MA COMPAGNE MAUDITE

Préface

Titus

 

En entrant dans les tribunes du centre d’entraînement, je me suis demandé si je n’avais pas fait une erreur. Voir Nero dans le camp d’entraînement de sa nouvelle équipe NFL m’avait renvoyé à mes meilleurs moments du lycée. Bien sûr, je n’avais jamais atteint le niveau de jeu de Nero, mais la camaraderie, la compétition, tout ça m’a soudainement manqué.

Je n’ai pas vraiment donné toute sa mesure à mon passage dans l’équipe d’East Tennessee State. J’aurais pu m’investir davantage. Je suis un loup métamorphe. À part Nero, tous les autres membres de l’équipe étaient humains. Ça ne me semblait pas juste de me donner à fond.

Au lycée, nous étions plus nombreux et le reste de l’équipe savait ce que nous étions. Cela semblait différent à East Tennessee. Mais assis dans les tribunes, en voyant tout ce que j’avais raté, j’ai eu l’impression que j’aurais dû en faire plus…

“Woah !” Ai-je dit lorsque la tête de Nero s’est retournée après avoir reçu un coup dans le cou par un type gigantesque. “C’était quoi ça ?” Ai-je demandé, sans m’adresser à personne en particulier.

En m’installant à quelques mètres des autres spectateurs, j’ai regardé Nero se reprendre. Il n’était pas connu pour sa capacité à contrôler ses nerfs. Mais je devais lui accorder quelque chose. Le camp d’entraînement avait été éreintant et interminable. L’ancien Nero se serait déjà transformé et aurait arraché la gorge de quelqu’un. Je ne savais pas comment il faisait pour rester sous contrôle. Il avait l’air d’être sur le point d’exploser alors qu’il fixait le gars qui l’avait cogné sans raison.

“Reste calme, Nero. Reprends-toi,” ai-je dit dans un souffle.

Nero a levé les yeux vers les tribunes.  Il m’avait entendu. Il était pourtant à une distance impressionnante. Il devait être à un cheveu de basculer. Étais-je sur le point d’assister à la fin de sa carrière avant même qu’elle ne commence ?

Non. Ravalant sa rage, Nero s’est ressaisi et a calmement repris sa position sur la ligne arrière, au milieu du reste de l’équipe. 

Le jeu suivant a de nouveau été exécuté pour Nero. Cette fois-ci, il a croisé un autre joueur, a fait une passe et s’est élancé vers le côté ouvert. Il était presque libre et dégagé jusqu’à ce que le même mec sorte de nulle part et lui rentre dedans comme un dingue.

“Est-ce que quelqu’un a vu ça?” Ai-je crié en me relevant. “C’est un camp d’entraînement. Il ne peut pas faire ce genre de placage. C’est de la folie !”

Apparemment, Nero était d’accord, car au lieu d’encaisser comme la dernière fois, il a arraché son casque et l’a poursuivi. Il a fallu la moitié de l’équipe pour les séparer. Pour finir, Nero a simplement arrêté de lutter et a laissé tomber.

C’était incroyable de voir à quel point il faisait preuve de retenue. Je ne sais même pas si je pourrais résister à un déplacement après un jeu aussi révoltant. Mais Nero l’avait fait. Il était un meilleur loup que moi, même si cela n’a pas empêché son entraîneur de le renvoyer aux vestiaires.

“Tu es nouveau ici toi, n’est-ce pas?” a dit un gars à côté de moi.

“Quoi?” Ai-je répliqué en me tournant vers lui.

“C’est ton pote là-bas?” a demandé le gars avec un sourire.

“Oui. Et alors?”

“Tu devrais lui expliquer qu’il joue contre Big Mac là.”

“Qui? Le gars qui multiplie les fautes?”

“C’est mieux si ton ami reste en dehors de son chemin”.

“Peut-être que Big Mac devrait se retirer du chemin de mon ami. Il ne sait pas à qui il a affaire.”

“Je pense que Big Mac en a absolument rien à foutre”, a-t-il dit en gloussant.

J’ai regardé de nouveau le terrain en me concentrant sur Big Mac. Oui, le mec était balaise. Et alors? Le loup de Nero l’était encore plus. Nero devait penser la même chose car en l’attendant dans le camion après l’entraînement, je l’ai retrouvé très en colère.

“Pas tout de suite”, a dit Nero alors que je mettais le contact.

“Qu’est-ce qu’il y a?”

“Tu as tout vu, n’est-ce pas?”

“Tu parles des deux jeux?”

“Oui. Il m’a fait ça toute la semaine. Je vais mettre fin à cette merde tout de suite.”

“Nero, tu vas faire quoi?” Ai-je demandé en sachant que cela allait mal se terminer.

“On va juste lui montrer à qui il a affaire.”

“On?”

Nero s’est tourné vers moi. “Ouais. T’es avec moi ou pas?”

“Toujours et tu le sais très bien. Mais tu es sûr que c’est la meilleure façon de gérer ça?”

“T’as qu’à faire ce que je fais. Ça se termine aujourd’hui son petit manège.”

Nero s’est retourné vers la sortie des joueurs et a attendu. Mon cœur battait à tout rompre. Je pouvais sentir mon loup remonter à la surface. C’était loin d’être une bonne décision. Mais quel autre choix avais-je que de soutenir Nero?

Lorsqu’un grand type couvert de chaînes en or est sorti, Nero s’est relevé.

“C’est lui. Allons-y,” a-t-il dit sans attendre de réponse.

En sortant du camion, Nero s’est dirigé vers lui.

“Hé, Taxi Boy!”

Big Mac s’est retourné et l’a fixé du regard.

“Comment tu m’as appelé?”

“Tu m’as très bien entendu”, a aboyé Nero. “Tu ne sais pas à qui tu t’en prends”.

En nous regardant nous s’approcher, ce mec énorme a eu l’air amusé.

“Ah Ouais? Et à qui je m’en prends?”

À moins de trois mètres de lui, Nero a enlevé sa chemise et a contracté son torse. On aurait dit qu’il essayait de se transformer sans y arriver.

Confus, Nero a fait une pause. Il a essayé à nouveau. Rien.

“Titus, montre-lui à qui il a affaire”, a-t-il dit en se tournant vers moi.

Je n’en avais pas envie, mais je devais le faire. Enlevant ma chemise, j’ai bandé mes muscles en essayant de me transformer Rien ne s’est produit. Qu’est-ce qui se passait?

Big Mac a ri, je me suis tourné vers lui.

“Alors? On ne se transforme pas?”

Nero et moi l’avons regardé avec stupéfaction.

“Tu penses que tu es le seul métamorphe de la ligue?”

“Tu en es aussi?” Nero a interrogé Big Mac.

“Tu ne connais vraiment rien à rien, hein, le bleu?”

“Le stade d’entraînement est sur une terre magique. Tous les stades de foot le sont. Les grands patrons ne peuvent pas laisser leurs pépites se faire massacrer par de sales métamorphes en direct à la télévision nationale, tu ne crois pas?”.

Big Mac est passé devant Nero sans paraitre effrayé. Nero l’a attrapé.

“Je n’ai pas besoin de me transformer pour te casser la gueule”, a menacé Nero.

Mac a repoussé sa main.

“Quand tu veux. Et où tu veux,” a-t-il dit, le regard comme possédé.

“Laisse-moi t’attraper en dehors de ce terrain magique et ça va se régler rapidement.”

“Ah Ouais?” A demandé Mac, amusé. Il est retourné vers sa luxueuse voiture de sport. “Ne fais pas de promesse que tu ne pourrais pas tenir.”

“Vas-y, viens là!” A dit Nero en écartant les bras pour l’inviter à la baston.

Big Mac est monté dans sa voiture et l’a démarrée. “Tu n’auras pas besoin de me le dire deux fois”, a-t-il dit avant de s’en aller.

Nero et moi l’avons regardé partir. Ma peau frissonnait comme elle ne l’avait pas fait depuis longtemps. J’avais l’impression que j’allais exploser. Je me souvenais de ce sentiment. C’était ce qu’était la colère avant que je puisse me transformer et laisser mon loup la consumer. J’avais l’impression d’avoir le visage en feu.

“C’est quoi ce sol magique?” M’a demandé Nero.

“Un endroit où on ne peut pas se transformer? Ai-je dit en énonçant l’évidence.

“Putain!” A dit Nero en remettant sa chemise pour aller vers son van.

Je l’ai suivi en montant sur le siège passager. Même si j’avais sa voiture pendant la journée, il n’aimait pas que quelqu’un d’autre la conduise. C’était la même qu’il conduisait depuis le lycée. Elle avait une valeur sentimentale.

“Alors, c’est quoi cette histoire?” Lui ai-je demandé.

“C’est juste un connard de joueur de Taxi Squad. Il est jaloux de ne pas pouvoir avoir une place dans l’équipe.”

“Taxi Squad?”

“Oui, l’équipe engage des gars contre qui nous pouvons nous entraîner. C’est censé développer le potentiel des joueurs, mais lui, il est coincé là depuis 6 ans. Il pense qu’il peut s’en prendre à moi parce que je suis une nouvelle recrue.”

“Tu penses que c’est un métamorphe?”

“Il savait pour nous. Peut-être.”

“Tu as remarqué son odeur?”

“Tu veux dire comme de la merde sur une route en pleine chaleur.”

“Ouais, un truc comme ça.”

“Oui, j’ai remarqué.”

“Tu as déjà senti quelque chose comme ça avant?”

“Il y a beaucoup de choses que je n’ai jamais senties avant par ici. Je ne vais pas reculer parce qu’un trou du cul a une odeur bizarre.”

