une révélation. Pendant longtemps, il s’était posé des questions sur leur père. Après que sa mère et sa sœur aient refusé de lui répondre, il avait arrêté de poser des questions. Mais maintenant, pour la première fois, il apprenait quelque chose. Et tout ce qu’il entendait le soulageait énormément. Il voulait désespérément en apprendre plus.

« Que penses-tu que notre père voudrait que je fasse ? » demanda Andrew regardant furtivement le gamin auquel il s’en était pris plus tôt.

« Papa voudrait que tu retournes là-bas et que tu lui présentes tes excuses »

Andrew se sentit rougir « Mais tout le monde nous regarde »

« C’est pour ça qu’il voudrait que tu le fasses, » dit Salomé avec empathie.

Plus Andrew regardait sa sœur, plus il sentait les battements de son cœur s’accélérer. Il ne le savait pas, mais il se tenait à un tournant important de sa vie. Jusqu’à présent, sa vie avait été incompréhensible et son futur semblait plein de douleur. Mais comme un rayon de soleil perçant les nuages, Salomé avec son idée, lui avait ouvert un chemin dont il n’avait jamais imaginé l’existence. Voulant le rendre réel, il laissa sa sœur sans un mot et retourna auprès du garçon qu’il malmenait plus tôt.

« Désolé » dit-il presque comme un murmure. Pendant qu’il s’éloignait, il fut soulagé quand il entendit ses deux meilleurs qui le suivaient. Andrew savait qu’ils lui demanderaient une explication sur ce qui venait de se passer et il devrait leur en fournir une. Mais pour l’instant, Andrew voulait se baigner dans la possibilité de ce que sa vie pourrait être.

Salomé regarda son petit frère s’éloigner. Elle se rendait compte à quel point elle avait fait du tort à la seule autre personne qui se souciait de savoir qui était leur père. Elle savait qu’elle devait faire mieux. Et se retournant vers Mimi, elle remarqua que leur harceleur était parti.

« C’était à propos de quoi tout ça ? » demanda Mimi en regardant Andrew s’éloigner.

« Juste plus de foutaises du pasteur John »

« Dramatique, » conclut Mimi voulant changer de sujet. « Hey, veux-tu venir chez moi après l’école ? »

« Oh, je ne peux pas. J’ai des trucs de prévus »

Mimi regarda son amie dans les yeux en lui jetant un regard accusateur. « Eh bien, je sais que tu ne vas pas coucher avec Cristian. Tu vas à ton arbre mystérieux n’est-ce pas ? »

Salomé regarda Mimi et ne dit rien. Elle savait que tout ce qu’elle dirait ne servirait qu’à allonger une conversation déjà inconfortable. Salomé avait l’impression que Mimi était d’accord pour son petit secret, et que tout ce que Mimi disait était pour plaisanter. Mais Salomé se sentait coupable de cacher un truc aussi important à sa meilleure amie. Mais en même temps, elle avait besoin de garder l’arbre rien que pour son père et elle.

Mimi trouva la réponse à sa question dans le silence de son amie. « Tu sais, en tant que ta meilleure amie, je pourrais me vexer parce que je ne l’ai toujours pas vu, » suggéra Mimi.

« Je suis désolé. Bientôt, promis »

« Bref ! Je commence à penser que tu ne m’aimeras pas pour toujours et à jamais jusqu’à ce que la mort nous sépare, » dit-elle avec un sourire vulnérable.