LE MARIAGE MAFIEUX FORCÉ DE MON PETIT-AMI

Chapitre 1

Dillon

 

Je fixais mon téléphone pour la centième fois, espérant le voir sonner. 19h24. Tyler était officiellement en retard de 24 minutes pour notre rendez-vous. J’agitais nerveusement ma jambe et mâchais ma lèvre inférieure, incapable d’apaiser le sentiment d’angoisse qui creusait mon estomac.

Ce n’était pas du tout le genre de Tyler. Nous discutions en ligne depuis des semaines maintenant, et il me semblait si doux, si authentique. J’avais vraiment pensé que cela pourrait être le début de quelque chose de réel. Mon cœur s’était agité en lisant les textos de Tyler, en voyant à quel point il était prévenant, comment il s’intéressait à ma vie et à mes rêves. Cela me donnait l’espoir que peut-être, juste peut-être, je pourrais trouver un amour comme celui de ma meilleure amie Hil.

Hil avait rencontré son petit ami  Cali, si facilement, tombant instantanément dans une relation amoureuse et sans effort. Et pourtant, j’étais là, encore en difficulté pour obtenir un premier rendez-vous avec un gars avec qui je m’étais familiarisée sur le net. Un type qui semblait partager mes sentiments et comprendre ce que c’est d’être plus lourd que la moyenne et à la recherche de l’amour. 

Tout semblait toujours être tellement plus difficile pour moi de joindre les deux bouts, terminer mes études, trouver quelqu’un pour m’aimer pour ce que je suis. Et maintenant, je me trouvais seule dans le petit café confortable que Tyler et moi avions choisi pour notre premier rendez-vous.

Avais-je complètement mal interprété les signes avec Tyler? Cherchait-il seulement un plan cul et rien de plus? Ou pire, avais-je placé mes espoirs en quelqu’un qui ne faisait que m’attirer avec de fausses promesses? 

Je regardais à nouveau mon téléphone. 19h27. Le sentiment d’angoisse dans mon ventre. Retenant mes larmes, je murmurai pour moi-même : «Ne pleure pas, idiote. Ce n’est qu’un premier rendez-vous ».

Mais c’était plus que cela et je le savais. Ce rendez-vous représentait quelque chose de bien plus grand, une chance de trouver le véritable amour que je désirais tant. La possibilité d’avoir enfin quelqu’un qui me voit, qui me désire, qui m’aime exactement pour ce que je suis.

Tout ce que je voulais, c’était ce qui semblait venir si facilement à tout le monde. Un partenaire aimant à mes côtés. Mais déception après déception commençait à me coûter cher.

Une larme coula le long de ma joue lorsque la porte du café s’ouvrit en tintant. Je l’essuyais rapidement, me sentant ridicule. Un couple attirant entra, bras dessus bras dessous, riant légèrement ensemble. Le nœud dans mon ventre se resserra douloureusement. Il n’allait pas venir. Et je ne valais même pas un texto.

Avalant ma salive, je ne supportais pas l’idée de rentrer ce soir dans mon appartement vide avec un autre échec à ressasser sans fin. Tout ce que je voulais, c’était savoir ce que c’était que d’être aimé. Était-ce trop demander?

Mais alors que les minutes passaient, la vérité s’imposait. J’avais été naïve de placer mes espoirs en premier lieu. Alors, avec un profond soupir tremblant, je ramassais ma veste et sortais seule du café.

 

 

Chapitre 2

Remy

 

Je me tenais dans le bureau autrefois grand de mon père, transformé maintenant en salle d’hospice de fortune. Hil et ma mère étaient à mes côtés, tous nous regardions le corps sans vie de notre père. Le silence était suffocant, rompu seulement par les sanglots étouffés de ma mère qui essayait de retenir ses larmes.

Le chagrin m’envahissait. Mais en scrutant les ombres projetées sur le visage de mon père par la faible lumière, je ressentais plus que cela. Son héritage était complexe. J’avais passé ma vie à lui prouver ma valeur. J’avais fait des choses dont je n’étais pas fier. Maintenant qu’il était parti, je me demandais si tout cela avait été pour rien.

Hil rompit le silence. «Je m’occuperai de l’organisation des funérailles. Je veux faire cela pour Père» dit-elle, la voix tremblante d’émotion. Je pouvais dire qu’elle cherchait encore l’approbation de notre père, même après sa mort.

Je la regardais, mon cœur se serrant pour ma sœur qui avait tant essayé d’échapper à la vie criminelle dans laquelle notre famille était née. Elle n’était pas taillée pour ça comme je l’étais. Et aux yeux de mon père, cela faisait de ma petite sœur quelqu’un qui avait toujours besoin d’être protégée. 

J’étais différent. J’étais son héritier présumé. Je n’avais pas besoin d’être préservé de son monde impitoyable. Les autres boss voulaient la mort de mon père et vu la façon dont il avait pris le pouvoir, je pouvais comprendre pourquoi. 

Mais cela signifiait que personne dans notre famille n’était en sécurité. Hil, avec sa nature sensible, aurait toujours besoin de quelqu’un pour la maintenir en vie. Papa n’avait eu aucun problème pour cela, mais il était clair qu’il voulait un enfant capable de se débrouiller seul.

C’est ce que je suis devenu pour lui. Je prenais soin de moi. Toujours incertain de quand le laissez-passer qu’il avait donné à Hil prendrait fin, j’ai rapidement commencé à prendre soin de Hil aussi. Cela ne me dérangeait pas. C’était ma petite sœur. C’était mon rôle. Mais devoir être l’homme que mon père voulait que je sois avait un prix. 

«Merci, Hil!» dis-je, ma voix trahissant la douleur que je ressentais.

Ma mère a tendu la main et a serré la mienne, ce touché chaleureux mêlé de tristesse et de gratitude. Je pouvais voir l’espoir dans ses yeux pour un avenir meilleur, libre de la violence et du danger qui avaient hanté notre famille pendant si longtemps.

Mes pensées s’égarèrent vers le pacte que j’avais conclu avec Armand Clément, le rival le plus féroce de mon père. J’avais accepté de lui céder les activités illégales de mon père en échange des activités légales, et ainsi assurer la sécurité de ma famille.

Nous serions hors du monde mafieux, et sous sa protection. C’était un pari désespéré, mais je ne pouvais supporter l’idée de poursuivre sans la pression immense que j’avais ressentie de mon père pour le faire.

De plus, notre famille avait déjà tant à se faire pardonner. À un moment donné, il faudrait que je découvre comment redonner à la communauté ce qui lui revient de droit. L’obsession du pouvoir de mon père avait causé beaucoup de douleurs. Cela ne pouvait pas être le seul don de ma famille au monde.

C’est alors que Dillon s’est imposé dans mon esprit. Elle était la meilleure amie de Hil, elle avait les courbes généreuses, une peau légèrement bronzée et des cheveux bouclés à travers lesquels je rêvais de passer mes doigts. 