Nous avons tous les deux gardé le silence sur la route sombre et déserte pour retourner chez Nero. Il ne voulait pas vivre en ville. Il disait que c’était trop animé pour lui. Venant de notre petite bourgade, je pouvais le comprendre. De plus, vivre au milieu de nulle part lui permettait de se transformer pour partir en virée quand il le voulait. Nous étions à peu près arrivés quand…

“C’était quoi ce bordel?” A crié Nero après que le camion ait basculé. 

Mon cœur battait dans ma poitrine. Quelque chose nous avait percutés. J’ai regardé à travers la lunette arrière. Il n’y avait rien d’autre que les ténèbres. Lorsque le camion a de nouveau tressailli, nous avons réalisé que cela venait d’en haut.

“Merde!” A crié Nero avant de faire une embardée.

Cela n’a pas ébranlé ce qui nous avait attrapés et le moteur du camion a rugi alors que celui-ci perdait le contact avec le sol. Lorsque le toit de la cabine s’est ouvert comme une boîte de conserve, nos roues sont retombées sur terre. Nous étions attaqués. Mais par quoi?

Perdant le contrôle alors que les pneus touchaient à nouveau la route, le camion s’est déporté sur le côté et a foncé vers un arbre. Nero n’a pas pu le stopper. En voyant le tronc arriver à grande vitesse sur nous, nous nous sommes arrêtés avec une secousse qui a failli nous envoyer à travers le pare-brise.

Secoués, nous avons levé les yeux. On pouvait voir le ciel au-dessus de nous. Quoi que ce soit, cela avait mis le camion en lambeaux. Tout en moi m’a dit de me bouger et de courir. Je ne savais pas quoi faire. J’ai eu ma réponse lorsque des ailes massives d’un mètre de hauteur sont descendues de nulle part et ont enfoncé leurs énormes griffes dans la cabine.

“Cours!” A crié Nero en ouvrant sa porte.

J’ai arraché ma chemise en le suivant. J’ai senti mes os se briser et se remettre en place. Mon loup se libérait. Le monde semblait différent. Trouvant mon compagnon de meute et tombant dans son sillage, nous avons tous les deux sprinté à travers les arbres pour sauver nos vies.

En prenant un moment pour regarder en arrière, je l’ai vu. J’avais entendu Cage en parler, mais je l’avais à peine cru sur le moment. C’était un dragon. Une bête couverte d’écailles, au long cou, avec des yeux de feu. Il a couvert la distance en un éclair et nous a bombardés en piqué, il a attrapé le loup de Nero dans ses griffes et l’a projeté en avant. 

Nero a heurté le sol avec fracas. Alors que je courais vers lui, Nero ne s’est pas relevé. Il n’était pas mort, mais il était étendu là, hébété. Je devais le protéger. Je devais faire ce que je pouvais pour assurer sa sécurité.

Me précipitant vers lui, je me suis retourné pour me placer entre Nero et le monstre. Perché dans les airs à 10 mètres devant moi, j’ai lutté contre la pression de chacune de ses ailes. Il me tenait. Il nous tenait tous les deux. Et quand il a rugi en crachant du feu en l’air, j’ai compris que j’allais mourir aujourd’hui.

Je suis redevenu humain en une seconde et je l’ai supplié.

“Arrête! Je t’en prie. Ne nous fais pas de mal.”

En l’entendant, la bête m’a regardé. Elle a compris. Se baissant sur le sol, elle m’a lancé un regard aussi suffisant que son visage en écaille pouvait le faire. Repliant ses ailes sur elle-même, la créature s’est déplacée. J’ai reconnu la personne qu’elle était devenue.

“Toi!” Ai-je dit en fixant un Big Mac complètement nu.

“C’est quoi ce bordel, mec?” Ai-je dit alors qu’il s’approchait de moi en souriant.

“Ton ami n’est plus aussi arrogant maintenant, hein?” A dit Mac en me tendant la main pour m’aider à me relever.

“Je pense que tu l’as blessé”, lui ai-je dit alors que nous regardions tous les deux le loup de Nero.

“Nan. Je connais ce genre de bestiole. La seule chose qui a été blessée, c’est sa fierté. Secoue-toi, le bleu,” a demandé Mac.

À ma grande surprise, Nero a répondu. Redevenu humain, il est resté allongé pendant seulement une seconde avant de se redresser.

“Tu vois. Maintenant, si tu me reparles comme tu l’as fait, je vous défonce le cul. A tous les deux”, a-t-il menacé avant de déployer ses ailes énormes, de se transformer et de disparaître dans la nuit.

Je l’ai regardé partir. J’étais encore sous le choc. Rien de ce que j’avais entendu ne rendait justice à ce que je venais de voir. C’était à la fois terrifiant et impressionnant.

“Nero, est-ce que ça va?” Ai-je demandé.

“Tu veux dire, à part le fait que je vienne de me faire défoncer?”

J’ai gloussé. “Oui, je veux dire à part ça.”

Nero a soufflé un rire et a détourné le regard. Je me suis assis à côté de lui.

“J’ai cru mourir”, ai-je admis. “On en était à deux doigts.”

Nero n’a pas répondu.

“Je n’arrive pas à croire toutes les choses que je n’ai pas encore faites. Je serais mort sans avoir dit à Lou ce que je ressentais pour elle.”

Nero a claqué des doigts vers moi.

“Oui, je l’admets. J’ai des sentiments pour Lou. Tu es content?”

“Pas si tu ne fais rien pour y remédier”.

“Je dois rentrer à la maison”, lui ai-je dit en réalisant qu’il avait raison. “Je dois voir Lou.”

 

 

Chapitre 1

Lou

 

Quel genre d’idiote invite un garçon à rencontrer ses parents à leur troisième rendez-vous ? C’est comme sauter la barrière autour de la cage du gorille au zoo… C’est un truc de dingue que seul un dangereux psychopathe aurait l’idée de faire.

Mais voilà le truc. Nous nous sommes envoyés tellement de textos, il m’a dit qu’il était tombé amoureux de moi après le deuxième rendez-vous. C’est vrai, j’ai eu un deuxième rendez-vous avec quelqu’un. Je parie que personne n’aurait cru ça possible.

Mais moi si, il m’a emmenée dans les montagnes pour regarder une pluie de météorites. Nous avions une couverture et un panier de pique-nique. Je pleure pratiquement rien que d’y penser. Personne ne s’était jamais comporté comme ça avec moi. Alors quand mes parents m’ont dit qu’ils venaient me rendre visite, j’ai saisi l’opportunité de leur montrer qu’ils avaient tort à mon sujet. 

‘Nous n’avons aucun problème avec le fait que tu arrêtes ton traitement’, avaient-ils dit. ‘Nous pensons simplement que tu ne trouveras personne si tu ne prends plus tes médicaments.’

Quoi? Mes parents venaient vraiment-ils de me dire ça ? Ils pensent sérieusement que leur fille ne trouvera jamais l’amour en restant simplement elle-même? 

Eh bien, laisse-moi te dire quelque chose maman, il y a un gars sexy et riche que n’importe quelle fille mourrait d’envie d’avoir. Et il est en train de tomber amoureux de moi, ta fille dont tu penses que personne n’aura jamais de sentiments pour elle.

Seymour est la clé de ce problème, il est la solution aux a priori de mes parents. Est-ce que Sey ressemble au type qui jette ses clés au Mexicain le plus proche pour amarrer son yacht? Un peu. Mais d’après mes parents, je serais l’exemple parfait de la fille qui ne trouvera jamais l’amour. Les apparences sont donc parfois trompeuses.

Le seul problème maintenant, c’est que j’ai envoyé un SMS à Sey pour lui indiquer l’heure et le lieu où nous allions rencontrer mes parents et il n’a toujours pas répondu. Le gars m’envoie des textos ‘Bonjour, beauté’ tous les jours. Et quand il est censé rencontrer mes parents, plus rien?

J’ai fait une erreur? Je suis allée trop vite? Il m’a dit qu’il était en train de tomber amoureux de moi. Je ne suis pas allée jusque-là. Alors, à quel point est-ce exagéré de l’inviter à rencontrer mes parents?

J’ai tout gâché, n’est-ce pas? Oh mon Dieu, c’est ça! Ce mec m’a offert une branche d’olivier et je l’ai fouetté avec. Il aurait pu m’arrêter. Avions-nous au moins un code de sécurité pour tout stopper? Rien de tout cela n’était anticipé et je lui ai fait peur!

Au bord de la crise de panique, j’ai sorti mon téléphone et j’ai appelé la seule personne qui savait comment gérer la crise lorsque je me mets dans un tel état.

“Titus?” Ai-je dit à mon meilleur ami, le loup métamorphe.

“Lou, quoi de neuf?

Je pouvais l’entendre sourire à travers le téléphone. Il ne comprend pas que ma vie est en train de s’effondrer? Comment peut-il sourire à un moment pareil? C’est qui le dingue là?

“Quoi de neuf? Je vais te dire ce qu’il y a de neuf. Je dois aller voir mes parents et le garçon, que j’ai invité dans le seul but de leur faire ravaler leurs paroles, ne m’a pas dit s’il venait ou non.”

“Attends, tu veux leur présenter quelqu’un? Depuis quand?”

“Je ne sais pas. Un peu après notre deuxième rendez-vous. Il m’a dit qu’il m’aimait et…”

“Il t’a dit qu’il t’aimait après votre deuxième rendez-vous?” a-t-il demandé en me coupant la parole.

