Kendall
Combien de fois avez-vous mis quelque chose dans votre bouche en vous disant : “C’est dégueulasse! Je suis censée avaler ça? Et puis vous le faites et vous le regrettez. Mais quelques secondes plus tard, vous avez oublié à quel point vous l’avez détesté et vous en remettez dans votre bouche?
Et bien, tout ça c’était moi hier soir et j’en paie le prix ce matin. Comment peut-on boire du whisky? Ça a un goût immonde et c’est comme avaler de la lave. J’aurais dû le garder dans ma bouche et le recracher quand personne ne regardait. Personne ne se soucie que tu avales ou pas, non? Ils se soucient juste que tu fasses l’effort.
D’accord c’en est fini pour moi. Je sais que c’est un cliché de se réveiller avec une gueule de bois et d’affirmer qu’on ne boira plus jamais. Mais, là, vraiment. Je ne boirai plus jamais. Ni vin, ni whisky, ni même du cidre. J’en ai fini avec l’alcool. Et, tant que j’y suis, je dois revoir ma relation avec le bruit et le soleil.
“Tu peux arrêter ça, s’il te plaît?” ai-je dit à ma colocataire Cory avant de gémir et de me retourner, me sentant mal.
“Je mets mon pantalon”, répondit Cory, confuse.
“Tu peux le faire en silence?”
“De combien de façons peut-on enfiler un pantalon?”
J’ai gémi. “Je ne me sens pas bien.”
“Tu veux que je t’apporte un verre d’eau ou quelque chose? Je vais aller chercher le petit-déjeuner. Tu veux que je te ramène un bagel?”
J’ai eu l’image d’un bagel avec du fromage frais et du saumon fumé et j’ai failli vomir. Qu’est-ce que Cory essayait de faire, me tuer ? Notre chambre n’était pas très grande, elle voulait l’avoir pour elle toute seule ? J’ai gémi en réponse et me suis mise en boule.
Cory est restée silencieuse un moment, puis s’est assise au bord de mon lit et a passé ses doigts dans mes cheveux en me grattant le crâne. C’était si bon que j’en ai presque oublié que je n’étais pas attirée par les filles.
A part le bruit qu’elle faisait en mettant son pantalon, c’était une super nana. Elle était le type de personne qui sauvegardait ma foi en l’humanité. Pas complètement, bien sûr, parce que, vous savez, les gens…
Mais après des années de vie en colocation avec elle, j’ai commencé à penser qu’ils n’étaient pas tous mauvais. Plus que ça, être avec elle m’a donné envie d’aller vers les gens. J’ai même quitté ma chambre la nuit dernière pour ça. Moi, Kendall Seers, je suis allée à une fête sur le campus. Il est clair que Cory a eu une mauvaise influence sur moi.
C’est dommage que je ne sois attirée que par les garçons et que la plupart soient des connards. Ceux qui ne le sont pas me traitent toujours comme la bête de foire que je suis. Ça ne me dérange même pas qu’ils ne me désirent pas sexuellement, puisque je ne le suis pas non plus par eux.
Ce que je veux dire, c’est qu’ils sont sympas. Mais l’idée d’embrasser l’un d’entre eux ? Ah non ! Ça, ça n’arrivera jamais
“J’imagine que tu as passé une bonne soirée hier?”
“Je ne m’en souviens pas”, ai-je admis.
“Tu t’es évanouie?”
“Ouais”, lui ai-je dit en enfouissant mon visage dans mon oreiller.
“Wow, c’est dur”, a-t-elle dit en me frottant la tête un peu plus fort.
Cette fille avait des mains magiques. Si j’étais un chien, ma jambe serait en train de se déchaîner. Malgré le fait que je ne sois pas attirée par les filles, si elle avait voulu se glisser dans le lit et me prendre dans ses bras, je n’aurais pas dit non.
Mais elle n’aurait jamais fait ça. Parce qu’en plus d’être également hétéro, elle était la fille la plus pure que je connaissais. Même si c’était innocent, elle penserait probablement que c’est de l’infidélité. Cette fille était simplement une bonne personne. Je pourrais passer le reste de ma vie à chercher un garçon avec les mêmes qualités qu’elle.
Je peux te poser une question ?” demanda Cory sérieusement.
“Si je veux t’épouser? Si tu continues à me masser le crâne comme ça, la réponse est oui.”
Cory a gloussé. “Je vais garder ça en tête, mais ce n’est pas la question.”
“Ooooh,” ai-je gémi, déçue.
“Je me demande pourquoi tu as un morceau de papier épinglé à ta chemise.”
“Quoi?”
Cory a retiré ses doigts magiques de mon cuir chevelu et a saisi quelque chose qui pendait de mon tee-shirt. C’était celui que je portais quand je suis sortie la nuit précédente. Et avant que je ne perde la mémoire, ce papier n’était pas là.
Je me suis retournée pour mieux le voir. En l’inclinant vers le haut, j’y ai vu des mots dessus.
“C’est écrit à l’envers”, lui ai-je dit alors que des effluves de whisky se bousculaient dans mon cerveau.
Cory a encore gloussé. “Laisse-moi t’aider.”
Elle a retiré l’épingle à nourrice et a regardé la note. “Willow Pond à 14 heures. Qu’est-ce que ça veut dire?”
Qu’est-ce que ça voulait dire? Je connaissais Willow Pond. C’était mon endroit préféré sur le campus. C’est là que j’allais quand j’avais besoin d’un moment pour réfléchir. Mais, qu’en était-il de ce “à 14 heures”?
J’allais me retourner pour demander à Cory si elle avait bien lu quand une image a soudainement traversé mon esprit. C’était un garçon de taille et de forme imperceptibles qui se penchait vers moi.
“Oh mon Dieu! J’ai embrassé un garçon!” ai-je dit en me redressant.
Apparemment, je l’ai fait un peu trop rapidement, car tout ce que j’avais bu au cours de la nuit m’est revenu en un éclair. Si notre chambre n’avait pas été si proche de la salle de bain, je n’y serais jamais arrivée à temps. Mais quand je suis revenue des toilettes, je me sentais comme un tigre en chasse. Ça a duré environ 30 secondes avant que le soleil ne me rappelle qu’il pouvait être diabolique et que je devais retourner sous les draps..
Inutile de dire que le souvenir d’avoir embrassé quelqu’un pour la première fois de ma vie a été un peu choquant. Je n’avais jamais été une fille populaire. Au lycée, je pouvais dire que c’était dû au fait que je rejetais activement toute attitude féminine typique d’une fille du Sud. Mais, pourquoi était-ce la même chose à l’université ?
East Tennessee University n’avait rien à voir avec la banlieue de Nashville. La pression de la conformité n’était pas la même ici. Et vu que ce n’était pas le cas, je n’avais pas essayé de m’adapter. J’ai même vu des garçons sur le campus qui s’habillaient dans un style proche du mien. Pourtant, jamais je ne me suis impliquée dans une relation avec l’un d’entre eux, je n’ai pas non plus trouvé un mec quand j’ai arrêté d’en chercher un, comme on dit toujours.
Comprenez-moi bien, vivre mon premier baiser n’était pas non plus l’affaire du siècle. Je me demandais juste pourquoi ça n’était arrivé qu’après avoir bu jusqu’à plus soif. Je sais que l’alcool diminue les inhibitions, mais qu’est-ce que ça dit de moi et de ce que je veux vraiment ?
“Tu vas bien?” me demanda ma colocataire, me regardant avec inquiétude.
“Je crois que j’ai embrassé un garçon.”
“J’ai entendu. Qui?”
“Je ne sais pas.”
“Comment peux-tu ne pas le savoir?”
“Parce que contrairement à toi, certaines d’entre nous prennent de mauvaises décisions et font des choses dont elles ne souviennent pas avec de parfaits inconnus”, ai-je expliqué.