Elle faisait de moi un homme qui réunit chaque nuit de la serrer contre moi Un homme qui fantasmait à l’idée de glisser ma main sous son t-shirt et de la saisir, ses seins pleins, avec ma grande main. Elle  était mon ancrage dans les mers turbulentes de mon père et maintenant, l’océan qui me séparait de Dillon gisait devant moi, mort, manqué et regretté.

M’excusant avant que ma famille ne voie le sourire qui se dessinait lentement sur mon visage, je me dirigeai vers ma chambre d’enfance. Je ne pouvais attendre plus longtemps. J’avais besoin d’entendre sa voix. Mon cœur battait à l’idée de l’appeler. 

Récupérant mon téléphone, je trouvais son numéro. Prenant une grande respiration, je composai le numéro. Mon cœur battait d’anticipation. Le téléphone sonna et mes paumes devinrent moites.

«Allo!» La voix de Dillon résonna au téléphone, chaleureuse et apaisante comme toujours. 

«Hey, Dillon, c’est Remy.» J’essayai de garder ma voix stable en parlant. «Je voulais juste te dire que mon père… il est décédé.»

«Oh, Remy, je suis vraiment désolé.» Comme nous tous, il savait que cela allait arriver. Mais son empathie m’enveloppa comme une vague apaisante. «Comment tu tiens le coup?»

Ma gorge se resserra alors que je luttai pour garder mon calme. «Je… je m’en sors,» avouai-je, le poids de mes émotions menaçant de submerger. Désireux de reprendre le contrôle, je changeai rapidement de sujet. «Écoute, je me demandais si tu pourrais m’aider avec quelque chose.»

«Bien sûr. De quoi s’agit-il?»

«Hill a dit qu’elle voulait s’occuper des arrangements pour l’enterrement. Je pense qu’elle a vraiment besoin de ton soutien en ce moment.»

Il y eut une pause à l’autre bout de la ligne avant que Dillon n’acquiesce doucement. «Tu n’avais pas besoin de me demander ça, Remy. Je ferai tout ce que je peux pour aider.»

Le silence qui suivit fut lourd de non-dits, mon cœur se faisant lourd à l’idée de lui avouer mes sentiments. Mais je ne pouvais pas encore me résoudre à le dire. 

«Merci. Je sais que je peux toujours compter sur toi,» lui dis-je avec un sourire.

«Ce n’est pas un problème, Remy. J’aime pouvoir t’aider… toi et Hil,» me rassura-t-elle, sa voix empreinte de sincérité. «Nous allons surmonter cela ensemble. Dis-moi juste ce dont tu as besoin.»

J’acquiesçai, même si elle ne pouvait pas me voir. «Je l’apprécie.»

«Je sais,» dit-elle assurément.

En raccrochant, je me demandais ce que je faisais. Je n’avais plus besoin de me contenter de conversations de deux minutes avec elle. . J’étais libre. Je ne savais pas ce qu’elle ressentait pour moi, mais je n’avais plus à cacher mes sentiments pour elle. Il était temps que je le lui dise. 

Une bouffée de chaleur m’envahit à cette pensée. C’était un mélange de terreur et d’exaltation.

«Après les funérailles,» dis-je à voix haute. «Ma nouvelle vie commence à la fin de l’ancienne.»

Je pouvais à peine imaginer une vie sans cache-cache ni secret. J’allais embrasser la vérité et voir où elle nous mènerait. Est-ce qu’être avec Dillon allait vraiment être aussi simple? Je ne savais pas, mais j’étais sur le point de le découvrir.

 

 

Chapitre 3

Dillon

 

Après avoir raccroché avec Remy, je restai debout dans mon appartement, mon sac de sel toujours à l’épaule. Je venais de rentrer, venant d’être posé un lapin à mon rendez-vous amoureux et la voix de Remy avait été la première que j’avais entendue. Je ne sentais plus mon visage.

Remy venait-il vraiment de m’appeler? Me demandai-je tandis que mon cœur s’emballait, effaçant la déception d’il y a une heure. Quel avait été le but de son appel?

Il avait dit que c’était pour apporter mon aide à Hill, mais il devait bien savoir que je l’aurais fait de toute façon. Non, il devait y avoir plus à cela. Cherchait-il du réconfort pour la mort de son père? Car aussi proches que j’aurais aimé que nous soyons, Remy et moi ne l’étions pas.

Alors, la raison de son appel pourrait-elle être autre chose? Pourrait-il être secrètement amoureux de moi et avais-je rêvé pendant toutes ces années qu’il l’était?

C’est à cause de Remy qu’on m’a posé un lapin ce soir. Enfin, pas à cause de lui directement. Mais parce que j’avais beaucoup interagi avec Remy pendant que Hil était absente que j’avais remarqué le vide béant dans ma vie. En était-il de même pour lui?

En y pensant, je me souvins immédiatement des nombreuses raisons pour lesquelles Remy n’aurait aucun intérêt pour quelqu’un comme moi. Pour commencer, bien que je ne sois normalement pas un total désastre, autour de lui, je l’étais. Il y avait deux mois après que Hil et moi soyons devenues amies, j’étais incapable de formuler des mots en sa présence. 

J’avais 14 ans, pas 10. Et oui, il était super sexy, même à l’époque. Mais il n’y avait aucune raison pour que j’ai perdu la faculté de parler en sa présence.

Il y avait aussi cette fois où Remy nous avait surpris, Hil et moi, en train de regarder un film porno dans la chambre de Hil. J’avais demandé à Hil si elle avait bien verrouillée la porte, et elle m’avait assuré que oui. Alors quand Rémy a débarqué, nous étions entrain de regarder une vidéo ou un homme à en donner le tournis faisait des choses inouïes à une fille qui me ressemblait beaucoup, je me suis presque évanouie. 

Et puis, n’oublions pas cette fois, quand j’avais 16 ans et que les parents de Hil m’avaient laissé séjourner chez eux pendant que la famille de Hil emmenait ma mère en vacances avec eux. J’avais cours donc je ne pouvais pas partir, pensant être seule, j’avais organisé une fête dansante en solo, entièrement nu dans leur penthouse, coiffé d’un turban de serviette et une brosse à cheveux en guise de micro.

C’était le moment que Remy a choisi pour passer vérifier la maison. Ça n’aurait pas été si embarrassant si le petit Dillon n’avait pas été aussi excité de sortir. Mais qui pourrait lui en vouloir? Montrez-moi quelqu’un qui n’aime pas bouger sur le rythme de ‘Bad Romance’ et je vous montrerai quelqu’un qui ne sait pas vivre.

Mes joues étaient en feu à ces souvenirs. Mais comme toujours, je me rappelais que l’humiliation que j’avais éprouvé devant Remy n’avait pas d’importance. Parce que aussi loin que mes fantasmes pouvaient m’emmener, un mec comme Remy, avec sa carrure de dieu grec, ses cheveux somptueux, et son statut de prince de la mafia, ne pourrait jamais être attiré par les garçons, bien moins par quelqu’un comme moi.

En outre, ce n’était pas le moment de fantasmer. Je devais me concentrer pour aider Hil durant cette période difficile. Malgré leur relation compliquée, je savais combien il aimait son père. Certes, ce dernier l’avait enfermé dans leur penthouse, ne lui permettant aucune vie sociale en dehors de moi. Mais ce n’était pas parce que son père était un monstre. Il menait une vie dangereuse.