“Oui. Ou peut-être que c’était un texto. Et il a peut-être dit qu’il était en train de tomber amoureux de moi. Mais c’est vraiment comme si c’était sérieux, non?”

“Je… suppose.” 

“Donc, il me dit qu’il m’aime. Puis je lui dis que mes parents viennent en ville et que ça serait sympa qu’il les rencontre. Il accepte. Mais ce matin, quand je lui donne les détails, plus rien. Pas même un emoji ou un mème. Et j’adore les mèmes drôles qu’il m’envoie. C’est l’une des meilleures choses de notre relation.”

“Wow! C’est beaucoup.”

“Qu’est-ce qui est beaucoup?”

“Tu viens de dire tellement de choses que…”

“Oh mon Dieu, oui”, ai-je dit en coupant la parole à Titus. “Qu’est-ce que je vais faire ? Qu’est-ce que je vais faire?”

“D’abord, calme-toi.”

“Je te dis que ma vie est sur le point de s’écrouler et tu me dis de me calmer? C’est le moment exact pour paniquer.” 

“Lou, écoute-moi. Respire. Respire à fond.”

Fixant la pâtisserie où j’avais dit à mes parents de me retrouver, j’ai fait ce que Titus m’a dit. J’ai pris une inspiration. C’était difficile vu à quel point ma poitrine était serrée, mais je l’ai fait. Cela m’a aidé. Je n’avais presque plus l’impression que j’allais m’évanouir.

“C’est mieux?”

“Chut, j’essaie de respirer”, lui ai-je dit en luttant pour prendre une autre inspiration.

Après que mon cœur ait ralenti, j’ai fini par me calmer, je me suis ressaisie.

“Tu es toujours là? M’a demandé Titus.

“Ok.”

“Ok. Où es-tu?”

“Face à mon destin.”

“Je voulais dire physiquement. Tu te trouves où?”

“Je suis devant Nutmeg.”

“Très bien. Tu veux que je vienne?”

“Tu n’es pas en train de faire un tour du monde en avion ou un truc dans le genre?”

“Non. J’aidais Nero à s’installer dans sa nouvelle maison. Tu le sais. Tu sais aussi qu’on était dans le jet de son équipe. Je ne pouvais même pas me payer des cacahuètes dans cet engin. C’est Nero qui m’a payé billet de retour.”

“Alors tu rentres?”

“Nous sommes sur le point d’atterrir. Je pourrais prendre un taxi et être là dans 15 minutes.”

“Attends! Je ne devais pas venir te chercher à l’aéroport? Je suis vraiment désolée. Mes parents m’ont dit qu’ils seraient en ville pour la journée et mon esprit s’est arrêté.”

“Je comprends. Je comprends. Ne t’inquiète pas. Je vais prendre un taxi. Et si tu veux que je sois là, je pourrais y être en quelques minutes.”

J’ai réfléchi. J’avais dit à mes parents que je voulais leur présenter quelqu’un. À quel point ce serait humiliant d’arriver toute seule? Cela prouverait que tout ce qu’ils ont toujours pensé de moi était vrai. Je ne pourrais pas le supporter. Le simple fait d’y penser me donnait envie de fondre en larmes.

“Tu pourrais?” Ai-je demandé, Titus était vraiment un amour de le proposer. 

“Bien sûr, oui. L’hôtesse de l’air me dit que je dois éteindre mon téléphone. Mais ne t’inquiète pas. Je serai là dès que possible. Je suis là pour toi, Lou. Tu le sais.”

“Je le sais. Merci”, ai-je dit en me calmant enfin.

Tout allait bien se passer. Je ne savais pas ce qui arrivait à Sey, mais je n’avais pas à m’en inquiéter pour le moment. Et bien sûr, j’avais laissé entendre qu’ils rencontreraient quelqu’un avec qui je sortais. J’aurais pu vouloir dire que je voulais qu’ils rencontrent mon meilleur ami. Je vais m’en sortir.

En fixant de nouveau la pâtisserie, j’ai pensé à ceux qui attendaient à l’intérieur. Frank et Martha n’étaient pas venus me rendre visite depuis le jour où ils m’avaient déposée à l’Université. Ils ne faisaient pas partie de ces parents attentionnés qui appellent leurs enfants pour voir comment ils vont. J’étais comme un accessoire pour eux, rien de plus.

Bien qu’ils aient beaucoup d’argent, j’ai grandi comme si nous nous battions pour nous en sortir. Je ne me souviens pas d’un seul cadeau de plus de 20 dollars. Pendant ce temps, ils s’achetaient une nouvelle voiture chaque année. Tout ce qui leur permettait de briller aux yeux des horribles personnes qui les entouraient, ils le faisaient. Mais ce qui me concernait n’avait pas d’importance.

Tout ce qui a pu me permettre de fréquenter l’East Tennessee University, c’est grâce à ma grand-mère. Elle a payé pour tout ce que j’ai eu. Même quand j’étais enfant, si j’avais besoin d’argent de poche ou de nouveaux vêtements, j’allais la voir. Elle était tout pour moi. 

Je n’aurais certainement pas survécu à mon enfance sans elle. C’est elle qui m’a dit que j’avais le droit d’être qui j’étais et qu’elle m’aimerait quoi qu’il arrive. C’était avant que je ne décide d’arrêter mon traitement. C’est même peut-être qui m’avait suggéré de le faire. C’était comme si elle avait une connexion avec l’au-delà.

Pourtant, elle n’utilisait pas ses relations comme l’auraient fait mes parents. Martha transformerait tout le monde en esclave tandis que Frank deviendrait un super-vilain. Il était silencieux mais quand il te fixait, tu pouvais deviner toutes les choses horribles auxquelles il pensait. 

Grand-mère Aggie était mon seul refuge face à tout cela. Je n’aurais pas survécu sans elle. La vie était trop dure et trop solitaire. Je pourrais pleurer en pensant au nombre de fois où elle m’a prise dans ses bras en me disant que j’allais m’en sortir. Quand je n’arrivais plus à la croire, elle me serrait jusqu’à ce que je change d’avis.

Ses bras étaient mon seul endroit sûr dans tout le Tennessee. Je pense à elle tous les jours et je l’appelle souvent. Puiser dans la force qu’elle m’a donnée est ce qui me permet de continuer à marcher vers la pâtisserie.

Je n’avais pas de petit ami à leur présenter, mais j’avais Titus. Il allait bientôt arriver et notre amitié leur prouvera que je vaux quelque chose. Même s’ils ne le pensent pas, lui, il le pense. Comme Grand-mère Aggie avant lui.

En prenant une dernière inspiration, j’ai fait un pas devant la porte vitrée et j’ai jeté un coup d’œil à travers. Comme toujours, ils étaient tous deux impeccablement habillés. Martha portait son haut bleu marine qui lui donnait l’air d’un marin et son habituel son collier de perles.

Frank portait un polo vert et un pantalon kaki. Il était la personne la plus invisible de la pièce. J’étais peut-être leur accessoire, mais Frank était celui de Martha. Et son travail consistait à ne pas l’éclipser de quelque façon que ce soit. Il gagnait l’argent et ouvrait les portes. Mais il n’avait pas le droit d’avoir sa propre personnalité. Cela lui a toujours convenu.

En entrant, j’ai raidi mon dos et je me suis avancée. Ils se sont retournés quand je suis arrivée à leur table.

“Mère, Père”.

Ma mère a grimacé. “Tu sais que je déteste que tu nous appelles comme ça.” 

Je le savais. C’est pourquoi je l’avais fait.

“Désolée. Frank, Martha.”

Je savais aussi que Martha aimait entendre son nom en premier.

“Ça t’aurait fait mal d’être à l’heure pour une fois dans ta vie ?” grogna ma mère.

“Je ne sais pas. Tu en penses quoi ?”

Martha s’est tournée vers Frank. 

“Je ne veux pas la voir si elle doit se comporter comme ça. Je ne peux pas. Pas aujourd’hui.”

“Louise, respecte ta mère”, a marmonné Frank.

“Oh, il parle”, ai-je dit, sincèrement surprise.

“Tu vois ce que je veux dire”, lui a dit ma mère.

“Louise!” a dit mon père en élevant la voix.

“Très bien!” Ai-je dit en levant les mains en signe de reddition.

Il n’avait pas parlé très fort. Mais toute manifestation d’autorité de sa part me déconcertait toujours.

“Tu dois faire ça à chaque fois?” a poursuivi ma mère.

“Faire quoi? Tout ce que j’ai fait, c’est dire bonjour. C’est toi qui me critiques depuis que je suis arrivée.”

Frank a repris la parole. “Louise, cela fait trente minutes que nous t’attendons.”

Il avait raison. J’étais en retard. J’avais laissé autant de temps que possible à Sey pour qu’il me recontacte. 

Mais ce n’est pas comme s’ils ne m’avaient jamais laissé de côté. Par exemple, j’attends toujours mon cadeau de treizième anniversaire. Il doit bien y avoir un magasin avec tout à 0,99 $ dans le coin.

“Tu n’as pas touché à ton croissant”, ai-je dit en regardant leur table. “Tu vas le manger? Je n’ai pas déjeuné.”

Martha a soufflé de dégoût et l’a poussé devant moi. Je sais que ça ne représente rien, mais c’était la première chose qu’elle me donnait depuis des années. Peut-être mes parents m’aimaient-ils après tout.

J’ai fait tomber des miettes dans mon assiette et sur la table autour. Mes deux parents m’ont regardée comme s’ils étaient au zoo.

“Alors, comment ça va les cours?” m’a demandé mon père.