“Je prends parfois de mauvaises décisions.”
“Bien sûr, Mademoiselle je-suis-pratiquement-mariée-depuis-que-j’ai-17 ans. Tu ne sais probablement même pas ce qu’est une mauvaise décision.”
“Je ne suis pas parfaite.”
“Ouais, bien sûr.”
“Peu importe. Alors, tu crois que le type que tu as embrassé est le même que celui qui a écrit ça?”
Je me suis assise. “Oui, c’est ce que je pense maintenant.”
“Donc, c’est comme une invitation?”
“A se retrouver à 14 heures dans mon endroit préféré?”
“Ouais”, dit Cory avec une excitation croissante. “C’est plutôt romantique.”
“Oui, effectivement”
“Tu te souviens de quelque chose à propos de ce garçon?”
J’ai cherché au fond de ma mémoire. “Tout ce dont je me souvienne, c’est que quelqu’un s’est penché sur moi. C’est tout.”
“Dans quel sens? Se pencher en avant? Se pencher vers le bas?”
“Il se penchait vers le bas. Et il était grand. Ça, je m’en souviens.”
“Grand comme vraiment grand? Ou juste plus grand que toi?”
“Je pense qu’il était grand. Je crois me souvenir qu’il avait de grandes mains.”
“De grandes mains…”, dit Cory de façon suggestive.
“Quoi?” Ai-je dit en rougissant.
“Je dis juste ça comme ça.”
“Ok, calme-toi. Nous ne savons rien de lui. Pour ce que nous en savons, il pourrait être grand comme une statue, nous savons également que mon petit cul bourré peut lui aussi faire des choses inconvenantes.”
“Mais, est-ce qu’une statue écrirait une note te disant de le rencontrer à Willow Pond à 2 heures?”
J’ai réfléchi à cette question. Cory avait raison. La personne qui a écrit le mot était humaine. Le garçon que j’avais embrassé était fait de chair et de sang. Cela voulait-il dire que j’avais rencontré quelqu’un que j’aimais et qui m’aimait aussi? En même temps ce n’est pas comme si ça avait une telle importance…
“Kelly et moi allons faire une randonnée, je dois aller prendre un petit-déjeuner. Mais tu vas aller à ce rendez-vous, non?”
“Tu veux dire cet inconnu qui pourrait être en train de préparer un endroit pour m’assassiner ?”
“Non, je veux dire le type qui t’a embrassé sous les étoiles et t’a laissé une piste pour le retrouver.”
Cory s’est levée, a attrapé ses clés et son portefeuille.
“Kendall, même si je t’ai toujours écoutée te plaindre de n’avoir personne, il n’y a pas moyen que tu ne puisses pas y aller. Ça pourrait être le gars avec qui tu passeras le reste de ta vie.”
“Oui, parce qu’il me tuera et jettera mon corps dans l’étang.”
Cory a rigolé. “Ok. Fais ce que tu as à faire. Mais si je reviens ce soir et que tu n’as pas rencontré ce type. tu me décevras beaucoup.”
“Oui, M’man.”
“ÇaÇa, c’est une bonne fille”, a-t-elle dit avant de s’agenouiller sur mon lit et de m’embrasser dans les cheveux.
Alors?! Je n’avais pas dit que Cory était parfaite?
Assez parlé de la nana qui partait retrouver son petit ami. Il était temps de penser à celui qui avait épinglé le mot sur ma chemise. Je devais admettre qu’au moins c’était assez romantique.
Avait-il réalisé que je ne me souviendrais pas de la nuit et voulait-il s’assurer qu’on se reverrait? Ça devait être ça, non? Pas qu’il ne voulait pas mettre son numéro dans mon téléphone pour que la police le trouve? Ou, peut-être était-ce tout ça à la fois.
Sentant lentement mes forces revenir, j’ai cherché mon téléphone dans ma poche. Comme je ne l’ai pas trouvé, j’ai cherché dans ma table de nuit. Il n’était pas là non plus. J’étais tellement bourrée que j’avais perdu mon téléphone?
Merde! Il m’avait coûté 800$ et je n’avais pas fini de le payer. Je ne boirai plus jamais, juré! C’est une bonne chose qu’à part mes parents, la seule autre personne au courant était la fille avec qui je vivais. Mon Dieu, merci d’être si peu populaire !
Ayant besoin de manger quelque chose, je suis allée à la cafétéria et j’ai rempli mon plateau. Je ne savais pas ce que dont j’avais besoin, alors j’ai pris un peu de tout. En levant les yeux de mon plateau, un type que je reconnaissais de ma classe m’a fait signe de me joindre à son groupe. Je lui ai fait signe, sachant que je ne pourrais pas tenir une conversation dans mon état.
De plus, je voulais savoir ce dont je pouvais me souvenir avant 14 heures. Si je ne savais pas à quoi il ressemblait, comment allais-je le trouver une fois sur place? Comment pouvais-je savoir qu’il n’était pas en train de me fixer en ce moment même?
J’ai levé les yeux et j’ai balayé la pièce du regard. Il y avait beaucoup de gens. La plupart d’entre eux étaient en pleine conversation ou fixaient leur assiette. Le seul qui ne l’était pas me fixait, moi. Après un échange de regards, il s’est approché.
“Hé Kendall, tu as reçu mon message à propos du groupe d’étude? Tu veux te joindre à nous?” m’a-t-il demandé maladroitement.
Je le connaissais. C’était le gars du cours de psychologie qui passait son temps à me fixer. Je n’arrivais pas à comprendre pourquoi il faisait ça. Il y avait quelque chose sur mon visage ou il regardait juste la personne assise derrière moi?
“Je crois que j’ai perdu mon téléphone”, ai-je dit avant de m’essuyer la bouche dans un réflexe.
” Sérieux? Ça craint!”
” Ne m’en parle pas.”
“Tu as encore besoin de mon numéro?”
“Je n’ai plus rien pour le mettre en mémoire.”
“Bien”, dit-il, l’air déçu. “Quoi qu’il en soit, nous nous retrouvons jeudi au Commons. Ce serait vraiment bien que tu puisses venir.”
“Je crois que j’ai quelque chose de prévu jeudi, mais peut-être”, lui ai-je dit sans avoir l’intention d’y aller.
“Oh, ok. Tiens-moi au courant.”
Il a souri et est retourné à sa table. Je me posais des questions sur lui. Ce type me demandait toujours de le retrouver pour une chose ou une autre. Combien de rencontres “mondaines” organisait-il?
En terminant mes pancakes, je me suis sentie suffisamment en forme pour retourner à ma chambre et me préparer pour la journée. Le dimanche était un jour calme dans les résidences. La plupart des gens étaient en train de se remettre des excès du samedi soir.
Sous la douche, je ne pouvais m’empêcher d’imaginer qui avait épinglé ce mot sur ma chemise. Et si Cory avait raison et que c’était l’amour de ma vie? La probabilité était faible, mais ça ne voulait pas dire que ça ne pouvait pas arriver.
Cette idée me fit frissonner d’excitation. Qu’est-ce que ça ferait de se glisser dans les bras d’un homme et de s’endormir? Qu’est-ce que ça ferait d’avoir un petit ami ou de faire l’amour? Je ne savais rien de tout ça.
Tout ce que je savais, c’est que peu importe qui était ce gars, j’allais faire tout ce que je pouvais pour ne pas tout gâcher. J’étais fatiguée d’être seule. Je n’étais pas une fille au cœur de pierre malgré tout ce que je pouvais prétendre Je voulais savoir ce qu’était l’amour.