Et, ce n’était pas comme si son père avait tort. La seule fois où Hil a réussi à échapper à la protection de sa famille, il s’est fait kidnapper par un des rivaux de son père. Remy et le petit ami de Hil, Cali, ont dû lui venir en aide. Le gars a tiré sur Cali en échange de la libération de Hil. Cali allait bien, mais tout de même. Hil et Remy vivaient dans un monde fou et son père avait dû le protéger.

D’un autre côté, lorsque Hil s’est avoué gay, son père terrifiant l’a accepté tel qu’il est. Hil me disait que jamais son père ne l’avait fait se sentir mal pour son attirance. En fait, ses parents m’ont même présenté à lui, et il n’y avait pas de doute sur le fait que je n’étais pas hétéro.

Donc, malgré tout, le père de Hil a été un bien meilleur père que le mien. Et maintenant, son père n’était plus là. Mon cœur se serrait pour lui.

Prenant une grande respiration, je me suis promis de mettre de côté tout sentiment que j’avais pour Remy et de me concentrer sur le soutien que je pouvais apporter à Hil dans les semaines à venir. Et alors que les frissons que Remy me procurait chaque fois que je pensais à lui s’atténuaient, j’ai repris mon téléphone.

Je ne savais pas pourquoi j’étais nerveux, mais en composant le numéro de Hil, mon cœur battait la chamade. Quand l’appel a abouti, la voix de Hil était tremblante.

«Allô, Dillon.»

«Salut, Hil… Je viens d’apprendre pour ton père.»

Un léger silence. «Vraiment? Comment?»

«C’est Remy qui me l’a dit», ai-je dit, désirant ardemment partager à quel point c’était incroyable qu’il l’ait fait.

«Oh. D’accord.»

«Je suis vraiment désolé, Hil. Comment ça va?» ai-je dit, souhaitant pouvoir le serrer dans mes bras à travers le téléphone.

«C’est juste si dur d’accepter qu’il soit parti.»

«Je n’ose même pas imaginer. Mais je suis là pour toi, d’accord? Quoi que tu aies besoin, je serai là.»

Hil a soupiré, sa voix se cassant légèrement. «Je t’en suis vraiment reconnaissant. J’ai dit à Remy que je voulais m’occuper des funérailles.»

«Wow, ça fait beaucoup.»

«Oui, mais j’en ai parlé à Cali et il m’a proposé son aide. Donc, je vais beaucoup compter sur lui.»

«C’est génial.»

«Oui», a t-il dit suivi d’une pause.

«Qu’est ce qu’il y a?»

«Il y a quelque chose avec quoi tu pourrais m’aider, toutefois.»

«Sans souci! Tout ce que tu veux. Dis-moi juste quand et où.»

 

Le lendemain, Hil et moi nous sommes retrouvés dans une boutique des urnes funéraires. Je ne savais même pas que cela existait. Mais c’était le cas et nous y étions.

L’endroit dégageait une élégance sombre, avec un éclairage doux qui projetait une lueur chaleureuse sur les vases polis et peints à la main. Être là, à la recherche du dernier lieu de repos du père de Hil, était surréaliste. Ce n’était pas uniquement à cause de la signification, mais aussi à cause des étiquettes de prix.

Avec tout le respect que je dois, les urnes étaient juste des vases avec des couvercles. Comment une pouvait-elle coûter 22 000€ ? Certes, elle était en marbre orné d’or… peu importe ce que cela signifie. Mais je pouvais à peine me permettre le bus que j’avais pris pour venir ici. 

Alors que nous déambulions dans les allées parmi la collection d’urnes en diamant, le sujet de notre conversation passait de son père à Remy. Ce n’était pas moi qui l’avais changé. Mais je n’allais pas laisser passer une occasion d’ajouter du matériel à mes fantasmes… quand cela serait de nouveau approprié… de penser au frère de mon meilleur ami.

«Je pense que j’ai fait la paix avec le fait que père préférait Remy. Je veux dire, je le comprends. Il a le besoin de mon père de prendre soin de tout le monde. Il l’a même eu quand il était enfant. «

«Il y a eu des moments, quand nous étions enfants, où il se comportait comme le pire des grands frères avec moi. Mais si vous me demandiez qui me protégerait si quelque chose de mal arrivait, ce ne serait pas une question. Ce serait lui.»

J’ai hoché la tête, comprenant à quel point Remy comptait pour Hil. «Il a toujours été là pour toi, n’est-ce pas?»

«Oui, mais en même temps, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter pour lui.»

«Pourquoi ça?» ai-je demandé, ma curiosité piquée.

Hil a soupiré, passant une main dans ses cheveux. «Je ne pense pas qu’il réussira un jour à laisser notre vie de famille derrière lui.»

Et par «ta vie de famille», tu fais référence à l’entreprise de ta famille?

«Ouais. Et je sais qu’il a conclu le marché qui devrait nous libérer, mais je ne suis pas sûr qu’il y ait une issue.»

«Tu t’es échappé,» dis-je en faisant référence à la nouvelle vie tranquille d’Hil avec son petit-ami dans le Tennessee.

«Oui, mais je n’ai jamais fait partie de ce monde. Mon père a un jour dit à Remy et moi que le seul moyen de quitter une famille était dans un sac mortuaire. Je ne pense pas que Remy puisse s’en sortir s’il essayait.»

Je fronçais les sourcils, ne voulant pas le croire. «Je pense qu’avec la bonne personne à ses côtés, il pourrait certainement laisser cette vie derrière lui.»

Hil me jeta un coup d’œil, son expression indéchiffrable. «Dillon, tu parles de toi-même?»

J’hésitais, réalisant comment cela avait dû sonner. «Eh bien, je veux dire, pas seulement moi. Mais quelqu’un qui se soucie de lui et qui veut le voir heureux.»

Hil se redressa mal à l’aise, n’appréciant visiblement pas l’idée. «Puis-je te poser une question sérieuse? Parce que je sais que tu aimes plaisanter sur les choses.»

«Bien sûr, tu peux. C’est quoi? «

«Penses-tu vraiment que Remy et toi…»

Dès qu’il commença à le dire, je sentis mon visage brûler. Je ne savais pas si j’étais gêné ou simplement blessé, mais je ne pouvais pas supporter de l’entendre terminer ce qu’il s’apprêtait à dire.

«Je veux dire, pourquoi pas?» interrompis-je. «Est-ce si absurde de penser que je pourrais être bon pour lui?»

«Non, Dillon, ce n’est pas ça.» Hil soupira, sa voix tendue. «Je pense que ce n’est pas lui qui est bon pour toi. Tu es la meilleure personne que je connaisse. Que se passerait-il si quelque chose venait à se produire entre vous deux? Le meilleur des scénarios c’est qu’il t’entraîne dans son monde fou.»

«Dillon, j’ai passé toute ma vie à planifier ma fuite de cet endroit. Tu pourrais amèrement regretter d’être avec Remy.» Hil prit une urne et la tint entre nous. «Ou pire,» dit-il avec tristesse dans les yeux.