J’ai failli m’étouffer. Ni l’un ni l’autre ne m’avait jamais demandé cela auparavant. Même si j’ai eu envie de répondre par quelque chose de moqueur, je n’ai pas osé. Et si l’inquiétude qu’ils me manifestaient était réelle? Et si, malgré toute une vie à me prouver le contraire, ils se souciaient vraiment de moi? Je ne pouvais pas risquer de gâcher ça.

“Tout va bien”, ai-je dit sincèrement. “Les cours se passent bien. J’ai un colocataire vraiment cool… Quin. Et, j’ai un petit ami”, ai-je dit en souhaitant désespérément leur approbation.

“Je vois”, a dit Frank en baissant les yeux.

Avais-je gâché le moment en lui rappelant que je ne l’avais pas écouté au sujet des médicaments et que je me portais parfaitement bien? Oui, n’est-ce pas? Si j’avais fermé ma gueule et dit que tout allait bien, il n’aurait pas détourné le regard. Je fais toujours ça. Je continue toujours à parler alors que je devrais me taire.

“Le voilà qui arrive”, ai-je dit en le voyant ouvrir la porte.

Sey était venu. Il était là! J’aurais pu pleurer en le voyant. Et derrière lui, cinq de ses coéquipiers du football. Il se passait quoi là?

Dès qu’il m’a vu, ses yeux se sont illuminés. Il a ouvert la porte en trombe et est entré à l’intérieur.

“Lou!” a-t-il hurlé de l’autre côté de la pièce. Ses coéquipiers se sont alignés derrière lui.

“Sey, qu’est-ce qui se passe?”

Il s’est retourné vers les gars et ils ont commencé à chanter.

 

“Wise men say, only fools rush in. But I can’t help falling in love with you.”

 

Alors que les gars continuaient ce qui devait être la plus triste interprétation de l’une de mes chansons préférées, Sey a traversé la pièce jusqu’à moi. Accablée, j’ai regardé mes parents. Ils regardaient tous les deux ailleurs. Ils ne voulaient pas faire partie ce qu’il se passait et ils ne s’en cachaient pas.

Je m’en fichais. Quoi qu’il se passe, c’était la chose la plus romantique que quelqu’un ait jamais faite pour moi et je n’allais pas les laisser tout gâcher.

“Lou, je sais que nous ne nous connaissons pas depuis très longtemps. Mais quand tu rencontres la personne avec laquelle tu sais que tu veux passer le reste de ta vie, tu le sais. Et si c’est le cas, à quoi bon attendre?”

“Attendre quoi?” Ai-je dit à la fois horrifié et ravi.

 

“Like a river flows, surely to the sea, darling, so it goes, some things are meant to be.” 

 

 “Lou, ce que je veux dire, c’est que nous venons peut-être de nous rencontrer, mais je te connais. Je t’ai connu toute ma vie parce que tu étais le rêve que je priais chaque soir de réaliser. Alors…” dit-il en se mettant à genoux devant moi et en sortant un anneau de sa poche.

“Oh mon Dieu!” Ai-je haleté.

“Louise Armoury, veux-tu m’épouser?”

Ma tête a tourné. Est-ce que c’était réel? Je pense que oui. Je n’aurais jamais mis des chanteurs aussi horribles dans un de mes fantasmes.

Est-ce que je devais accepter? Devrais-je le faire? Nous venions juste de nous rencontrer. Mais, comme il venait de le dire, quand on sait, on sait. Et personne ne m’a jamais traité comme il le fait. Jamais.

“Oui”, ai-je dit. “Oui, je veux t’épouser”, lui ai-je dit avec des larmes plein le visage.

“Vraiment?” a-t-il dit, aussi heureux que moi.

“Oui, vraiment”, ai-je répété en sachant que c’était la meilleure décision que j’avais jamais prise.

Il a pris ma main et a glissé l’anneau à mon doigt. Il était un peu grand mais ce n’était pas grave. Nous pouvions le faire ajuster Nous étions amoureux et l’amour pouvait tout arranger.

Il s’est relevé et m’a embrassée. C’était mon premier baiser en tant que fiancée. C’était merveilleux. Je n’avais jamais été aussi heureuse de toute ma vie.

Près de Sey, je me suis tournée vers mes parents. Ils ne l’avaient toujours pas regardé. Ils n’avaient pas quitté le sol des yeux. Était-ce parce qu’ils ne supportaient pas d’avoir tort? Ils avaient dit que personne ne pourrait m’aimer telle que j’étais, et je leur donnais la preuve du contraire.

Un homme m’aimait tellement qu’il m’avait demandé de l’épouser après deux rendez-vous. Cela ne disait-il pas tout ce qu’il y avait à dire sur moi? On pouvait m’aimer. J’avais de la valeur pour quelqu’un.

“Eh bien? Vous n’allez rien dire?” Ai-je demandé, je voulais qu’ils reconnaissent avoir eu tort.

C’est alors que ma mère a levé les yeux vers moi.

“Ta grand-mère Agatha est morte. Ses funérailles ont eu lieu hier. Il va y avoir une lecture de son testament. Nous t’attendons là-bas et essaie de ne pas être en retard”, a-t-elle dit avant de se lever et de sortir.

Je les ai regardés, abasourdi. Je ne pouvais plus ni parler ni bouger. Je devais avoir mal entendu. Ou alors c’était une blague. 

“Grand-mère Aggie est morte”, ai-je entendu quelqu’un dire. 

C’est moi qui venais de parler. C’était censé être une question pour mes parents qui partaient en emportant avec eux tous mes souvenirs heureux. Mais ils ne pouvaient plus m’entendre. Je pouvais à peine m’entendre moi-même. Devant la vitrine, ils ont frôlé quelqu’un qui tenait un bouquet. 

“Titus”, ai-je chuchoté avant que ses yeux dévastés ne se tournent vers moi et qu’il ne s’éloigne en courant.

 

 

Chapitre 2

Titus

 

Je n’avais pas bien vu, n’est-ce pas? Lou, la fille qui avait eu plus de premiers rencards qu’il n’y avait d’arbres dans tout le Tennessee, venait de se fiancer? Ça ne pouvait pas être vrai. Mais je viens de le voir. J’étais là à le regarder.

Lou m’avait dit avec qui elle avait échangé des textos. C’était avec un nouvel étudiant qui était dans l’équipe de football. Il était arrivé ce semestre, donc c’était après que j’aie été viré. Mais j’ai définitivement reconnu les gars qui chantaient derrière lui. Ils avaient été mes coéquipiers.

Obligé de fermer les yeux en arrivant à mon van, j’ai pris une inspiration. Mon loup me combattait de l’intérieur en luttant pour sortir. Je ne pouvais pas le laisser faire. Si je le faisais, il allait s’en prendre à tout le monde. 

Je savais que ce n’était la faute de personne d’autre. J’avais attendu trop longtemps. J’avais ignoré tout ce que Nero et Quin m’avaient dit à propos de lui avouer mes sentiments, mais j’avais fini par écouter. Ce devait être le jour. 

J’avais fait un détour pour aller chercher les fleurs. Si je ne l’avais pas fait, serais-je arrivé à temps pour l’arrêter? Si je lui avais dit ce que je ressentais, aurait-elle quand même dit oui à ce type?

Mon téléphone a sonné, me sortant de la rage qui commençait à s’emparer de moi. Je l’ai sorti et j’ai vu le nom de Lou. Je ne pouvais pas lui parler. Je ne pouvais pas faire semblant d’être heureux pour elle, je l’ai remis dans ma poche. 

En regardant la douzaine de roses rouges qui m’avait coûté un bras, je les ai jetées par terre. J’avais été tellement idiot. Je ne pouvais pas rester ici. J’avais besoin de m’enfuir. Soulagé de m’être arrêté chez moi pour récupérer mon van au lieu de venir ici directement de l’aéroport, je suis monté et j’ai démarré. 

Quelques instants plus tard, mon téléphone a de nouveau sonné. En le sortant pendant que je conduisais, j’ai de nouveau vu le nom de Lou.

“Je ne veux pas entendre que tu t’es fiancée! Tu ne comprends pas ça?” Ai-je crié au téléphone avant de le jeter sur le siège passager.

Je devais prendre le plus de distance possible avec ce qu’il venait de se passer pour la sécurité des autres et pour la mienne, je ne me suis pas dirigé vers ma résidence étudiante. En approchant de l’autoroute vers chez moi, j’ai tourné sur celle-ci. A ce moment, le téléphone a de nouveau sonné. Je ne savais pas pourquoi Lou ne comprenait pas. Il était hors de question que je décroche. 

Oui, je lui avais dit que je la retrouverais à la pâtisserie mais seulement parce que son mec lui avait fait faux bond ou je ne sais quoi. Mais il s’est pointé. Lou n’avait plus besoin de moi là-bas. Alors, pourquoi n’arrêtait-t-elle pas de m’appeler?

Après qu’elle l’ait fait pour la quatrième fois, j’ai éteint mon portable et allumé la radio. Je me fichais de ce qui passait, du moment que cela me faisait penser à autre chose que ce que je venais de voir.

Je ne pouvais pas accuser Lou de quoi que ce soit. Elle avait toujours été franche à propos de qui elle était. Elle voulait trouver l’amour et elle allait sortir avec tous les gars de l’État s’il le fallait. C’est moi qui étais trop trouillard pour admettre ce que je ressentais pour elle. 

J’étais tombé amoureux d’elle dès que j’avais vu son sourire espiègle et ses grands yeux bruns adorables. Et au lieu de lui avouer mes sentiments, qu’avais-je fait? Je suis devenu son copain, son ami le plus proche. 