L’heure du rendez-vous approchant et des papillons dans l’estomac, j’ai enfilé le plus beau tee-shirt que j’avais et l’ai assorti à un pantalon du même noir. Enroulant un bracelet en cuir clouté autour de mon poignet, je me suis mise devant le miroir pour examiner le résultat…
J’étais maigre, ma poitrine était minuscule, et je m’habillais comme une gamine gothique qui ne faisait pas d’effort. Ce type allait sûrement être déçu quand il me verrait à la lumière du jour, mais je ne pouvais pas faire mieux. J’ai brossé mes boucles indisciplinées qui me retombèrent sur le front. Ouais, c’était le mieux que je pouvais faire. Il faudrait bien que ce soit suffisant.
Après avoir encore hésité à y aller, j’ai quitté ma chambre et me suis dirigée vers Willow Pond. Je pouvais à peine respirer tellement j’étais nerveuse. Que se passerait-il si je ne pouvais pas le reconnaître ? Et s’il me voyait, réaliserait qu’il avait fait une énorme erreur, et me laisserait là à l’attendre ?
Cette pensée était presque suffisante pour me faire faire demi-tour, mais je ne l’ai pas fait. J’ai continué à avancer pas à pas jusqu’à ce que l’étang soit en vue. L’endroit était pratiquement vide. La seule personne présente était un garçon qui se tenait debout le long de la rive en regardant les canards.
Était-ce lui ? Non, ce n’était pas possible. Je ne voyais que son dos, mais je pouvais en déduire qu’il était bien trop grand pour moi. Imaginez des épaules assez larges pour porter le monde entier et des bras assez forts pour l’écraser entre ses mains.
Ses cheveux blonds scintillaient en se reflétant dans l’étang. Sa vue menaçait de me couper le souffle. Quand il s’est tourné et que nos regards se sont croisés, ce fut le cas. C’était lui, le garçon d’hier soir. Je l’aurais reconnu n’importe où.
Tous mes souvenirs me sont précipitamment revenus en mémoire. Ivre, je m’étais approchée de lui à la fête et lui avais dit qu’il était le plus beau mec que j’avais jamais vu. Je m’attendais à ce qu’il me dise d’aller me faire voir. Au lieu de cela, il m’avait demandé mon nom et nous avions parlé toute la nuit.
J’avais surtout continué à lui dire à quel point il était sexy et j’avais essayé de l’embrasser alors qu’il me repoussait en rougissant. Oh merde, j’avais oublié ça. Je m’étais complètement ridiculisée.
Il m’avait embrassée uniquement parce que je n’allais pas le laisser tranquille avant qu’il ne l’ait fait. Mais ensuite, il a écrit quelque chose sur un morceau de papier et m’a dit que c’était pour demain et que si j’étais toujours intéressée à ce moment-là, je devais le rencontrer ici.
Je pense qu’il a agi en gentleman. Il a dû voir à quel point j’étais ivre et n’avait pas voulu profiter de la situation. Mais, comment quelqu’un pouvait-il être aussi sexy et attentionné? Il y avait clairement quelque chose qui n’allait pas chez lui.
“Kendall ! Tu es venue”, a-t-il dit en souriant avec un accent rural du Tennessee.
Oh mon dieu, il s’est souvenu de mon nom. Quel était le sien ?
“Bien sûr”, ai-je dit en m’approchant près de lui. “Comment ne pouvais-je pas… ”
“Tu ne te souviens pas de mon nom, n’est-ce pas ?” a-t-il plaisanté.
“Je m’en souviens. C’est heu…”
Mes pensées se bousculaient désespérément.
“Ce n’est pas grave. Tu étais sacrément ivre la nuit dernière. Je suis juste content que tu sois venue.”
“Le mot a aidé. Il était accroché sur moi.”
Il a rigolé. “Ouais, je ne voulais pas que tu le perdes… comme ton téléphone.”
“Donc, j’ai perdu mon téléphone.”
“C’est ce que tu m’as dit.”
“Merde ! J’espérais que tu l’avais.”
“Pourquoi je l’aurais ?”, a-t-il demandé en souriant.
“J’espérais juste. Alors, est-ce que je vais devoir te demander ton nom ?”
“Oh. C’est Nero.”
“Kendall.”
“Je sais.”
“Bien. Je dois être honnête. Je ne me souviens pas de grand-chose de la nuit dernière. Les seules choses dont je me rappelle me sont revenues il y a environ 60 secondes. Désolée.”
«Ce n’est pas grave. Qu’est-ce que tu veux savoir ? Je me souviens de tout.”
J’ai réfléchi pendant une seconde. “Heu, on s’est embrassé ?”
Nero se mit à rire. “Ouais, on s’est embrassé.”
“C’était bien?”
“Ça l’était pour moi.”
“Et je t’ai embrassé donc c’était probablement bon pour moi aussi.”
Nero rougit.
“Qu’est-ce que tu m’as dit sur toi que j’aurais pu oublier?”
“Je ne pense pas t’avoir dit grand-chose.”
“Et pourquoi?”
“Tu n’as pas demandé. Mais je t’ai demandé beaucoup de choses sur toi. Je sais que tu es de Nashville.”
“Née et élevée là-bas”, ai-je confirmé.
“Je sais que tu es en premier cycle.”
“C’est vrai.”
“Et je sais que tu es la plus jolie fille que j’aie jamais vu. Mais ça, tu n’avais pas besoin de me le dire.”
Mes joues ont rougi en entendant ses mots. Ce n’était clairement pas vrai, mais l’entendre dire ça provoqua une impulsion qui s’est dirigée vers mon sexe, me donnant terriblement chaud….
“Tu es plutôt sexy toi aussi”, lui ai-je dit, sachant que j’étais rouge comme une pivoine
“Merci !”
“Puisque tu en sais autant sur moi, je devrais moi aussi te poser des questions sur toi”
“Ok. Vas-y.”
“D’où viens-tu ?”
“D’une petite ville à environ deux heures d’ici.”
“Et en quelle année es-tu ?”
“Je suis en première année. J’ai pris quelques années de repos après le lycée.”
“Qu’est-ce que tu étudies ?”
“Pour l’instant ? Le football”, dit-il en riant.
“Le football ?” Ai-je dit en sentant l’air s’évaporer
“Oui, je suis ici grâce à une bourse d’études. Donc en ce moment, je mange et je respire Football”
J’ai fixé Nero sans entendre un mot de plus après qu’il ait dit “football”. Une douleur m’avait atteint au creux de l’estomac et je fus obligée de lui couper la parole.
“Non! Je suis désolée, non! Je ne veux pas de ça. Le football? Pas question!” Ai-je dit en m’éloignant et en pointant mon doigt vers lui. Je l’ai de nouveau regardé fixement tandis que le choc se répandait sur son beau visage. Pourquoi fallait-il qu’il soit joueur de football?
” Puuuuutain! ” Ai-je crié, frustrée, avant de partir à toute vitesse sans me retourner…
Nero
Qu’est-ce qu’il venait de se passer? J’étais en train de parler à la fille que j’avais rencontrée la nuit précédente. Les choses se passaient bien. Je sentais qu’elle pouvait être quelqu’un de spécial. Puis, l’instant d’après, elle me crie dessus et me dit d’aller me faire foutre.
“Putain, mais qu’est-ce qui se passe?” Ai-je crié à Kendall alors qu’elle s’éloignait.
Elle ne s’est pas retournée et n’a pas répondu. Une partie de moi voulait la suivre et la forcer à me le dire, mais je n’allais pas le faire. Est-ce que tout ça avait un rapport avec le fait que je joue au football? Comment? Pourquoi?
Le football a toujours été ce que tout le monde aimait chez moi. Même les gens qui me détestaient m’aimaient quand j’entrais sur le terrain. Bon sang, même ma mère m’aimait quand j’entrais sur le terrain.