En regardant l’urne rutilante, un frisson me parcourut le dos. Mais malgré ce que Hil disait, je ne pouvais pas abandonner ma foi en Remy.

«Hill, si jamais il devait se passer quelque chose entre moi et Remy, il me protégerait tout comme il te protège. N’as-tu pas dit que c’était ce qu’il faisait? Penses-tu qu’il pourrait arrêter de protéger les gens s’il essayait?»

En retrouvant le regard d’Hil, je vis sa frustration. Alors que nous reprenions nos recherches, je pensais que la conversation était terminée.

«Sais-tu au moins si Remy est intéressé par les garçons? «Hil lança soudain d’un ton plus fort que ne le permettait la discrétion dans une boutique d’urnes.

Au lieu de répondre, je repensai à tous les regards volés et aux attouchements qui avaient alimenté mes fantasmes au fil des ans.

«Il y a eu des moments où nous n’étions que tous les deux qui m’ont fait penser qu’il pourrait l’être,» dis-je honnêtement.

Hil leva un sourcil. «Attends, quand avez-vous été seuls ensemble?»

«Ça n’a pas été souvent,» admis-je, «mais ça s’est produit au fil des ans. Et parfois, quand cela arrive, il me regarde d’une manière qui ne peut pas être hétéro.»

Hil semblait toujours sceptique, mais avant qu’il ne puisse dire quoi que ce soit de plus, il remarqua une urne qui retint son attention.

«Celle-ci,» dit-il en tenant une urne qui dégageait une élégance noble. «Qu’en penses-tu?»

«C’est magnifique. Je pense que ton père l’aurait aimée,» dis-je sincèrement.

«Je la prends,» dit-il avec conviction. «Et Dillon, s’il te plaît, oublie Remy. Je sais à quoi il ressemble et à quel point il peut être charmeur, mais je te promets, ça a un coût. Je ne le supporterais pas si je te perdais aussi.»

En le regardant, je vis la douleur dans ses yeux. Le prenant dans mes bras, je lui dis : «Je t’aime, Hil. Je serai toujours là pour toi. Peu importe quoi.»

«Je ne supporterais pas de te perdre,» répéta-t-il en me serrant dans ses bras.

Mais en tenant mon meilleur ami dans mes bras, je pris une décision. Autant que j’aimais Hil, je ne pouvais pas ignorer ce que je ressentais pour Remy. Je devais au moins découvrir comment Remy se sentait à mon égard.

S’il n’était pas intéressé par les garçons, alors d’accord. Je l’accepterais et passerais à autre chose. Mais s’il y avait une chance qu’il ressente la même chose, je devais la saisir.

Il y a quelques mois, Hil a pris un risque en disparaissant de la vie de tous ceux qui l’aimaient. Ce risque l’a conduit à trouver l’homme avec qui il passera le reste de sa vie. Si Remy était cette personne pour moi, je devais le savoir. Et j’allais le découvrir après l’enterrement.

 

 

Chapitre 4

Rémy 

 

Jetant un coup d’œil autour de la salle de conférence élégamment décorée du bâtiment où j’ai grandi, j’observais l’éclairage doux et les arrangements de fleurs élégants ornant les tables. L’atmosphère était lourde d’un mélange de chagrin et de nostalgie, mais cela ressemblait quand même à la célébration de la vie qu’il était censé être.

Scrutant les invités, j’aperçus ma mère droguée mais étonnamment sociable. Elle avait mieux gérer la situation qu’on ne l’attendait. Les miracles des produits pharmaceutiques modernes, n’est-ce pas?

Au-delà, il y avait mon frère, Hil, et son petit ami, Cali. Voir Cali m’a toujours fait sourire. Le joueur de football universitaire robuste qui avait le cran de sortir ouvertement avec un mec, était incroyablement facile à troubler. C’était tellement amusant de le taquiner. 

«Allons voir, comment allais-je l’appeler aujourd’hui?» Me demandais-je en m’approchant d’eux. Hillbilly? Non, je l’ai appelé comme ça la dernière fois. Redneck? Trop utilisé. Tracteur-chasseur? Aimant de garde-boue? Baiseur de flanelle?

Approchant mon frère endeuillé, je lui serrais l’épaule.

«Tu as fait du bon travail avec la veillée funèbre, Hil. Vraiment. Tout le monde est impressionné. Papa l’aurait adoré.»

Avant que Hil ne puisse répondre, je me tournais vers Cali. «Et dans cette situation, un bon travail veut dire qu’il n’a pas mis une seule photo de cousins s’embrassant n’importe où dans l’endroit. Je sais que c’est bizarre pour toi.»

«Remy!» protesta Hil.

«Quoi?» demandai-je innocemment. «Je m’assurais simplement que votre Prince des Bouseux ici pouvait suivre la conversation. J’étais juste inclusif.»

Cali bégaya, voulant répondre mais sachant qu’il ne le pouvait pas, par respect pour l’occasion. Le regard torturé dans ses yeux me procurait une joie sans fin. 

«Remy, ce n’est pas drôle,» répliqua Hil avec aigreur.

Je feignis d’être blessé. «Hil, tu vas vraiment me crier dessus aujourd’hui? Ici? Nous sommes à la veillée funèbre de notre père. Hil, je suis en deuil,» dis-je en espérant que mon sourire moqueur avait disparu.

Pris de court, Hil se tut assez longtemps pour me permettre de jeter un œil par-dessus son épaule. Derrière lui, seul, se tenait Dillon. Il nous observait. Quand nos regards se croisèrent, je sentis une étreinte autour de mon cœur.

Alors qu’il portait son verre à ses lèvres, il détourna le regard. Mais il était trop tard. J’étais accro. Et pour la première fois depuis notre rencontre, j’étais libre d’obtenir ce que je voulais, c’est-à-dire, plus de lui.

«Remy, tout ce que je dis, c’est…»

«… que tu n’as aucune empathie pour mon chagrin. Ouais, ouais, ouais. Je sais, mais pourrions-nous reprendre ça un peu plus tard?. J’ai des invités dévastés et je dois m’en occuper,» dis-je à mon petit frère, me sentant revigoré.

Traversant la pièce vers l’homme que je désirais depuis si longtemps, je réalisai que c’était le moment. J’allais lui dire ce que je ressentais. Je savais que je devrais être nerveux, mais je ne l’étais pas. La vie dont je rêvais et que j’avais planifiée pendant des années était à ma portée. Je ne pouvais plus attendre qu’elle commence.

M’approchant de Dillon, je ne pus m’empêcher de sourire.

«Merci d’être ici,» dis-je sincèrement.

«Ce n’est que normal,» répondit Dillon, ses yeux bruns doux et sincères. «Si je peux t’aider en quoi que ce soit, fais-le moi savoir.»

Mon esprit fut sur le point de basculer vers des pensées déplacées, mais je me ressaisis. «En fait, il y a quelque chose dont j’aimerais discuter avec toi.»

Dillon semblait amusé. «C’est drôle parce qu’il y a aussi quelque chose dont j’aimerais discuter avec toi. Mais tu devrais commencer.»