Eh bien, vous savez quoi? J’en ai assez d’être l’ami de tout le monde. Je veux être désiré. Je voulais que Lou me désire.

Mais il était trop tard maintenant. Elle avait trouvé son homme et s’était fiancée. Elle avait dit avoir eu seulement deux rendez-vous avec lui. Je pensais avoir plus de temps. Mais j’étais le seul à blâmer.

Incapable d’arrêter d’y penser pendant mon heure et demie de route vers chez moi, j’étais heureux de voir la bulle protectrice et familière de ma ville apparaître. Cela retirait à mon loup son sens de l’odorat très développé, mais au moins, c’était le début non officiel de notre petite ville de campagne. Le trajet jusqu’à la maison de ma mère ne serait plus long après l’avoir dépassée. 

En me garant devant la cabane en rondins à deux niveaux dans laquelle j’avais grandi, j’ai regardé tout autour. J’étais chez moi. Et, bien que ce ne vaille pas la maison que Quin avait achetée en ville pour être avec son petit ami, Cage, c’était quand même un bel endroit. Elle était sur une colline qui surplombait une vallée couverte d’arbres. On ne pouvait pas demander beaucoup plus que ça dans une ville comme la nôtre.

Quin, la colocataire de Lou, était née dans une famille incroyablement riche. Ma mère avait juste la pension que l’Air Force lui avait donnée après que mon père ait été abattu au combat. Elle était un être humain qui avait élevé un loup métamorphe sans l’aide de quiconque. Je n’étais pas du genre à avoir des relations de copains avec elle. Mais elle était mon roc. Peu importe ce qui pouvait m’arriver, je savais qu’elle serait toujours à mes côtés.

En sortant de mon van, je me suis dirigé vers la porte d’entrée en sachant que je n’aurais plus à faire face à tout ce qui se passait autour de moi une fois à l’intérieur. Ce n’est pas comme si j’avais peur du changement. C’est moi qui fais campagne pour qu’on retire la barrière de protection. Je pense que le changement est une bonne chose, une chose que j’ai toujours voulue.

Mais avec Lou qui se fiance, Nero qui déménage dans un nouvel État et moi qui ai un nouveau colocataire, tout cela en moins d’une semaine, j’aurais bien besoin d’un peu de stabilité. C’était ma mère. Les bonnes manières, les valeurs traditionnelles et le statu quo étaient les choses sur lesquelles reposait son existence.

En ouvrant la porte non verrouillée, j’ai cherché ma mère autour de moi. Quand je l’ai trouvée, je me suis figé. J’aurais probablement dû détourner le regard. Mais la première fois que tu vois ta mère et son petit ami courir nus du canapé à la chambre, il faut un moment pour comprendre.

“Oh mon Dieu!” Ai-je crié alors que cette image se gravait pour toujours dans mon cerveau.

“Qu’est-ce que vous faites tous les deux?” Ai-je dit, horrifié.

Même s’il était trop tard pour fermer les yeux, je me suis retourné dans la direction opposée. J’ai envisagé de partir mais à quoi cela servirait-il? Le mal était fait. Et d’ailleurs, où aurais-je pu aller?

“Qu’est-ce que tu fais ici? Tu n’es pas censé être en cours?” a dit ma mère, qui semblait aussi horrifiée que moi.

“Je pensais venir te rendre visite mais je devrais peut-être y aller.”

Ma mère est sortie de sa chambre.

“Tu n’es pas obligé de partir. C’est peut-être même le bon moment pour te dire quelque chose.”

Je me suis lentement retourné, trouvant ma mère en train de nouer la ceinture de sa robe de chambre. Après ce qu’il venait de se passer, même cela était trop révélateur.

“Oui, qu’est-ce que c’est?” Ai-je demandé en hésitant.

“Mike, tu peux sortir, s’il te plaît.”

Oh non!

Mike est sorti en jeans, bretelles et sans chemise. Il avait une longue chevelure, une barbe blonde et le plus gros ventre de bière que j’avais jamais vu. Il était le propriétaire du restaurant local et en grandissant, j’avais toujours pensé qu’ils flirtaient tous les deux. Je n’étais pas aveugle. Mais ça? 

“Qu’est-ce qui se passe?” Ai-je demandé nerveusement.

“Chéri, Mike et moi allons emménager ensemble”, dit-elle fermement.

“Mike va venir vivre ici?”

“Non. Je vais m’installer lui.”

“Je viens d’acheter une maison sur le lac. C’est près de Tanner Cove,” a expliqué Mike.

“C’est magnifique, Titus. Et je vais déménager là-bas.”

“Tu sais combien ta maman aime les belles choses. Il n’y a que le meilleur pour elle.”

Je me suis tourné vers ma mère.

“Alors, que vas-tu faire de cet endroit?” Lui ai-je demandé en pensant à ma place dans tout cela.

“Je n’ai pas encore décidé. Je vais peut-être la vendre.”

“Je vois”, ai-je dit en sentant ma poitrine se serrer. J’ai grimacé puis j’ai traversé le canapé pour m’asseoir.

“Ça va, fiston?” a demandé ma mère.

“On dirait que tout est en train de changer. Nero joue au football en professionnel. Lou s’est fiancé. Tu emménages avec Mike. Tout le monde obtient ce qu’il veut, sauf moi.”

“Mike, tu peux nous laisser une minute”, dit ma mère en se dirigeant vers moi.

“En fait, je dois retourner au restaurant pour préparer le rush du dîner.” 

Mike a attrapé sa chemise et ses chaussures. “On se voit plus tard?”

Ma mère a souri et l’a regardé partir. Puis elle m’a rejoint sur le canapé. Elle a pris ma main dans la sienne.

“Les choses changent, Titus.”

“Je le sais. C’est moi qui ai essayé de t’en convaincre, tu te souviens? C’est juste que tout le monde semble changer sans moi. Qu’est-ce que je fais de mal? Pourquoi n’y a-t-il que moi à rester seul?”

“Tu n’es pas seul, mon fils.” 

“Vraiment? Tu es avec Mike. Nero a Kendall. Lou a ce type, quel que soit son nom. Et moi, j’ai qui? Dis-moi, maman. Qui est avec moi?”

Ma mère baissa les yeux. Elle avait ce regard qui voulait me dire quelque chose sans décider à l’exprimer.

“Qu’est-ce qu’il y a?”

Elle s’est ressaisie. “Ce n’est rien.”

“Non. Arrête, maman. Tu fais toujours ça. Si tu as quelque chose à me dire, dis-le simplement. C’est à propos d’ici? Tu as déjà vendu la maison? Est-ce que tu penses aussi à quitter la ville?”

“Titus, tu as un frère.”

Je me suis figé. De toutes les choses qu’elle aurait pu dire, c’était la dernière chose que je m’attendais à entendre.

“De quoi tu parles?”

“Je ne peux pas en dire plus. Mais ça me pèse depuis un moment, et…”

“Quoi? Tu penses que tu peux me dire que j’ai un frère dont j’ignorais l’existence et en rester là?”

“Je ne peux pas en dire plus”, m’a-t-elle dit résignée.

“Pourquoi pas? Qui est ce? Il est en ville? Tu as eu un enfant avant moi?”

“Non, rien de tel”. Ma mère a pris une profonde inspiration. “Vous avez tous les deux le même père.”

J’ai fixé ma mère alors que la réalité de ce qu’elle disait me frappait en plein visage. “Maman, tu dois me dire qui c’est. Est-ce qu’il vit dans le coin?”

“J’ai fait la promesse de ne rien dire.”

“À qui? À mon père?”

“Non”, dit-elle, mal à l’aise.

“Maman, tu ne peux pas balancer quelque chose comme ça et t’attendre à ce que je laisse tomber. Dis-moi au moins quelque chose sur lui. Est-il plus âgé que moi? Plus jeune?”

“Il est plus jeune”, a-t-elle admis.

“Alors, mon père l’a eu avant d’être envoyé en Irak?”

Ma mère a baissé les yeux.

“Allez, maman. Dis-moi au moins ça? Est-ce qu’il vit en ville?”

Elle a levé les yeux et rencontré les miens.

“Oui, c’est le cas”, ai-je réalisé. “Est-ce que je le connais?”

“Titus, arrête. Tu essaies de me faire dire des choses que je ne peux pas dire.”

“Tu peux faire ce que tu veux, maman. C’est ce que tu as toujours fait. Sérieusement, comment as-tu pu me cacher ça toute ma vie?”

Sa détermination est revenue. “Cette conversation est terminée.”

Elle s’est levée et s’est dirigée vers sa chambre.

“Oh, parce que tu ne veux plus en parler, tu penses que c’est terminé.” 

“Laisse tomber, Titus!”

“Laisse tomber ? Tu as lâché une bombe comme ça et tu t’attends à ce que je laisse tomber?”

Elle a claqué la porte en partant se réfugier dans sa chambre. Je l’ai regardée fixement, abasourdi. Que diable venait-il de se passer? J’avais grandi dans une solitude insoutenable, en souhaitant avoir un frère, et j’en avais eu un pendant tout ce temps? Je ne pouvais pas le croire.

Cela me détruisait de ne pas pouvoir appeler Lou pour lui raconter ça. Mais, elle était probablement en train de fêter ses fiançailles. Pourquoi avais-je attendu si longtemps pour lui dire ce que je ressentais pour elle? J’avais l’impression que le monde entier était en train de s’écrouler.

J’ai eu envie de partir, je me suis dirigé vers mon van et j’ai fui. Comme c’est une petite ville, je n’avais pas beaucoup d’endroits où aller. Je pouvais me transformer et courir jusqu’à l’une des chutes, mais je n’avais pas envie d’être seul.