Pendant tant d’années, elle avait disparu de ma vie. Pas parce qu’elle m’avait abandonné comme l’avait fait mon père. Mais parce qu’elle avait disparu dans son propre monde. Et la seule occasion qu’elle avait de retrouver la réalité, c’était en m’encourageant sous les lumières du vendredi soir. Le football a été la façon dont mon tout nouveau frère, Cage, et moi, nous nous sommes liés. Le football est ce qui m’a permis de m’échapper de la petite ville où j’ai grandi. Le football m’a donné tout ce qu’il y avait de bon dans ma vie.
Mais la première fille qui me fait chavirer le cœur rien qu’en la regardant, me déteste parce que j’ai quelque chose à voir avec ça? Putain, pourquoi je n’ai jamais de répit?
Debout là où Kendall m’avait laissé, mes pensées se bousculaient. Ce n’était pas seulement le fait que Kendall soit partie en me rejetant. C’était tout ce qui se passait dans ma vie. Venant de Snowy Falls, la vie dans cette grande ville était difficile. Il y avait tellement de pression. Il me fallait tout ce que j’avais en moi pour me démarquer sur le terrain. Et me réveiller plus tôt que les autres pour faire des sprints suicidaires jusqu’à ce que je vomisse n’était que le début…
La nuit dernière a été la première nuit où je m’étais senti bien. Rencontrer Kendall et la voir si ouverte m’a fait penser que je pouvais peut-être être moi-même moi aussi. J’avais été aussi gentil et prévenant que je pouvais l’être avec elle. Je ne voulais vraiment pas tout faire foirer. Elle était ma chance de connaître le bonheur que je voyais les autres avoir. Et tout ça s’est terminé avec elle pointant son doigt vers moi et criant “non”.
Ça m’a fait mal. J’ai commencé à marcher pour que ma tête n’explose pas.
En quittant l’étang, je me suis dirigé vers la rue. C’était celle qui traversait le campus. Mais au lieu de me diriger vers mon dortoir exigu, j’ai couru dans la direction opposée. J’avais besoin de m’éloigner. J’avais besoin de respirer.
Mon jogging s’est rapidement transformé en course. Pendant que je courais, mon esprit tourbillonnait. Les pensées au sujet de Kendall ont fait place aux vingt-et-une dernières années de ma vie. J’avais dû me battre pour tout. Personne ne m’avait rien donné. Pas même ma mère.
Alors qu’elle était dans les vapes, je me suis mis travailler Quelqu’un devait s’assurer que nous ayons un endroit où dormir et de quoi manger. À 14 ans, j’étais la seule personne sur qui je pouvais compter.
La plupart du temps, je portais des vêtements qui étaient une taille trop petits. Je n’avais pas les moyens de m’offrir autre chose. Et le premier enfant de l’école à me l’avoir fait remarquer en a tellement pris plein la gueule que plus personne ne s’est moqué de moi après ça.
Je suis passé de faire des courses qui auraient pu me faire tuer à 14 ans, à parier sur moi-même dans des combats clandestins à 20 ans. J’avais toujours fait ce qu’il fallait pour survivre.
Si Cage ne m’avait pas trouvé et dit que nous étions frères, je serais probablement encore en train de le faire. Au lieu de cela, il m’avait présenté à l’entraîneur de football de son université, avait obtenu ma bourse d’études et m’avait arraché à ce monde.
Pourtant, même avec tout le chemin parcouru, la fille dont je suis tombé amoureux pense toujours qu’il est impossible de m’aimer. Ça doit être pour ça que ma mère a choisi de disparaître dans son propre monde et que j’ai grandi sans père. J’étais trop difficile à aimer. J’étais un raté qui ne valait rien et c’est tout ce que j’allais être.
En pensant à cela, tout est devenu trop lourd. Ma tête palpitait et une douleur aiguë me traversait. J’avais l’impression que j’allais exploser. J’avais besoin de me libérer. Alors, de la seule façon que je sache le faire, j’ai fixé la voiture garée devant moi et j’ai tout lâché.
J’ai frappé la porte aussi fort que j’ai pu, le métal s’est déformé sous l’impact. Ce n’était pas suffisant. J’avais besoin d’entendre un crash. J’ai serré le poing et cogné sur la vitre côté passager. Elle ne voulait pas céder alors j’ai frappé plus fort. Finalement, le verre a explosé en mille morceaux.
Aussi fort que ce soit, ce n’était toujours pas suffisant. En frappant la porte arrière, je l’ai cabossée. Sur le point de grimper sur le capot et de passer mon pied à travers le pare-brise, quelque chose m’a arrêté. C’était une sirène. Elle m’a réveillé comme si j’étais perdu dans un mauvais rêve.
En reprenant mes esprits, j’ai regardé ce que j’avais fait. J’avais démoli la voiture. Ce n’était pas bon du tout. J’avais perdu le contrôle de moi-même et voilà le résultat.
“A terre !” a crié quelqu’un derrière moi. “J’ai dit, mets-toi à terre.”
Je venais de tout gâcher. J’étais sur le point de perdre ma bourse d’études et ma seule chance de survie. Si j’avais été une personne plus intelligente, peut-être aurais-je fui. Je n’avais pas ça en moi.
C’est moi qui avais fait ça. C’est moi qui avais gâché tout ce qui m’arrivait de bon, personne d’autre. Et je n’allais pas lutter contre la destruction que je m’infligeais à moi-même.
Ne me mettant pas à genoux assez vite, quelqu’un m’a poussé par derrière. Je suis tombé sur le verre brisé. Avant que je puisse m’en relever, on m’a serré les poignets et passé des menottes. Elles me serraient assez pour me couper la peau.
“Vous avez le droit de garder le silence”, a-t-il commencé.
Je n’ai pas eu besoin d’écouter le reste. Je le connaissais suffisamment. J’allais être envoyé en prison. Comme je ne pouvais pas payer de caution, ils allaient me garder pendant deux ou trois jours jusqu’à ce que je passe devant un juge.
A partir de là, je serais condamné. Et contrairement à l’époque où j’étais mineur, ce crime allait me suivre le restant de ma vie. Je m’étais fait ça tout seul. Et pour être honnête, j’ai toujours su que c’était une juste question de temps avant que je ne foute tout en l’air.
J’ai suivi les instructions des flics sans résistance. Sur le siège arrière de la voiture de police, je laissais mon esprit vagabonder. J’ai pensé à toutes ces choses qui m’avaient amené ici. J’ai pensé à Kendall. De tous mes regrets, le fait de l’avoir tant contrariée était en tête de liste.
La vérité est que je l’avais déjà vue avant la fête d’hier soir. C’était le jour de la remise de diplôme de Cage. On s’était regardés alors qu’elle se tenait sous un arbre pour assister à la cérémonie. Je m’étais dit que c’était la plus jolie fille que j’avais jamais vue.
Elle était habillée tout en noir, avec une touche d’originalité. Ses boucles brunes en désordre soulignaient ses traits fins. Et pour compléter son look de je-m’en-foutiste, de délicates lunettes à monture ronde m’ont fait penser qu’elle était plus que ce qu’elle laissait paraître.
Il y avait plus en moi que ce que je laissais croire. J’étais le voyou qui organisait des combats clandestins pour de l’argent. J’étais prêt à affronter quelqu’un pour rien. Mais, tout ce que j’ai toujours voulu, c’est que quelqu’un me prenne dans ses bras et me dise que tout irait bien.
Quand j’ai vu Kendall debout là, j’ai désespérément voulu faire ça pour elle. Peut-être que personne ne ferait jamais ça pour moi, mais je pouvais être son sauveur. Je voulais la protéger. Je voulais donner à Kendall l’amour que je n’avais jamais pu avoir. Et au moment où je commençais à voir la lumière, j’avais bien entendu tout fait foirer en étant moi-même.