«Vraiment?» demandai-je surpris. «Dans ce cas, je t’en prie, vas-y,» insistai-je poliment.

«Non, vas-y. Ce que j’ai à dire peut attendre.»

«Non, non. Je pense que tu devrais commencer,» dis-je en lui montrant le type de petit ami que je serais pour lui.

«Remy, je t’en prie,» dit-il en touchant mon avant-bras.

Une chaleur m’envahit. Il m’était impossible de résister à sa requête maintenant.

«Tu sais quoi? Tu as raison. Ce que j’ai à dire pourrait influencer ce que tu as à dire, donc je devrais commencer.»

«Oh!» s’exclama Dillon, pris de court. «D’accord,» accepta-t-il nerveusement.

Je me redressai, un air sérieux envahissant mon visage. «J’ai réfléchi à toi… à nous. Et… je ne sais pas.»

Avec son teint hâlé devenant rouge vif, il posa délicatement ses doigts sur ma poitrine. «Attends, avant que tu ne le fasses, je dois te dire ça.»

«Non, vraiment, je devrais te dire ça en premier.»

Dillon insista, «Ne le dis pas jusqu’à ce que je t’ai dit ce que j’ai à dire.»

«Oh, merde!»

«Ce n’est pas grave. Je te le promets,» me rassura Dillon avant de remarquer que je regardais quelque chose derrière lui. Qu’est-ce qui ne va pas?»

«Je reviens dans une minute et je te promets que nous continuerons cette conversation,» dis-je, me détachant à contrecœur de lui.

Traversant la pièce, je me dirigeai vers Armand Clément, le plus grand rival de mon père et l’homme avec qui j’avais passé mon accord. En échange de ma libération du monde mafieux, j’avais accepté de lui céder les affaires illégales de mon père.

En contrepartie, je garderais les entreprises que j’avais créées de zéro. De plus, son organisation offrirait une protection à ma famille. J’avais considéré cela comme un gagnant-gagnant. Il obtenait ce pour quoi lui et mon père s’étaient battus, et moi, je serais libre d’avoir ce que j’avais construit… et Dillon.

Hil, ma mère, et moi ne lui devrions rien d’autre. Nous n’aurions plus jamais à le revoir.

Pourtant, le voilà flanqué avec deux de ses hommes de main et d’une superbe blonde assez jeune pour être sa fille. Refoulant mon envie de l’étrangler, je m’approchai de lui jusqu’à sentir son haleine.

«Que fais-tu ici, Armand?» demandai-je sans lui laisser de répit.

«Remy, je suis venu rendre hommage,» répondit-il avec une pointe de sarcasme.

«Des conneries. Si tu voulais témoigner ton respect, tu n’aurais pas mis un pied sur le territoire de mon père.»

«Mais ce n’est plus le territoire de ton père. C’est le mien. Tout est à moi et grâce à toi.»

«Et notre accord stipulait que tu te retirerais et nous laisserais vivre notre vie.»

«Non,» rectifia Armand avec un sourire narquois. «Notre accord stipulait que je te traiterais comme un membre de la famille. Alors, je suis là… pour la famille.»

Je fixai son visage suffisant, voulant y enfoncer mon poing. Je ne le pouvais pas, cependant. Pas ici. Pas maintenant.

«Arrête de tourner autour du pot et viens-en au fait, Armand. Pourquoi es-tu ici?»

L’homme à la face de scarface, au corps bâti sur l’indulgence, libéra un sourire de serpent.

«C’est pour ça que je t’apprécie. Tu vas toujours droit au but. D’accord, voilà. J’ai fait quelques recherches. Il se trouve que les entreprises que je t’ai permis de garder valent un peu plus que je ne l’aurais imaginé. Mes comptables parlent de plus d’un milliard.»

«Tu veux dire les entreprises que j’ai créées de zéro sans l’aide de mon père.»

«Non, je parle de celles que tu as créées sur le dos de l’empire de ton père – un empire qui est maintenant à moi.»

«Ce n’est pas ainsi que ça s’est passé. Mon père n’a rien à voir avec mes sociétés.»

«Mais son argent oui. De l’argent issu du sang de mon peuple, à mes dépens.»

Je serrai les poings, luttant pour garder mon calme. «Armand, je t’ai déjà tout donné. Que veux-tu de plus?» Exigeai-je.

Ses yeux étincelaient d’une certaine malice. «En fait, ce que je veux, c’est te faire une offre généreuse. Je ne te demanderai pas la part de tes affaires que beaucoup diraient que je mérite. À la place, je te donnerai une manière de garantir que personne que tu aimes ne subira aucun mal.»

«Et comment ça?»

«En unissant nos familles.» Il a fait un geste vers la jeune femme qui se tenait à côté de lui. «Je veux que tu épouses ma fille, Eris.»

Je le fixais, abasourdi, puis j’ai ri. «Tu ne peux pas être sérieux.»

Le visage d’Armand s’est durci. «Ce n’est pas une plaisanterie, Remy. Épouse ma fille et nos familles seront liées par autre chose que juste des affaires. Je ne fais pas cette proposition à la légère. Refuse et je le prendrai comme une immense insulte.»

Mon regard a voyagé d’Armand à la belle femme à côté de lui, puis à Dillon, qui nous observait attentivement de l’autre côté de la pièce. Je savais ce qu’Armand suggérait, mais cela n’avait aucune importance. Je ne pouvais pas le faire. Je ne le ferais pas. 

«Écoute, je comprends ton… offre, mais je ne peux pas épouser ta fille.»

Ses yeux se sont rétrécis. «Je te suggère de reconsidérer, Remy. Tu ne veux pas m’insulter. Pas à ce sujet-là. Si tu le fais, il y aura… des conséquences.»

Écoutant sa menace, mon cœur s’est affolé. Évaluant rapidement mes options, j’ai regardé à nouveau autour de la pièce. J’étais dans une position impossible. Je ne pouvais pas risquer la sécurité de ma famille, pas plus que je ne pouvais mettre Dillon en danger. 

Mais épouser Eris signifierait renoncer à toute chance d’être avec Dillon, l’homme que j’aimais.

Comment pourrais-je faire ça? Je ne pourrais pas. Mais comment pourrais-je ne pas le faire?

Les mains charnues d’Armand se sont emparées de mon biceps, me tirant à l’écart et me ramenant à la réalité. J’étais sur le point de lui dire d’aller au diable et d’affronter les conséquences quand il a baissé sa voix, parlant d’homme à homme.

«Je peux voir que tu hésites. Y a-t-il quelqu’un d’autre que tu préférerais être avec?»

«Va au bout de ton idée,» j’ai insisté, ne voulant pas parler de mes sentiments pour un autre homme.

«Il s’avère que nous sommes des hommes. Et les hommes comme nous ne peuvent pas être contrôlés. Je ne m’attendrais pas à ce que tu le sois. Tout ce que j’attendrais de toi serait un mariage et un héritier. Passé ça, qui sait ce que tu fais? Vis ta vie sans m’insulter et je me fiche de ce que tu fais.»