En approchant du restaurant de Mike, j’ai vu son camion garé à l’arrière. J’ai pensé à lui et à ma mère. Depuis combien de temps durait cette histoire entre eux deux? 

Ce n’est pas que Mike était un si mauvais gars. Quand Nero a eu sa grande période de connard, Mike a été le seul à lui donner un travail. Vu les possibilités de rencontres de ma mère, on pouvait même le considérer comme un bon parti. Je suppose que mon problème était tout ce qui accompagnait leur relation, comme la perte de la maison de mon enfance.

Je le sais. Je ne suis plus un enfant. Et grâce au petit ami de Quin, Cage, qui est devenu le nouvel alpha de la ville, je fais à présent partie d’une meute qui se développe. Je peux trouver ma voie tout seul.  

Mais j’avais perdu la fille que j’aimais. Je perdais le seul foyer que j’avais jamais eu. Et quelque part, il y avait un frère que je ne rencontrerais peut-être jamais. Qu’est-ce que j’étais censé faire ?

En continuant à rouler sur Main Street, je me suis approché du Bed & Breakfast du Dr Sonya. Elle était la mère humaine de mon nouveau colocataire. Comme Nero passait pro et que Cali venait à l’Université d’East Tennessee pour sa première année, il était logique que nous fassions chambre commune. 

Nous étions les deux à East Tennessee à venir d’ici, une petite ville où des créatures surnaturelles cohabitaient librement avec des êtres humains. Vu ce qu’impliquait le fait de cacher nos véritables natures, nous devions rester ensemble. De plus, il était encore un peu novice en matière de métamorphose et comme membre de notre meute.

Me rappelant le nouveau projet du Dr Sonya, je me suis garé dans son allée à côté d’un camion que je ne reconnaissais pas. En suivant le chemin jusqu’à l’arrière de la belle maison artisanale à deux étages, j’ai tourné sur le grand porche arrière en pierre et j’ai trouvé trois petits fours.

“Titus! Qu’est-ce qui t’amène ici? a dit le Dr Sonya en sortant par la porte arrière de la maison pour me saluer.

“Cali m’a dit que vous faisiez ça et comme j’étais en ville, j’ai décidé de venir voir. Comment ça se passe?”

“Étonnamment bien. Marcus est plus que ravi”, dit-elle en montrant un soupçon de son accent jamaïcain. “Il est là tous les matins à faire de la pâtisserie. C’est devenu une véritable aventure.”

“C’est génial! Maintenant, si nous arrivons à embarquer le reste de la ville, nous pourrions enfin la mettre sur la carte.”

“Littéralement”, dit le Dr Sonya en touchant mon bras avec un rire.

Elle partageait ma frustration face à la volonté de dissimulation de la ville. Bien sûr, avoir été attaqué par un dragon métamorphe m’avait aidé à comprendre pourquoi le chef de la ville avait mis en place la barrière de protection. Mais le monde est dangereux, que tu sois surnaturel ou non. Ce n’est pas une raison pour te couper du reste du pays. S’il y a une chose que j’ai apprise en allant à East Tennessee, c’est que le monde extérieur a beaucoup à offrir. Et cette ville aussi. Nous pourrions être la destination la plus populaire du Tennessee pour l’écotourisme. Nous avons plus de belles chutes par kilomètre carré que n’importe quelle autre partie de l’État. Tout le monde serait heureux d’en profiter.

Mais il y avait des gens comme ma mère et le chef des créatures, le Dr Tom, qui préféraient que les choses restent comme elles étaient. Ce qu’ils ne réalisaient pas, c’est que ma génération avait besoin d’une raison de ne pas partir. 

Pourquoi un loup métamorphe devrait-il vivre en étant privé de son odorat? Pourquoi devrions-nous nous contenter de n’être que la moitié de ce que nous étions vraiment?

Et il n’y avait pas que ça. Nous avons besoin d’emplois autres que celui de travailler au restaurant local ou de remplir les étagères de l’épicerie. Métamorphe, créature ou humain, nous avions besoin des opportunités d’avoir une vraie vie. Si nous ne pouvons pas la trouver ici, nous irions la chercher ailleurs. Et, combien de temps durerait la ville si tous ses habitants avaient plus de 50 ans 

Mais le Dr Sonya l’avait compris. Le fait qu’elle soit née sur une île qui a survécu grâce au tourisme l’avait aidé à en venir à cette conclusion. C’est probablement pour cela qu’elle avait ouvert son Bed and Breakfast. C’était le seul endroit en ville où un étranger pouvait s’arrêter pour la nuit. Sans elle, il n’y aurait eu en ville qu’une épicerie, un restaurant et un lycée qui tombait en morceaux.

“Tu ne sembles pas aussi joyeux que d’habitude. Quelque chose ne va pas? m’a demandé le Dr Sonya.

Je ne m’attendais pas à ce qu’elle le remarque. Je pensais pouvoir le cacher. Mais pouvais-je lui dire que la fille dont j’étais secrètement amoureux venait de se fiancer avant que j’aie eu l’occasion de lui dire ce que je ressentais? Pouvais-je lui dire que j’avais surpris maman et Mike et qu’ils avaient décidé d’emménager ensemble, sans me laisser nulle part où vivre?

“On vient de m’apprendre que j’avais un frère”.

Le Dr Sonya m’a regardé avec grande surprise.

“Vraiment?”

“Oui. Il s’avère que j’en ai eu un pendant la majeure partie de ma vie et que ma mère n’a jamais pris la peine de le mentionner jusqu’à présent.”

“Elle t’a dit quelque chose sur lui?”

J’ai secoué la tête. “Elle a dit qu’il était plus jeune que moi et que mon père l’avait eu avant d’être déployé en Irak.”

“Ton père a fait la guerre en Irak?” Demanda-t-elle, surprise.

“Vous ne le saviez pas?”

“Non, pas du tout.”

“Oui, mon père était dans l’armée de l’air. Honnêtement, j’ai eu peur de demander si lui et ma mère étaient mariés. Elle n’aime pas dire grand-chose quand il s’agit de lui. Mais après m’avoir dit que j’avais un frère, je commence à comprendre pourquoi. Vous en savez quelque chose?”

“Non, tu me l’apprends”, a-t-elle admis.

J’ai haussé les épaules. “Donc je suppose que j’ai ça en tête.”

“J’imagine, oui. Au fait, tu voulais quelque chose ou tu es juste venu voir ce qui se passait dans le coin?”

J’ai repensé aux viennoiseries que j’avais vues sur la table de Lou.

“Vous avez des croissants?”

“Marcus en a préparé de délicieux avec un nappage chocolat “, a-t-elle dit, les yeux brillants d’excitation.

“Je vais en prendre un. Et peut-être aussi un café.”

“Ça marche. Assieds-toi. Détends-toi. Profite de la vue,” dit-elle en montrant le paysage.

“Merci”, ai-je dit en choisissant un siège et en m’asseyant.

La vue depuis le porche arrière du Dr Sonya devait être l’une des plus belles de la ville. Des collines couvertes d’arbres s’étendaient au loin. Et sur le point le plus éloigné, il y avait un nuage de brume provenant de la plus grande chute d’eau à des centaines de kilomètres à la ronde.

J’étais perdu à la fois dans la vue et dans mes pensées lorsque j’ai entendu une voix que je n’avais pas entendue depuis un moment.

“Titus?”

Je me suis retourné pour trouver Claude, le seul jeune de ma classe de terminale à être allé à l’université immédiatement après le lycée.

“Claude! Ça fait plaisir de te voir. Qu’est-ce que tu fais là?”

“Là en ville, ou là, à la pâtisserie du Dr Sonya?”

J’ai haussé les épaules. “Les deux. Viens, assieds-toi.”

Claude s’est dirigé vers le siège en face de moi. Des souvenirs ont traversé mon esprit. J’avais toujours été un peu jaloux de lui. Non seulement il était un loup parmi les meilleurs joueurs de football de l’équipe de notre lycée, mais il était aussi le plus beau. 

Il avait des traits parfaits et le plus incroyable teint mat qu’on puisse imaginer. Je ne savais pas comment il se sentait d’être le seul jeune noir de notre lycée. C’était peut-être la raison pour laquelle il était si réservé. Mais j’avais toujours souhaité que nous soyons amis.

“Eh bien, j’ai eu mon diplôme en avance. C’est pourquoi je suis en ville. Et je suis chez le Dr Sonya parce que Marcus a dit qu’il faisait ses croissants au chocolat aujourd’hui”, dit-il avec l’ombre d’un sourire.

“J’ai entendu dire qu’ils étaient délicieux.”

“Oui, vraiment.”

J’ai regardé Claude pendant un moment.

“Tu sais, de tous ceux qui ont quitté cette ville, tu étais le dernier que je pensais voir revenir.”

“Pareil”, a-t-il dit en baissant les yeux, pensif. “Mais, ma mère est ici. Et elle a eu besoin d’un peu d’aide, alors me voilà.”

“Et qu’est-ce que tu fais? Tu travailles?”

“Tu as un ordinateur qui a besoin d’être réparé?” m’a-t-il demandé avec un sourire.

“Tu répares des ordinateurs? Ici?”

“Oui, eh bien, je ne reçois pas beaucoup de demandes. Mais quand c’est le cas, il n’y a personne d’autre. Et j’ai lentement convaincu quelques entreprises de passer à la gestion numérique des données, alors on ne sait jamais.”