Au poste, j’ai répondu à toutes leurs questions et on m’a accompagné en cellule. Il y avait deux autres gars. L’un avait l’air complètement bourré, et l’autre… et bien, il me ressemblait, un voyou dont la date de péremption était dépassée.
Je n’étais pas d’humeur à parler et eux non plus. Ce n’était pas mon premier passage en cellule, alors sachant que j’allais y être pour un moment, je me suis mis à l’aise. A ma grande surprise, un flic est apparu de l’autre côté des barreaux et a prononcé mon nom.
“Nero Roman?”
“C’est moi.”
“Votre caution a été payée. Allons-y.”
Je me suis levé, sûr qu’il avait fait une erreur. Mais s’ils allaient me laisser sortir pour une erreur administrative, je n’allais pas m’en plaindre. En retournant vers les bureaux, j’ai balayé la pièce du regard, repérant quelqu’un que je ne m’attendais pas à voir. Quin était la petite amie de mon frère et elle avait l’air assez effrayée.
Vu que les parents de Quin étaient richissimes et qu’enfant, elle passait ses vacances dans des endroits comme les Bahamas, pas étonnant que le fait d’être dans un poste de police lui donne l’impression d’être sur le point de se pisser dessus. La seule question était de comprendre ce qu’elle faisait ici. Je n’avais pas utilisé mon droit à un appel téléphonique. Je ne pouvais pas penser à qui que ce soit qui pourrait m’aider.
Quand je suis arrivé près d’elle, Quin a mis ses bras autour de moi. Son étreinte était sincère et forte.
“Bon sang, Nero, que s’est-il passé? Qu’est-ce que tu fais ici? Et, pourquoi tu ne m’as pas appelée?”
J’étais sur le point de répondre quand quelqu’un d’autre que je connaissais a franchi les portes. Titus était mon colocataire et un gars que je connaissais de chez moi. Les deux mêmes personnes que pour moi, Quin et mon frère, lui avaient donné envie d’aller à l’East Tennessee University. Il s’est approché et m’a enlacé lui aussi.
“Qu’est-ce qui se passe, mec? Et pourquoi il a fallu que ce soit un gars de la sécurité du campus qui nous apprenne que tu étais ici?”
“Ce n’est rien”, leur ai-je dit. “J’ai juste un peu abimé une voiture.”
“Un peu ?” A demandé Quin en s’éloignant. “Ils ont dit que tu avais cassé une fenêtre et plusieurs portes ?”
“Comme je te l’ai dit, un peu abimé” dis-je en souriant timidement.
” Pourquoi ?”m’a supplié Quin, crispant son petit visage d’intello.
J’ai pensé à Kendall et à la manière dont elle m’avait dit d’aller me faire foutre.
“Je ne veux pas parler de ça. Vous avez un moyen de partir d’ici ?”
“Oui, je suis en voiture”, m’a dit Titus en passant ses doigts dans ses cheveux hirsutes couleur café. “Je suis garé devant. Allons-y.”
Nous nous sommes dirigés tous les trois vers le van de Titus et sommes rentrés au campus en silence.
“Où est-ce que je vais ?” a demandé Titus en tournant sur Campus Lane. “Je dépose tout le monde ou on va chez Quin pour notre dîner dominical habituel ?”
J’étais sur le point de lui demander de m’emmener à notre résidence quand Quin m’a coupé.
“Chez moi. Cage va arriver et il va vouloir tout savoir. Ça peut aussi bien se faire en mangeant.”
“Tu ne l’as pas dit à Cage, hein?” ai-je demandé à Quin en ressentant une douleur dans la poitrine.
“C’est la première personne que j’ai appelée après que Titus me l’ait dit.”
J’ai regardé Titus, en colère.
“Ecoute mec, la sécurité du campus m’a dit que tu avais détruit une de leurs voitures et que tu étais en prison. Qui d’autre aurais-je dû appeler? C’était la seule à savoir comment te trouver un avocat.”
“Tu as appelé un avocat?” Ai-je demandé à Quin.
“Je n’ai pas eu à le faire. Cage a appelé l’école et a pu arranger les choses. Il a encore beaucoup de contacts utiles depuis qu’il a gagné le championnat national pour eux. Tout ce que j’avais à faire était de payer ta caution et de te faire sortir.”
“Donc, je ne vais pas perdre ma bourse?”
“Je n’ai pas dit ça. Mais, je suis sûre que Cage te dira tout ce que tu as besoin de savoir à ce sujet. Sérieusement, Nero, à quoi tu pensais?”
Je n’ai rien répondu.
“Donc on va chez Quin?”
J’ai regardé par la fenêtre, résigné. “Ouais.”
“Cool. Lou m’a dit qu’elle n’avait pas de rencard ce soir, elle sera là aussi”, dit Titus avec un sourire.
Quin et moi l’avons regardé.
“Quoi? Elle et moi, on est amis. Je sais qu’aucun de vous n’a beaucoup d’expérience en la matière, mais croyez-moi, sortir ensemble est un truc que tout le monde fait.”
Je me suis tourné vers Quin. Nous pensions tous les deux la même chose. Titus n’en parlait jamais, mais en vivant avec lui, j’avais l’impression que nous avions plus de choses en commun qu’aucun de nous deux ne l’aurait admis.
Titus et la colocataire de Quin étaient assez proches. Je savais qu’être ami avec une fille ne voulait rien dire. Et Titus était un mec très amical. Mais, je ne pouvais pas m’empêcher de penser à quel point ils étaient mignons tous les deux.
Je n’aurais jamais dit ça à Titus car ce n’est pas ce qu’un mec dit à son pote. De plus, qu’est-ce que je savais des relations ? Et après ce qui venait de se passer avec Kendall, j’ai réalisé que j’en savais encore moins que je ne le l’imaginais.
En se garant devant la résidence chic de Quin, nous sommes montés et avons été accueillis par Lou.
“Tu as ramené le criminel”, a-t-elle dit en me fixant. “Qu’est-ce que tu as fini par faire? Un vol à main armée? Un braquo?”
“Comment sais-tu ce qu’est un braquo ?” a demandé Titus.
“Je regarde New-York, Police Judiciaire ! Je sais des choses.”
Quin répliqua “Je ne pense pas que Nero veuille en parler. Alors…”
“C’était une atteinte aux biens d’autrui classique, n’est-ce pas? Ecoute, ne crois pas que parce que tu fais ces trucs de mauvais garçon, je vais tomber amoureuse de toi. J’aime les gentils garçons, moi”.”
j’ouvris la bouche pour répondre.
“Ok, très bien, on peut sortir ensemble. Mais si tu me mets enceinte après une nuit d’ivresse, c’est moi qui aurai le bébé et je ne l’élèverai pas seule.”
J’ai regardé Lou avec stupéfaction, puis j’ai ri. Nous avons tous ri.
“Je suis sérieuse, Monsieur Roman. Je ne vais pas élever Nero Junior toute seule.”
“D’accord, je te le promets”, lui ai-je dit, me sentant soudainement mieux .
Titus a pris la parole. “Maintenant que c’est réglé, que pensez-vous d’une partie de Wavelength?”
Wavelength était notre jeu du dimanche soir. La plupart du temps, c’était autour d’un verre et dans une atmosphère bien plus détendue.
Titus a choisi Lou, bien sûr, et je me suis associé à Quin. On a joué quelques manches, tout allait bien. C’est alors qu’arriva Cage.
Mon frère était en colère. Je ne pouvais pas lui en vouloir.
“Mais enfin, pourquoi as-tu détruit une voiture de la sécurité du campus?”
“C’était une voiture de la sécurité du campus?” Ai-je demandé.
“Tu ne le savais pas?”
“Ce n’était pas comme si je visais quelqu’un en particulier. J’étais juste en colère.”