J’ai fixé Armand d’un air abasourdi. Proposait-il que je trompe sa fille?

«Dans ma famille, c’est une tradition,» a-t-il confirmé, ce qui m’a fait le détester encore plus.

Ma tête tournée, alimentée par la colère et l’impuissance. Juste au moment où je pensais refuser à nouveau, j’ai jeté un coup d’œil à son homme de main et l’homme aux épaules larges a remonté sa veste, révélant la crosse de son arme. Armand était venu prêt à verser du sang. Je ne pouvais pas laisser cela se produire dans une chambre pleine de gens que j’aimais… et Cali.

Pensées se précipitant vers la panique, j’ai serré les dents et lancé, «D’accord!» C’est sorti avant que je ne réalise ce que je disais.

«Qu’est-ce que tu as dit?»

Ma mâchoire s’est serrée après avoir pris un moment pour considérer la situation. Il m’avait eu.

«J’épouserai ta fille,» lui ai-je dit, abasourdi par les mots qui sortaient de ma bouche.

Le sourire suffisant d’Armand est revenu. Il s’est éloigné de moi à grands pas, occupant l’attention de la pièce.

«Mesdames et messieurs, j’ai beaucoup de respect pour l’homme que nous sommes venus honorer aujourd’hui. Nous avons peut-être eu nos divergences, mais le temps des désaccords est révolu.» 

«Pour cela, j’aimerais annoncer une heureuse nouvelle en cette journée autrement triste. Il s’agit des fiançailles de ma fille, Eris, avec Remy Lyon, une union qui permettra à la paix et à la prospérité de s’épanouir pour tous. Que notre ancienne rivalité amère se termine ici et que nos grandes familles deviennent une seule et même famille.»

«Un applaudissement pour les nouveaux fiancés,» a-t-il exigé avec un grand sourire.

Des applaudissements polis et confus ont rempli la pièce. L’incrédulité se lisait sur les visages de ma famille. C’était surréaliste. Qu’est-ce que j’avais fait? La réalité de ma décision ne m’a pas frappé avant qu’un Dillon choqué croise mon regard. Sa déception et sa souffrance étaient inévitables.

L’excitation que j’avais ressentie à l’idée de lui parler était partie. À sa place, il y avait un vide creux et douloureux. J’avais renoncé à ma chance d’aimer. Et pour quoi?

Mais en le fixant, j’ai réalisé qu’après être passé si proche de l’avoir, je ne pouvais pas juste le laisser partir. Même si je ne pouvais pas être avec lui, je devais le garder près de moi. Je savais que je devais lui offrir quelque chose.

«Dillon,» J’ai appelé, alors qu’il se dirigeait vers la porte arrière, l’air sur le point de pleurer. Il s’est arrêté. Je l’ai rattrapé, j’ai enroulé ma main autour de son biceps. Il était si petit. Le tirant vers moi, il refusait de me regarder.

«C’est ça que tu voulais me dire? Que tu allais te marier avec cette femme?» a-t-il craché, envahi par la jalousie.

«Non. Ce n’était pas du tout ça.»

«Alors tu n’allais rien dire à ce sujet?» a-t-il dit en me regardant enfin dans les yeux.

«Ce n’est pas ce que je voulais dire.»

«Quoi alors?»

Il avait raison. Qu’allais-je lui dire? Devrais-je lui dire que je venais de vendre mon âme pour la vie de tout le monde ici? C’était la vérité. Mais même moi, je n’avais pas un tel complexe de martyr.

Non, j’avais eu d’autres options et j’avais fait mon choix. Maintenant, je devais vivre avec. Mais cela ne signifiait pas que je laisserais Dillon partir. Selon Armand, je n’avais même pas à le faire. Cependant, ma proposition de lui demander d’être mon petit ami devrait probablement changer.

«Voudrais-tu envisager de travailler pour moi? J’aurais besoin de quelqu’un en qui je peux avoir confiance dans mes affaires.»

Il a hésité, son regard fixé sur le mien. Pris au dépourvu, il avait l’air confus.

«Remy, tu sais que je suis encore à l’université, n’est-ce pas? Il me reste au moins un an avant d’obtenir mon diplôme.»

«Mais, c’est bientôt les vacances d’été, n’est-ce pas? Et quand tu auras fini tes études, tu auras besoin d’expérience professionnelle. Alors, à cet effet, j’aimerais t’embaucher comme mon…»

«…ton secrétaire?» interrompit Dillon.

Je le regardais, surpris par son hypothèse modeste. J’avais eu l’idée sur un coup de tête, alors je ne savais pas vraiment ce que j’allais proposer. Mais cela aidait de connaître ses attentes.

«Non,» rétorquai-je. «Mon assistant. Tu m’aideras au quotidien et je pourrai avoir accès à toi chaque fois que j’en aurai besoin.»

«Cela ressemble à un secrétaire pour moi,» insista Dillon.

Je secouais la tête, «Ce n’est pas le cas.»

«Est-ce que je serais assis à un bureau à l’extérieur de ton bureau?»

La pensée de pouvoir lever les yeux à tout moment et de le voir instantanément me fit bander. «Absolument. Cette partie n’est pas négociable.»

«C’est un secrétaire,» conclut-il, sans laisser transparaître ses sentiments à propos de cette idée.

«Appelle ça comme tu veux. La seule chose qui compte pour moi, c’est : acceptes-tu?»

 

 

Chapitre 5

Dillon

 

Je m’assis dans le chic café Soho, frottant mes paumes moites contre mon jean, attendant Hil. Mon cœur s’emballait, me demandant ce qu’il dirait de mon acceptation de l’offre d’emploi de Remy. Il avait raison en disant que Remy n’avait pas laissé derrière lui le monde de la Mafia. Et maintenant, j’y entrais volontairement.

Le café offrait un mélange de moderne et vintage, avec des murs de briques apparentes, des sièges en cuir élégant, et une atmosphère chaleureuse et accueillante. Nous y venions souvent étant gamins. Tant d’après-midi passés ici à siroter du café, à nous imaginer plus adultes que nous ne l’étions, avec le garde du corps de Hil juste à côté.

J’ai vu le même souvenir dans les yeux de Hil lorsqu’il entra. Lui offrant un sourire anxieux lorsque son regard se posa sur moi, il s’avança.

«J’ai choisi cet endroit parce que je pensais que ça nous rappellerait quelques souvenirs,» lui dis-je alors qu’il s’asseyait.

Hil regarda autour de lui, prenant connaissance du cadre familier. 

«Si ce n’était pas pour toi, je ne saurais rien de New York,» admit-il. «Nous venions ici en prétendant être des adultes. Maintenant, je vis avec mon petit ami et tu es à un an d’obtenir ton diplôme universitaire. C’est étrange.»

«Oui. Etrange,» dis-je avec un petit rire, la nostalgie me réchauffant malgré mon anxiété. 

Prenant une bouffée d’air, je m’imprégnai de la dernière de notre ancienne dynamique et dis, «Hil, Remy m’a proposé un job.»

Son expression resta impénétrable. «Tu ne devrais pas l’accepter, Dillon,» dit-il fermement.