J’ai ri. “Tu veux dire que tu fais en sorte que cette ville entre dans le 21ème siècle? Alors, bonne chance.”

“Merci. Mais et alors, toi? Je pensais que tu étais à East Tennessee?”

“J’y suis. Je suis juste en visite pour la journée.”

Claude a secoué la tête. “Tu sais, j’avais l’intention de te contacter.”

“Vraiment? Pourquoi?”

“Tu fais visiter les chutes aux touristes, n’est-ce pas?”

“Oui, ça m’est arrivé. Pourquoi?”

“As-tu déjà pensé qu’avec le bon concept, cela pourrait faire une excellente entreprise? Peut-être que cela pourrait être plus que de simples visites. Cela pourrait peut-être inclure du camping ou des sorties rafting. Tu pourrais vendre des forfaits. J’ai fait des calculs. Ça prendrait un certain temps, mais quelque chose comme ça pourrait être très rentable.”

Je l’ai regardé d’un air choqué. “Oui, j’y ai déjà pensé. Très souvent. Pourquoi? Tu penses monter quelque chose comme ça?”

“Pourquoi pas. Mais, je ne suis seul. Et je serais bien meilleur pour le côté commercial des choses. Il me faudrait un associé.”

“Tu sembles oublier une chose. Tu ne convaincras personne dans cette ville d’accepter quelque chose comme ça. Crois-moi, j’ai essayé.”

“Tu as essayé de convaincre les gens. Mais as-tu pensé à le faire toi-même? Tu n’as pas besoin de permission pour poursuivre ce que tu veux dans la vie. Tu dois juste savoir ce que tu veux et ne pas t’arrêter avant de l’avoir obtenu.”

“Claude? Je pensais bien t’avoir entendu. Tu es venu pour les croissants?” a dit le Dr Sonya en arrivant avec ma commande.

“Vous savez bien que oui”, lui a dit Claude avec un sourire.

“Eh bien, il n’en reste que deux, mais je te les donne si tu me montres à nouveau comment faire marcher ce truc sur l’ordinateur. Ça ne prendra qu’une seconde.”

Claude m’a regardé avec un sourire qui me disait que cela prendrait un peu plus de temps.

“Bien sûr.”

“Je suis désolée de continuer à t’embêter avec ça. Mon informaticien est parti maltraiter des ballons de football”, a-t-elle dit avant de faire semblant de fondre en larmes.

“Pas de souci, je vais vous le montrer à nouveau.” Claude s’est levé. “Réfléchis-y, Titus. Réfléchis-y sérieusement.”

Je les ai regardés tous les deux entrer dans la maison et j’ai réfléchi à la proposition de Claude. J’avais déjà réfléchi à l’idée de lancer une entreprise dans le tourisme. Je n’ai jamais su par où commencer. C’était probablement la raison pour laquelle j’étais si concentré à convaincre les gens d’ouvrir la ville. Je pensais que ça pourrait entrainer des opportunités.

Mais, peut-être que Claude avait raison. Peut-être que c’était à moi de créer mes propres opportunités. Peut-être qu’il était temps pour moi de décider de ce que je voulais.

En laissant mon esprit passer d’une chose à l’autre, il s’est finalement arrêté. Il n’y avait qu’une seule chose que je voulais vraiment. C’était aussi clair que le ciel au-dessus des montagnes devant moi. Ce que je voulais le plus dans la vie, c’était Lou.

Qu’étais-je prêt à faire pour la conquérir? J’étais prêt à faire n’importe quoi. Qu’est-ce que cela signifiait vraiment?

Alors que la nuit tombait, je suis retourné dans ma maison vide et j’ai préparé quelque chose à manger. Sachant que je repartirais le matin pour les cours, je me suis couché tôt. Allongé dans l’obscurité, j’ai élaboré un plan. J’allais dire à Lou ce que je ressentais. Je ne pouvais pas le faire par texto. Il fallait que ce soit en personne.

Au milieu de mon premier cours le lendemain matin, mon téléphone a sonné. C’était Lou. Je l’ai lu ainsi que tous les autres qu’elle avait déjà envoyés. 

‘Où es-tu?’

‘Tu ne viens pas?’

‘J’ai besoin de te parler’.

‘Sérieusement, où es-tu?’

‘Tu me fais peur’.

Le texto de ce matin était un peu différent. 

‘J’ai besoin de toi. S’il te plaît, réponds-moi’.

Je savais de quoi elle voulait me parler. Elle s’était fiancée. Elle voulait que je sois heureux pour elle, comme je l’avais toujours été. Habituellement, j’aimais être son plus grand fan. Lou était une fille vraiment fantastique. J’étais sûr qu’elle ne savait même à quel point elle était géniale. Je n’étais que trop heureux de le lui rappeler dès je le pouvais.

Mais, là, je ne pouvais pas faire ça pour elle. Je ne pouvais pas faire semblant d’être heureux qu’elle se soit fiancée à un gars qu’elle connaissait depuis deux semaines. Impossible. 

Je l’aimais. Je voulais être avec elle. Et il était hors de question que Seymour, ou quel que soit son nom, sache comme moi à quel point Lou était incroyable.

‘6h30 au Commons’, ai-je répondu.

Elle a renvoyé un emoji avec un cœur. Cela m’a fait sourire. 

Je ne me trompais pas. Lou devait bien avoir des sentiments pour moi, non? J’étais celui vers qui elle revenait après tous ses rencards. J’étais celui vers qui elle se tournait quand elle était triste. J’étais son mec. 

Et quand je lui dirais que je l’aimais, elle comprendrait qu’elle avait fait une erreur en disant oui à cet autre gars. Elle mettrait alors fin à ses fiançailles et nous pourrions enfin avoir la vie que nous étions censés avoir.

Pendant le reste de la journée, j’ai fait de mon mieux pour être attentif en cours. Mais il était difficile de ne pas penser à ce qui serait le véritable début de ma vie. Je l’aimais depuis si longtemps. Nero avait vu clair en moi depuis des mois déjà. J’aimais cette fille depuis si longtemps.

En retournant à ma résidence pour tuer la dernière heure avant notre rencontre, j’ai croisé mon nouveau colocataire, Cali. Étonnamment, il avait eu une poussée de croissance pendant l’été. Ainsi, le gamin maigre aux cheveux noirs qui avait toujours un regard mystérieux, s’était à présent transformé en un sportif calme et imposant.

“Salut”, a-t-il grogné lorsque je suis entré en jetant mon sac sur le lit.

J’ai regardé vers lui. Il était torse nu. Il devait revenir de l’entraînement de football.

“Salut.”

“Tu es rentré chez toi?”

“Hein? Ah oui. J’avais besoin de me vider la tête.” Je me suis levé d’un bond. “Attends, tu connais un gars de l’équipe qui s’appelle Seymour?” 

“Sey? Oui, qu’est-ce que tu veux savoir?”

“Ce que tu penses de lui?”

Cali a détourné le regard.

“Il est cool, je pense.”

Le regard de Cali s’est tourné vers moi. “Pourquoi tu demandes ça?”

“Je pense qu’il a demandé à Lou de l’épouser.”

Il m’a regardé avec surprise. “Ta Lou?”

“Oui”, ai-je dit avec un regard qui disait à quel point j’étais malheureux.

“Merde. OK. Tu vas aller t’occuper de lui?”

Ce n’était pas la réponse à laquelle je m’attendais. 

“Je ne pensais pas à ça. Mais ça pourrait me tenter”, ai-je dit en riant. Je ne savais pas trop pourquoi, mais ce qu’il avait dit m’avait fait me sentir mieux. “Tu sais quoi de lui?”

Cali réfléchit. “Un mec très riche. Transféré de Nashville.”

“Il a été transféré de Nashville?” Ai-je demandé, malgré la série de titres en championnat d’East Tennessee grâce à Nero et son frère Cage, Nashville était un programme de football bien plus prestigieux.

“Oui. Il dit qu’il aime ce que nous avons ici.”

“Il donne quoi sur le terrain?”

“C’est notre quarterback titulaire. Il n’est pas aussi bon que M. Rucker. Mais il est pas mal.”

J’ai souri. 

“Il n’est plus ton entraîneur. Tu peux l’appeler Cage.”

Cali n’a pas répondu.

“Si tu viens avec nous quand nous sortons, tu ne peux pas l’appeler M. Rucker. Tu comprends ça, non?” L’ai-je taquiné.

Cali a rougi. Il avait peut-être l’air d’être un loup depuis peu de temps, mais, à l’intérieur, il était toujours le même garçon poli d’une petite ville. J’allais devoir faire attention à lui. Sans quelqu’un pour t’aider à faire la transition, l’Université d’East Tennessee peut te faire perdre pied. Moi j’avais eu la chance d’avoir des métamorphes comme Nero et Quin et surtout, une humaine comme Lou.

Cali et moi sommes restés silencieux pendant que je réfléchissais à ce que j’allais dire à Lou. Je n’allais pas tourner autour du pot. J’allais simplement le dire. 

‘Lou, je t’aime. Je t’ai toujours aimée. Et je veux que nous soyons ensemble. Lou, je t’aime. Je t’ai toujours aimée. Et je veux que nous soyons ensemble.’ 

J’ai répété les mots jusqu’à ce que la chaleur qu’ils dégageaient cessent de me donner l’impression d’être sur le point de me transformer et de sauter sur tout ce qui bougeait. Cela a pris un certain temps mais j’ai fini par me sentir prêt à retrouver Lou.

“Bonne chance”, m’a dit Cali même si je ne lui avais pas dit ce que j’allais faire.

“Merci”, ai-je répondu sans lui demander ce qu’il savait.