“Pour quelle raison?”
“Rien”, Ai-je dit, je n’avais vraiment pas envie d’en parler.
“Tu ne veux pas le dire, hein ? Eh bien, tu vas devoir en parler. L’école est prête à te laisser payer pour réparer tes dégâts au lieu de porter plainte.”
“Je n’ai pas l’argent.”
“C’est toi qui l’as détruite. C’est toi qui vas payer les frais! “
“Je pourrais te le prêter”, a proposé Quin.
“Je n’ai pas besoin de ton argent”, me suis-je emporté.
“Attention, Nero! Elle essaye juste de t’aider, là.”
“Je n’ai pas besoin de son aide. Je n’ai besoin de l’aide de personne.”
“Vu que c’est elle qui t’a fait sortir de prison, ça ne semble pas tout à fait vrai, hein?”
Je me suis tu, sachant que Cage avait raison. Dès que j’ai arrêté de parler, Cage a fait de même. Avec beaucoup plus de gentillesse dans les yeux, il s’est approché de moi et a mis ses bras autour de mes épaules.
“Nero, tu as du caractère et tu vas devoir apprendre à le contrôler.”
“J’essaie.”
“Et pourtant, ma petite amie a dû payer ta caution pour te sortir de prison aujourd’hui.”
“Je ne sais pas quoi dire”, ai-je admis.
Cage m’a regardé fixement. Je suppose qu’il ne savait pas quoi dire non plus.
“Je vais trouver une solution. Je vais parler à l’école et voir comment on peut faire. Ne t’inquiète pas, on va arranger ça. Je suis là pour toi, mec. Je ne te laisse pas tomber.”
“Aucun d’entre nous”, ajouta Titus.
“Ouais”, Quin était d’accord.
J’ai regardé les trois personnes autour de moi et essuyé une larme. Peut-être que tout irait bien. Peut-être que je n’étais pas aussi seul que je le pensais.
Kendall
“Ahhhh !” J’ai crié en me réveillant.
J’ai regardé autour de moi. Je suis dans mon lit et c’est le matin. Cory est assise et me regarde fixement, l’air effrayée.
“Ça n’était qu’un rêve», me dis-je. Tout ça n’était qu’un rêve.
“Evan Carter?” me demande Cory en se détendant un peu.
“Evan Carter”.
“Putain d’Evan Carter”, dit ma colocataire, ce qui me fit me sentir un peu mieux.
Je me suis recouchée et j’ai essayé de me calmer. Je ne pouvais pas dire si les cauchemars empiraient, mais ils n’allaient pas en s’améliorant
Evan Carter était le joueur de football qui avait fait de mes années de lycée un enfer dès le début. Il y avait quelque chose en moi qu’il ne pouvait pas supporter. J’ai toujours supposé que c’était parce que c’était un petit con qui visait tous ceux qui ne savaient pas comment s’intégrer. Mais si j’étais honnête avec moi-même, je n’avais même jamais ne serait-ce qu’essayer de m’intégrer.
J’ai tenté le coup avec la couleur de mes cheveux, le maquillage et le type de vêtements que je portais. Peut-être que m’habiller comme un garçon pendant des mois avait été un peu exagéré. Ce n’était pas comme si je me battais pour abattre le patriarcat ou quoi que ce soit d’autre. Je m’amusais juste un peu. J’essayais de comprendre qui j’étais.
Pour info, je ne suis pas le genre de fille à porter des fringues de mec ou à me maquiller comme une sauvage. Et ce n’est même pas parce qu’Evan Carter m’a tyrannisée jusqu’à l’extrême limite quand je l’avais fait Ce n’était tout simplement pas mon truc.
Mais, il y a eu un moment où les abrutis du football n’en pouvaient plus. Ils ne supportaient plus mes excentricités vestimentaires. Ils finirent par me dire que si je continuais à agir comme un garçon, ils me traiteraient comme tel.
A partie de ce me moment-là, ils se sont mis à me bousculer à chaque fois qu’ils me croisaient dans les couloirs. Je pouvais être en train de déjeuner et je recevais une grande claque derrière la tête qui me projetait en avant. Régulièrement, ils me balançaient dans le vestiaire des garçons pendant qu’ils étaient en train de se changer.
Quand j’en repérais un, je devais me rendre aussi invisible que possible. S’ils me voyaient, ils pouvaient m’attaquer ou pas. C’était toujours impossible à deviner. Mais quand ils avaient décidé de faire de ma journée un enfer, je n’étais en sécurité nulle part.
Et, si ce n’était pas de la violence physique, c’était des moqueries en permanence sur le fait que je n’avais pas de poitrine. Je sais bien que tous les corps peuvent être beaux. Mais, personne n’a envie d’entendre ce genre de choses tous les jours.
C’est comme le mot ” gouine “, si je l’entends encore une fois, je pense que je vais craquer ! Ça aurait déjà été pénible si j’avais été attirée par les filles mais ce n’était pas le cas, c’était simplement ma façon de m’habiller ! Et c’était tout aussi compliqué lorsque des filles m’abordaient en pensant que j’étais lesbienne.
Jusqu’en dernière année, je pleurais en m’habillant le matin, sachant que ce que je mettais allait déclencher la rage d’Evan une nouvelle fois. J’en étais arrivée au point où je ne voulais même plus porter tel ou te tel vêtement. Mais je le faisais quand même parce que… comment savoir pourquoi finalement?
Peut-être que c’était pour me prouver que je n’allais pas céder à la pression qu’ils m’infligeaient. Peut-être que je ne voulais pas laisser à Evan la satisfaction de penser qu’il avait gagné. Peut-être que j’étais simplement avide de punitions.
Quelle qu’en soit la raison, je l’ai fait et j’avais à peine encore le goût de vivre à la fin du lycée. J’étais si heureuse de commencer l’université et d’oublier tout ça. Je pouvais m’habiller comme je le voulais, et enfin être moi-même. Je pensais que c’était la meilleure chose qui soit jusqu’à ce que les cauchemars commencent.
OK, ils avaient toujours été là. Mais maintenant ils s’intensifiaient et se focalisaient sur une seule personne, Evan Carter. Le leader de la bande.
Je continue de penser que s’il n’y avait pas eu cet enfoiré, les autres m’auraient laissée tranquille.
Mais ce dont je suis sûre, c’est qu’au lycée, j’avais perdu les batailles et la guerre.
Ce qui craint vraiment, c’est que jusqu’à hier soir, les cauchemars semblaient commencer à s’estomper. J’en avais jusqu’à deux fois par semaine. Cory sait tout ça. Vu le nombre de fois où je l’ai réveillée en hurlant, c’est un miracle qu’elle veuille encore être ma colocataire.
Ça faisait deux semaines que je ne m’étais pas réveillée en hurlant avant la nuit dernière. Je suis presque sûre de savoir ce qui l’a déclenché. J’avais embrassé un joueur de football. Cette pensée m’a presque fait vomir. Bien sûr, Nero n’avait rien à voir avec Evan Carter ou un de ses copains totalement abrutis, mais quand même.
Les joueurs de football ont fait de ma vie un enfer aux proportions effrayantes depuis que j’ai 14 ans. Ils ont mis en péril mon envie de vivre. Je me réveille en criant et en transpirant à cause d’eux. Alors je ne voulais vraiment pas embrasser un joueur de foot à présent.
“Tu vas en cours ?” M’a demandé Cory toujours dans son lit.
“Oh putain !” Me suis-je exclamée en me souvenant de mon cours du lundi matin.
Mon professeur devait être un sadique. Qui programme un cours important à 8 heures du matin le lundi ? C’est ridicule. Mais, si je voulais devenir psychologue clinicienne, j’avais l’obligation de me spécialiser en psychologie et je me devais de le suivre.