Mes yeux se remplirent de larmes. Regardant mon giron, je murmurais, «D’accord.»

Une larme glissa le long de ma joue, et la main de Hil vint me réconforter. 

«Pourquoi pleures-tu?» me demanda-t-il doucement.

Je reniflais, croisant son regard. «Pourquoi penses-tu que je ne suis pas assez bien pour ta famille?»

Hil soupira, son regard plein de préoccupations. 

«Ce n’est pas du tout ça, Dillon. Ce n’est pas du tout ça. Toute ma vie, je me suis senti piégé dans la vie folle de ma famille. Je ne veux pas que tu te joignes à moi dans cette cellule.» Il fit une pause, songeur. «Tu n’as aucune idée de ce que c’était que de grandir dans cette cage de penthouse où le seul ami que j’avais m’a pris en pitié.»

Je secouai la tête, réfutant sa déclaration. «Ce n’est pas pour ça que nous sommes amis, Hil. Nous sommes amis parce que je t’aime.» Ma voix tremblait lorsque je continuai, «Et j’en ai vraiment marre d’être l’œuvre de charité de votre famille. J’en suis reconnaissant. Ne crois pas le contraire. Mais je veux être autonome. «

«Si j’acceptais l’offre de Remy, peut-être que je pourrais y arriver. Et peut-être si je gagnais ma vie, je pourrais te sortir à ma charge au lieu de toujours dépendre de ta générosité.»

Ayant entendu ce que j’avais dit, Hil essuya ses yeux, reniflant. 

«Je ne veux pas que tu t’impliques avec Remy, Dillon. Et ce n’est pas parce que tu n’es pas assez bien pour notre famille. Je te considère déjà comme un frère.»

«Alors, je ne comprends pas. Pourquoi ne veux-tu pas que nous soyons ensemble?»

«C’est parce que j’ai besoin de toi, Dillon. Et je sais que si tu t’impliques avec lui, il fera quelque chose qui te fera du mal. Une fois que cela sera arrivé, tu te rendras compte que tu es trop bien pour des gens comme nous, et alors… tu ne voudras plus être ami avec moi,» admit-il, les larmes continuant à couler.

«Je sais que c’est égoïste, mais je ne supporterais pas d’être à nouveau seul, Dillon,» ajouta Hil, la voix tremblante. «Et tu es tout ce que j’ai. Je ne veux pas te perdre.»

Je tendis la main et serrai la sienne. «Hil, rien ne brisera jamais notre amitié. Et tu ne seras plus jamais seul. Non seulement tu as Cali, mais je ne vais nulle part. Je te le promets.»

Hil sourit à travers ses larmes, hochant la tête. «J’ai tellement de chance de vous avoir tous les deux. Mais s’il te plaît, promets-moi que tu ne t’impliqueras pas avec Remy. Je ferai tout. Si tu as besoin de plus d’argent, je peux faire en sorte que la commission des bourses augmente ton allocation.»

Je secouai la tête. «Je ne veux pas ça, Hil. Je veux commencer à gagner mon propre argent. Et je veux accepter l’offre de travail de Remy avec ta bénédiction.»

Hil hésita un instant, puis finalement céda. «D’accord, Dillon. Tu as ma bénédiction. Mais promets-moi une chose – ne tombe pas sous le charme de mon frère.»

Je souris. «Je le promets.»

«Merci!» dit-il en se penchant vers moi pour m’étreindre.

Le tenant dans mes bras, je regardai autour de moi l’endroit où nous avions jadis prétendu être des adultes et me demandai si j’avais fait une promesse que je pourrais tenir.

Une semaine après avoir accepté l’offre de travail de Remy, je franchis le pas de sa stylish brownstone de Brooklyn pour mon premier jour. Je ne savais pas à quoi m’attendre, mais quand Remy sorti de son bureau pour me saluer, mon pantalon de costume fin ne pouvais pas cacher mon excitation.

Le corps musclé de Remy, qui mesurait 1m89, remplissait sa chemise blanche impeccable comme si elle avait été peinte sur lui. Et avec ses manches retroussées, ses tatouages sur l’avant-bras étaient totalement apparents. J’étais quasiment sans voix, submergé par une vague de désir. C’était comme si j’avais à nouveau 14 ans, avec des érections incontrôlables et tout…

«Dillon, je suis si heureux de finalement t’avoir…»

«… ici?» ai-je bégayé.

«Où tu veux,» a-t-il répliqué avec un sourire et suffisamment de sous-entendus pour me mettre à genoux. «Maintenant, le premier point à notre ordre du jour, viens avec moi,» a-t-il dit en adoptant rapidement un ton sérieux.

«Où allons-nous?» ai-je demandé, ma voix faiblissant à peine quand j’ai eu le temps de déposer mes affaires.

«Nous allions faire une réunion en marchant. Ça sonne professionnel, non? Oui, nous allons faire une réunion professionnelle en marchant», a-t-il dit, me guidant à nouveau vers l’extérieur.

«Dois-je prendre des notes?» ai-je répondu en attrapant mon téléphone et en cherchant un semblant de professionnalisme.

Alors que je le sortais et naviguais vers mon application de notes, il a regardé mon appareil antique et a soupiré.

«Non. Ça ne va pas. La première chose à ton ordre du jour, trouve-toi un nouveau téléphone. Nous dirons que c’est un téléphone d’entreprise, mais il est à toi. Prends celui que tu veux,» a-t-il dit de manière autoritaire.

«D’accord,» ai-je répondu, surpris de sa générosité.

«La prochaine chose à l’ordre du jour, il y a une crêperie japonaise à proximité que je suis impatient que tu découvres,» a déclaré Remy.

«Pour moi d’essayer?» ai-je demandé, essayant de garder mon calme malgré à peine être capable de voir clairement.

«Oui. J’y ai goûté au Japon, puis encore à Taipei. Quand j’ai découvert une crêperie juste en bas de la rue, je me suis dit, ‘tu sais qui adorerait ça? Dillon. Dillon adorerait vraiment ça.’ Et te voilà.»

«Tu étais sûr que j’adorerais ça?» ai-je demandé, submergé par son charme électrisant.

«Et te voilà,» a-t-il répété.

«Et me voici,» ai-je confirmé, essayant de me concentrer sur autre chose que la manière dont la chemise de Remy adhérait à ses muscles.

En approchant de la crêperie, j’ai remarqué une énorme file d’attente qui serpentait à l’extérieur de la porte. Remy a souri, sortant son téléphone.

«Ils ont une application?» ai-je observé, haussant un sourcil.

«Ils n’en avaient pas,» a avoué Remy. «Mais ensuite, j’ai essayé une de leurs crêpes, j’ai  acheté l’entreprise et ensuite, je leur ai fait développer une application.»

J’ai rigolé. «Pourtant, il y a toujours une file d’attente.»

«L’application est encore en phase bêta. Je voulais la tester rigoureusement avant de la rendre publique,» a-t-il expliqué d’un air malicieux.

«Donc c’est ton application personnelle pour obtenir des crêpes japonaises dès que tu le souhaites?» ai-je demandé, mon cœur battant face à l’intensité de son regard.