En me regardant dans le miroir avant de partir, j’ai fixé les yeux du gars aux cheveux hirsutes qui me regardait. Y avait-il une raison pour que Lou me choisisse plutôt qu’un quarterback riche comme crésus et à la mâchoire carrée qui lui avait proposé le mariage ? S’il y en avait une, je ne la voyais pas.

Mais Lou devait savoir que personne ne l’aimerait comme moi.  Je ferais tout ce qu’il fallait pour la rendre heureuse. Qui d’autre pourrait dire cela ? Lou devait savoir que c’était vrai.

J’ai traversé le campus jusqu’aux grandes portes métalliques du Common, je suis entré en avalant les marches jusqu’à la salle d’étude. Lou et moi nous rencontrions souvent ici. Lorsque nous étions dans la même classe, nous venions ici pour étudier. Quand nous ne l’étions pas, nous venions faire semblant d’étudier pendant que Lou me racontait son dernier rencard.

L’ayant repérée à l’autre bout de la pièce sur le canapé, je me suis dirigé vers elle. C’était notre endroit habituel. Il nous permettait de nous rapprocher suffisamment pour chuchoter sans déranger les autres.

Mon cœur s’est serré en la voyant. Mon dieu qu’elle était belle. Elle n’était pas vraiment pulpeuse ni particulièrement grande, mais sa personnalité compensait cela. Ses joues rondes et son sourire espiègle donnaient toujours l’impression qu’elle s’amusait, même quand ce n’était pas le cas. Et ses cheveux noirs étaient juste assez longs pour qu’on puisse y passer les doigts et tirer dessus quand le moment était venu.

Cependant, Lou n’avait pas son habituel sourire enjôleur aujourd’hui. Il y avait de la tristesse dans ses yeux. Était-ce parce qu’elle allait m’annoncer la grande nouvelle? Quoi qu’il en soit, je devais lui dire quelque chose avant. C’était le moment. Sinon, je ne savais pas quand j’aurais à nouveau le courage.

En m’approchant d’elle, nos yeux se sont rencontrés. J’ai fondu.  

‘Lou, je t’aime. Je t’ai toujours aimée. Et je veux que nous soyons ensemble,’ ai-je répété.

Assise à côté de moi, elle a fait quelque chose qu’elle n’avait jamais fait auparavant. Elle a posé sa main sur ma cuisse tandis que son regard se baissait. Ce geste m’a figé. Que se passait-il? J’ai commencé.

“Lou, je…”

“Ma grand-mère est morte”, a-t-elle dit en me coupant la parole.

“Quoi?”

“C’est ce que mes parents étaient venus me dire. Les funérailles ont eu lieu samedi dernier.”

“Ils ne t’avaient pas prévenue de l’enterrement?” Ai-je demandé, choqué.

Lou m’avait parlé d’elle et dit que sa grand-mère était la seule personne grâce à laquelle elle avait survécu à son enfance. Maintenant, elle était morte et ses parents l’avaient privée de l’occasion de lui dire au revoir.

“Je suis vraiment désolé”, ai-je chuchoté en sentant mon cœur se serrer.

Puis Lou a fait une autre chose qu’elle n’avait jamais faite. Elle m’est tombée dans les bras et a pleuré. Je l’ai serrée en oubliant mon plan. Elle avait besoin de moi, j’allais faire tout ce que je pouvais pour elle.

 

 

Chapitre 3

Lou

 

Rien n’a jamais semblé réel jusqu’à ce que je le dise à Titus. Et après l’avoir dit, j’ai su que ma grand-mère était vraiment morte. Je n’allais jamais la revoir. Même pas dans un cercueil. Mes parents m’avaient privé de cela. J’ai toujours su que ma famille me détestait, mais je ne savais pas qu’ils pouvaient être aussi cruels.

“Elle est partie”, ai-je dit en sentant ses bras chauds me serrer. “Je n’arrive pas à croire qu’elle soit partie”.

“Je suis tellement désolé”, répétait-il.

C’était suffisant pour que je lui pardonne de ne pas m’avoir tendu la main jusqu’à maintenant. Il avait dit qu’il venait me sauver pour que je ne sois pas seul avec mes parents. Je l’avais même vu se tenir devant la porte. Il avait choisi de ne pas entrer.

Le voir s’éloigner m’avait fait mal. J’avais besoin de ce que je faisais maintenant, pleurer dans ses bras. Mais il m’avait abandonné. Je ne m’étais jamais senti aussi seul.

Plus rien de tout cela n’avait d’importance maintenant qu’il était là. Nous n’avions pas besoin de parler de la raison pour laquelle il était parti. Il y avait beaucoup de choses dont nous n’avions pas besoin de parler.

Je ne savais pas comment j’allais lui annoncer mes fiançailles. C’était en partie parce que je n’étais pas sûr que nous soyons réellement fiancés. Oui, il m’avait demandé en mariage avec une chorale de ses coéquipiers qui chantait en arrière-plan. C’était la chose la plus romantique que quelqu’un ait jamais faite pour moi et j’avais dit oui. Mais où est-il passé depuis ?

Mes parents ont lâché cette bombe le jour de mes fiançailles, c’était merdique de leur part. Aucun doute là-dessus. Cela avait gâché ce qui était censé être le plus beau jour de nos vies. Mais ce n’était pas moi qui l’avais fait. J’étais celle qui s’était faite arracher le cœur. Il y avait des choses plus importantes et Sey voulait être mon mari.

Bien sûr, alors que j’étais assise, abasourdie, il avait renvoyé ses coéquipiers chez eux et m’avait tenu la main pendant que j’essayais de digérer tout ça. Mais finalement, il m’avait raccompagnée chez moi et je n’avais plus eu de nouvelles depuis. 

Pensait-il que c’était à moi de le recontacter? Ou me laissait-il tranquille le temps de faire mon deuil?

Quoi que ce soit, j’en ai détesté chaque instant. Et vu que cela faisait plus de vingt-quatre heures que je n’avais plus de nouvelles de lui, je commençais à croire que sa demande en mariage était une blague. Peut-être que “blague” n’était pas le bon mot. Peut-être qu’il l’avait fait parce qu’il savait à quel point mes parents me faisaient me sentir mal et qu’il avait décidé que cela leur prouverait que quelqu’un avait de l’estime pour moi.

Je ne lui avais rien dit des conflits que j’avais eus avec ma famille au fil des années. Mais ça pouvait être aussi un bon signe? Savait-il ce dont j’avais besoin sans que j’aie à dire quoi que ce soit?

“Qu’est-ce qui te ferait du bien?” Me demanda finalement Titus.

“Rien”, ai-je admis. “Je veux juste m’asseoir ici.”

“Aussi longtemps que tu veux”, a-t-il dit.

“En fait, tu sais ce qui serait vraiment sympa ? Faire une soirée jeux. Rien de fou. Juste quelque chose de sympa, tu vois?”

“Je vais l’organiser.”

Après ces mots rassurants, je me suis assis en m’arrachant à ses bras. Je l’ai regardé fixement. Il était le meilleur ami que l’on puisse espérer. C’était probablement le moment de lui parler de mes fiançailles. Même si ce n’était pas une vraie demande en mariage, il me fallait en parler. 

Peut-être qu’il me taquinerait sur le fait de m’être fiancé aussi rapidement que je fais tout le reste. Peut-être que je ferais quelques boutades à ce sujet et que je balayerais mon moment de folie d’un revers de la main. Quoi qu’il arrive, c’était l’occasion pour moi de le rendre réel.

“Je crois que je vais aller me coucher”, lui ai-je dit à la place.

“Bien sûr”, a-t-il dit en ramassant mes affaires et en me tendant la main pour m’aider à me relever.

Je l’ai prise et j’ai ensuite glissé mon bras autour de sa taille. Je me suis toujours sentie si petite dans ses bras. Je ne savais pas s’il était aussi bien foutu que ça parce qu’il était un joueur de foot ou un loup métamorphe. Mais il allait être un super petit ami pour une fille un jour.

Avais-je jamais pensé qu’il veuille que cette fille, ce soit moi? Évidemment. J’avais invité suffisamment de mecs à sortir pour savoir que j’étais une fille plutôt jolie. Mais il y avait une grande différence entre être attiré par quelqu’un et avoir la volonté de construire quelque chose avec cette personne. 

La clé était d’être capable de faire la différence. Titus n’en était pas là et ne le serait peut-être jamais.

Mais c’était très bien ainsi, car il était le meilleur ami que j’avais jamais eu. Je ne savais même pas qu’une amitié comme la nôtre était possible avant de le rencontrer. Pourquoi aurais-je fait quoi que ce soit pour gâcher ça? 

Ce serait la chose la plus stupide que je puisse faire. Et j’ai fait beaucoup de choses stupides. J’avais même accepté d’épouser quelqu’un avec qui je n’avais eu que deux rendez-vous. Peut-on seulement imaginer un truc pareil? 

Titus m’a raccompagné à ma résidence et m’a suivi à l’intérieur. Quin était rentrée.

“Salut Titus”, a-t-elle dit joyeusement. 

Ils s’étaient rencontrés tous les deux en première année lorsque Quin pensait être le seul loup métamorphe existant. Le loup en elle l’avait menée jusqu’à la ville natale de Titus à la recherche des parents biologiques de son petit ami. Quin avait aussi convaincu Titus d’aller à East Tennessee. Ils se connaissaient bien.

“Pourquoi tu ne m’as pas dit que la grand-mère de Lou était morte?” A lancé Titus.

Quin s’est figée. “Lou, ta grand-mère est morte?”