Je me suis précipitée hors du lit et me suis habillée rapidement. Une fois prête, j’ai rempli mon sac à dos et je me suis dépêchée de sortir. Je suis arrivée en retard en classe, mais les retards étaient notés comme une simple arrivée après 08H00.
“Aujourd’hui, vous allez remplir le T.E.Q., le Toronto Empathy Questionnaire. Non seulement il guidera notre discussion sur l’empathie, mais il vous dira, à vous les aspirants thérapeutes, si vous êtes réellement faits pour ce métier”, dit mon professeur, attirant soudainement mon attention.
Je voulais vraiment être thérapeute. C’était la seule chose que je voulais depuis que j’avais 12 ans. J’avais lu un manuel de psychologie générale d’un bout à l’autre quand j’avais 15 ans et cela m’avait énormément intéressée. J’avais besoin de réussir ce test.
Quand on a posé le document devant moi, j’ai vu qu’il n’était pas très long. Les questions étaient également assez basiques. J’ai écrit mon nom et j’ai commencé.
“Quand quelqu’un est excité, j’ai tendance à l’être aussi; jamais, parfois, ou toujours”?
Facile. Peut-être que j’arrivais à le cacher, mais c’était le cas.
“Les malheurs des autres ne me dérangent pas beaucoup; jamais, parfois ou toujours”?
Encore une fois, facile. Jamais… généralement.
Vraiment, s’il s’agit d’une personne normale, à qui je suppose que cette question fait référence, je ne me sens jamais bien face au malheur de quelqu’un d’autre. Mais, imaginons qu’Evan Carter se fasse renverser par un bus. Je ne suggère pas qu’il meure… nécessairement. Je parle juste de lui faire ressentir une fraction de la douleur qu’il m’a fait endurer pendant quatre ans.
La question ne peut pas faire référence à des situations comme celle-là, n’est-ce pas? Ou alors, peut-être que si? Le questionnaire essayait-il de déterrer vos pensées les plus sombres? Mon manque d’empathie pour un psychopathe qui m’a torturé faisait-il de moi une mauvaise thérapeute?
Je fixais la question, paralysée. Je n’arrivais plus à poursuivre. Je ne pouvais pas croire qu’après tout ce qu’il m’avait fait subir, l’écho de tout cela pouvait m’empêcher d’être compétente dans la seule chose que j’avais toujours voulue.
“Veuillez rendre vos copies”, dit mon professeur, me faisant sortir de ma torpeur.
“Je n’ai pas fini”, ai-je dit à la fille qui m’a pris ma copie et m’a fait passer la pile.
Elle a haussé les épaules, notant à peine mon malaise. Je savais pertinemment que cette reine des glaces ferait une horrible thérapeute. Mais qu’en était-il de moi? L’empathie était-elle vraiment si importante?
Je n’ai pas eu à attendre longtemps pour obtenir une réponse à cette question. Deux jours plus tard, mon professeur me demanda de venir le voir avant de partir.
“Au début du semestre, je vous ai demandé à tous quels étaient vos objectifs pour ce cours”, a commencé le professeur Nandan.
“Oui. Et j’ai dit que je voulais devenir thérapeute, parce que c’est le cas.”
Il me regarda d’un air troublé. “Exact. Ce qui me fait me demander pourquoi vous avez fait cela sur un questionnaire destiné à déterminer votre niveau d’empathie “, dit-il avant de poser ma feuille sur le bureau entre nous.
“Je sais, je ne l’ai pas fini.”
“Vous ne l’avez pas terminé. Mais ce n’est pas ce dont je parle”, a-t-il dit en plaçant son doigt à côté du gribouillis que j’avais dessiné dans le coin supérieur droit de la feuille.
En le regardant à nouveau, j’ai réalisé qu’il s’agissait moins d’un gribouillis que d’un croquis. J’étais connue pour dessiner un peu partout lorsque je m’ennuyais, et ce n’était pas toujours des images joyeuses. Celui-ci n’était vraiment pas guilleret et contenait un message qu’il était difficile de rater.
“Vous avez dessiné un joueur de football pendu à une corde dans le coin d’un questionnaire d’empathie ? Y a-t-il quelque chose dont vous aimeriez parler, Mademoiselle Seers?”
Ma bouche s’est ouverte en regardant l’homme au visage arrondi en face de moi. Il n’y avait aucun doute sur ce qui avait inspiré ceci. Ce con d’Evan Carter.
“Ok, je peux vous expliquer”, ai-je commencé sans savoir ce que j’allais dire après cela.
” Allez-y “, a-t-il insisté patiemment.
Allais-je mentir ? Lui dire la vérité ? J’avais l’impression d’être dans une impasse.
“Il se peut que j’aie un problème avec les joueurs de football.”
“Vous m’en direz tant”, dit-il avec sarcasme.
“Et, il se peut que je me sois réveillée d’un mauvais rêve à propos de l’un d’entre eux juste avant de venir en classe.”
“Vous voulez me parler de ce rêve ?”
“Pas vraiment. C’était un cauchemar assez standard. Beaucoup de poursuites. Beaucoup de courses. Vous savez, le cauchemar classique.”
“Et puis vous êtes venue ici et avez dessiné ça… sur un questionnaire d’empathie?”
“C’est ce qu’il semblerait”, ai-je dit avec un sourire gêné.
Le professeur Nandan s’est adossé à sa chaise et m’a dévisagée. Je ne pouvais pas imaginer ce qu’il pensait, mais je n’avais pas l’impression qu’il s’agissait de quelque chose de très positif.
“La façon dont nous gérons les traumatismes de l’enfance est unique à chacun d’entre nous”, a-t-il commencé. “Certains d’entre nous choisissent de les éviter. Mais la stratégie la plus efficace pour avoir une vie saine et heureuse est d’aborder les problèmes de front.”
“Vous pensez que je devrais consulter un thérapeute à ce sujet ?”
“Cela ne serait pas une mauvaise chose. Mais les recherches montrent que le moyen le plus efficace de gagner de l’empathie pour un groupe est de l’humaniser.”
“Je ne pense pas que les joueurs de football ne soient pas des êtres humains. Ils sont juste les pires qui n’aient jamais existé.”
Mon professeur m’a regardé bizarrement.
“D’accord. Mais vous acceptez le fait que tous ceux qui partagent un trait de caractère ne soient pas forcément identiques ? Tous les joueurs de football ne sont pas nécessairement semblables. Tout comme les étudiantes qui s’habillent tout en noir et portent des bracelets cloutés ne sont pas toutes les mêmes. Nous sommes tous des individus uniques.”
“Qu’est-ce que vous suggérez ?” ai-je demandé en sentant un nœud se former dans ma poitrine.
“Je vous suggère d’apprendre à connaître un joueur de football. Je pense que si vous découvrez sa singularité, cela pourrait vous aider à surmonter les sentiments négatifs que vous avez à son égard. Cela pourrait même vous aider en ce qui concerne vos cauchemars.”
“Et, comment pensez-vous que je puisse connaître un joueur de football?”
“C’est une question intéressante, il y a un programme que j’essaie de mettre en place depuis quelques années. C’est une sorte de tutorat. Les étudiants de la classe supérieure sont jumelés avec des étudiants de première année qui ont du mal à s’adapter à la vie universitaire et qui peuvent s’appuyer sur eux pour les y aider. Si votre objectif est de devenir thérapeute, ça pourrait vous convenir.”
“Ça a l’air génial. Mais je suppose que ce que vous ne dites pas, c’est que je serais la tutrice d’un joueur de football.”
“Il y en a un qui s’est mis dans une situation un peu difficile à cause de son comportement. Et au lieu de l’expulser de l’école et du programme de football, l’université a pensé que quelque chose comme ça pourrait lui être utile.”