Remy a souri. «Il faut les regarder préparer ça. C’est vraiment cool.»

Alors que nous regardions la pâte à crêpe être lissée et retournée sur une plaque chauffante circulaire, j’étais fasciné. Une fois cuite, des bananes en tranches y ont été déposées et roulées. Garnie de glace et garnie de crème fouettée, elle a été transformée en crème brûlée avec un chalumeau. Cela avait l’air incroyable! Mais rien n’aurait pu me préparer à ma première bouchée.

«Oh mon Dieu!» me suis-je exclamé, mes yeux luttant pour ne pas sortir de leurs orbites.

«N’est-ce pas? Le meilleur million que j’ai jamais dépensé,» a dit Remy avec un sourire satisfait.

J’ai toussé, en entendant le prix. Puis j’ai pris une autre bouchée.

«Oui, probablement,» ai-je convenu en dévorant.

Assis face à face, à une table de deux, avec l’homme dont j’étais amoureux toute ma vie, en dégustant le dessert le plus incroyable que j’ai jamais mangé, j’étais au paradis. Je ne voulais pas que ce moment se termine. Quand c’est arrivé et que je me suis mis à plonger et à ressortir des fossettes de ses yeux, j’ai abordé l’évidence.

«Alors, je suis ici. Tu m’as. Tu peux faire de moi ce que tu veux. Quel va être mon travail? Et si tu dis testeur d’applications de crêpes japonaises, sache que je vais tester la crème brûlée de cette chose.»

Remy a ri. «Si c’est ton rêve, vas-y. Personnellement, tant que tu te présentes chaque jour en étant magnifique, je me fiche de ce que tu fais. Et, soit dit en passant, tu fais un excellent travail jusqu’à présent.»

J’ai roulé des yeux de manière espiègle, cachant que mon pantalon de costume avait encore perdu face à mon érection. Mais finalement, quand j’ai été capable de me lever, nous nous sommes levés et sommes retournés au bureau.

«Alors, en quoi consiste réellement ton travail?» ai-je demandé alors que le sang revenait lentement à mon cerveau.

«Pendant la dernière récession, beaucoup d’entreprises étaient à court de liquidités. J’ai fourni le capital qui leur permettait de faire face à leurs dépenses en échange d’une participation dans l’entreprise et des taux d’intérêt généreux.»

«Attends, tu es un usurier?» ai-je lâché.

Remy a éclaté de rire. «Quand on est riche, on appelle ça être un investisseur de série D.»

Nous avons approché la porte du bureau de la maison de ville et sommes entrés. «Est-ce que le ‘D’ signifie ‘dick’? Parce que c’est ce que sont les usuriers,» ai-je plaisanté.

«Officiellement, non. Mais soyons clairs. Parfois, certaines personnes cherchent juste un petit dick,» a répliqué Remy, un sourire en coin.

J’ai rougi. «Je ne sais rien de tout cela.»

«Tu connais mieux les gros dicks? Je n’aurais jamais deviné ça de toi. Mais sois assuré, M. Harris, mon entreprise peut aider.»

Sachant que je devenais rouge vif, j’ai subtilement brossé le devant de mon pantalon en me demandant combien étaient visibles. Mais en entendant quelqu’un toussoter, nous avons tous les deux levé les yeux. Voyant qui se tenait devant nous, j’ai gelé de panique.

 

 

Chapitre 6

Rémy 

 

Voir Eris Clément dans la salle d’attente de mon bureau m’a arraché au fantasme que je m’étais brièvement permis et m’a ramené à la réalité. La princesse choyée d’Armand était assise, posée sur ma chaise Le Corbusier, avec ses boucles blondes parfaitement modelées et ses yeux bleus glacés qui exprimaient clairement son dédain pour tout ce qui se mettait en travers de son chemin. 

Instinctivement, je me suis tourné vers Dillon à côté de moi. Il était visiblement déconcerté. Je détestais l’effet qu’elle avait sur lui.

«Qu’est-ce que tu fais ici?» ai-je demandé, agacé.

Eris lança un sourire coquet. «Une future mariée ne peut-elle pas rendre visite à son futur mari au travail?» demanda-t-elle, me faisant frissonner. Alors que je serrais les dents, elle ajouta : «Je t’ai apporté un cadeau de fiançailles, idiot.»

«Quoi?» demandais-je, déconcerté par son geste. Que faisait-elle? 

«Les choses entre nous n’ont peut-être pas commencé comme nous l’aurions voulu, mais nous pouvons toujours en tirer le meilleur, n’est-ce pas?» Elle fit un geste en direction d’une petite boîte sur la table. «Ouvre-la.» 

J’ai à nouveau hésité, cherchant la réaction de Dillon. Il était aussi perdu que moi. Me tournant vers la petite boîte bleu clair avec un ruban blanc, je l’ai ramassée et l’ai fixée. 

«Ce n’est pas une bombe, Remy. Je suis là, avec toi», dit-elle avec sarcasme. 

Voulant en finir avec cet échange, je retirai le ruban et soulevai le couvercle. À l’intérieur se trouvait une montre qui me coupa le souffle. 

«Comment savais-tu que je collectionne les montres?» bégayai-je, levant les yeux vers Eris. 

«Remy, tu es un homme de classe et de goût. Bien sûr, tu collectionnes les montres,» répondit-elle avec un sourire satisfait. 

Dillon s’approcha, la curiosité l’emportant. «Qu’est-ce que c’est?»

«C’est une Richard Mille RM 56-02 Tourbillon Sapphire. C’est une montre très rare,» dis-je en essayant de me souvenir de la dernière fois que j’en avais vu une en personne. 

Dillon se pencha pour un regard plus proche. «On peut voir à travers. On dirait que les pièces qui tiennent les aiguilles flottent entre deux verres. C’est incroyable,» avoua-t-il. 

Je le regardais, puis me tournais vers Eris. «C’est à deux millions de dollars incroyable,» dis-je, peinant à trouver les mots justes. «Je ne peux pas accepter cela. C’est trop.»

Eris croisa les bras. «Je serai ta femme, Remy. Rien n’est trop pour mon futur mari.»

Voyant l’expression ébranlée de Dillon, je repris mes esprits. «Oui, j’ai essayé d’en trouver une comme ça,» dis-je sans fioritures.

Les yeux d’Eris brillèrent alors qu’elle demandait : «Puis-je te la mettre?»

Luttant contre l’envie de lui refuser, je cédai alors qu’elle glissait la montre sur mon poignet. Toujours submergé par ce que je voyais, je dis : «Eris, je ne sais comment te remercier.»

«Moi je sais,» répondit-elle avec un sourire sinistre. «Ne l’enlève jamais.»

En plaisantant, je répondis : «Je ne suis pas sûr que je le voudrais.»

«Et vire-le,» poursuivit Eris, désignant Dillon du menton.

«Quoi?» demandais-je, encore pris par surprise.

«Je pense que tu m’as entendu,» dit-elle avec suffisance.

«Je ne peux pas faire ça,» déclarai-je, jetant un coup d’œil à Dillon, qui semblait abasourdi.