J’ai regardé fixement mon professeur. C’était la pire des idées! Pas tout, la partie tutorat avait l’air plutôt cool. Mais la partie où j’étais enfermée dans une pièce avec un de ces psychopathes mangeurs d’enfants était insensée.
Cherchait-il à me faire tuer? Dès que la porte serait fermée et que nous serions seuls, ce type se déboîterait la mâchoire et m’avalerait toute entière. Après m’avoir dévorée, il se dirigerait très probablement vers Washington, où il grossirait jusqu’à ce que, la queue enroulée autour du Washington Monument, il mange le président, transformant les États-Unis en une dictature diabolique… Ou est-ce que je n’exagère pas un tout petit peu là?
“Oui”, ai-je dit avant que ce ne soit assimilé par mon cerveau. “Je vais le faire.”
“Vous le ferez?”
“Oui.”
“Vous êtes sûre?”
“Non. Enfin, si. Ecoutez, je veux un jour être une bonne thérapeute. Sérieux, je ne veux pas seulement être bonne. Je veux être excellente. Je veux aider les gens. Je veux que les enfants n’aient pas à vivre ce que j’ai vécu en grandissant. Et si cela signifie affronter mon problème avec un groupe de démons dévoreurs d’âmes, je le ferai.”
Le professeur Nandan m’a regardé d’un air interrogateur.
“Je plaisante… en grande partie. Non, je plaisante. Je peux le faire. Et vous avez raison. Affronter mon problème de front est la meilleure façon de le traiter.”
“Alors je vais arranger ça. Je vous remercie d’accepter. Si cela fonctionne entre vous et lui, cela pourrait permettre à beaucoup de personnes de recevoir de l’aide dans les prochaines années”, a-t-il dit en souriant.
“En d’autres termes, aucune pression?”
Il se mit à rire. ” Aucune pression. Soyez juste vous-même. Il ne s’agit pas pour vous d’être capable de lui fournir des réponses. Il s’agit d’être là pour lui et de lui offrir votre attention quand il en aura besoin.”
“Je crois que je pourrais faire ça.”
” Vous serez parfaite “, me dit-il avant de me promettre de m’envoyer les détails par e-mail et de me laisser partir.
C’est une bonne chose que personne n’ait besoin de dormir pour rester sain d’esprit. Dans le cas contraire, j’aurais eu de gros problèmes. Parce qu’allongée dans mon lit, dans l’obscurité, tout ce à quoi je pouvais penser était ce qu’Evan Carter et ses coéquipiers m’avaient fait subir.
Je ne savais pas à quoi je pensais quand j’ai accepté de faire ça. Être la thérapeute d’un joueur de football était une mauvaise idée, une très mauvaise idée.
Cela ne m’a cependant pas empêchée d’aller jusqu’au bout. Qui étais-je pour rejeter une mauvaise idée?
En marchant vers le lieu de rendez-vous convenu, je transpirais dans mes vêtements. J’étais en pleine crise de panique. Nous nous retrouvions dans l’antre du démon, le centre d’entraînement de l’équipe de football. Mais au moins mon professeur était là avec moi.
“Vous vous sentez prête?” M’a-t-il demandé, aussi excité que j’étais terrifiée.
“Non, mais je suis là. Alors, allons-y.”
Le professeur Nandan a mis son bras autour de mon épaule et m’a fait entrer dans la pièce. La bête était assise, dos à moi. Le plus drôle, c’est que j’ai reconnu son dos. C’était immanquable. Et quand il s’est retourné et que j’ai eu un aperçu de ses pommettes à mourir, j’ai pensé que c’était une blague cruelle.
“Toi?” Ai-je demandé, abasourdie.
“Vous vous connaissez tous les deux?”, demanda mon professeur.
Nous nous sommes regardés fixement. Je ne savais pas comment répondre.
“On s’est déjà rencontrés”, a répondu Nero.
“J’espère que c’est une bonne chose”, a suggéré mon professeur.
Nero m’a regardé à nouveau. “Oui”, a-t-il confirmé à mon professeur qui respira de nouveau.
“Alors peut-être que je n’ai pas besoin de vous présenter tous les deux. Mais, Nero Roman, voici Kendall Seers. Kendall, Nero est une très prometteuse star du football.”
“Ça, on n’en sait encore rien” a rapidement retorqué Nero.
“Je t’ai vu jouer. Tu es très bon”, s’est exclamé l’homme plus âgé.
“Merci”, dit Nero en détournant le regard de façon embarrassée.
“Et Kendall, ici présente, est l’une de mes étudiantes les plus brillantes.”
“Ça, on en est sûr”, ai-je confirmé. “Probablement la meilleure.”
Je ne sais pas pourquoi j’ai dit ça. Mais ça a détendu l’atmosphère. Au moins pour eux deux.
“Je n’en suis pas persuadé”, a plaisanté mon professeur. “Mais elle est très douée. Vous devriez être en de bonnes mains avec elle. Je vous laisse faire connaissance ?”
“Bien sûr”, dit Nero en me regardant comme s’il avait oublié que je lui avais craché au visage en le quittant la dernière fois que je l’avais vu.
“Très bien. Alors je m’en vais “, dit l’homme, rayonnant, avant de nous laisser seuls et de fermer la porte derrière lui.
On s’est tous les deux regardés fixement. Ça aurait été la pire chose au monde s’il n’avait pas été aussi sexy. Sérieusement, comment quelqu’un peut-il être aussi beau? Ce type transpirait le sexe. J’ai pensé à quoi il pouvait ressembler nu.
“Alors, de quoi veux-tu parler?” m’a-t-il demandé en souriant. Dieu que son sourire était beau.
Jusque-là, j’avais l’impression de transpirer. Maintenant, c’était dans une véritable flaque d’eau que j’essayais de garder une contenance à peu près normale.
“Tu as chaud ici?” ai-je demandé. “Je veux dire, est ce que tu trouves qu’il FAIT chaud ici? Tu veux qu’on sorte d’ici? Sortons d’ici. J’ai besoin d’air frais. Je n’arrive pas à respirer ici.”
“Tu vas bien?”, a-t-il demandé, d’un air inquiet.
“J’ai juste besoin de faire un tour. On peut aller se balader?”
“Comme tu préfères”, a-t-il dit avec le charme d’un garçon d’une petite ville du Sud.
Nous avons quitté le centre d’entraînement et avons marché jusqu’au campus en silence. A mi-chemin, j’ai réalisé que je ne pourrais pas m’éloigner de tout ça, alors je me suis dirigée vers un banc et me suis assise. Nero s’est assis à côté de moi. Je pouvais le sentir. Il sentait le cuir et le musc. Cette odeur m’a envoyé une décharge électrique entre les jambes. Qu’est ce qui me prenait d’être excitée un joueur de football?
“Comment tu le savais?”
“Comment je savais quoi?” ai-je demandé sans le regarder.
“Que c’était mon endroit préféré. Je ne me souviens pas t’avoir dit ça la nuit où on s’est rencontrés.”
“C’est ton endroit préféré ?” Ai-je demandé en me tournant finalement vers lui.
“Oui. Je m’arrête ici tous les jours après l’entraînement. L’entraînement, c’est toujours vraiment dur, tu sais. Tout est dur. Alors c’est sur ce banc que je m’asseois pour me remettre les idées en place.”
J’ai regardé autour de moi. Je n’avais pas passé beaucoup de temps dans ce coin du campus pendant mes années ici. Mais c’était un endroit magnifique. Il y avait plus d’arbres ici que dans n’importe quel autre coin. Et avec les feuilles d’automne colorées qui recouvraient le sol, la scène ressemblait à une carte postale.
“De quoi parles-tu quand tu dis que tout est dur?” ai-je demandé, me sentant soudainement plus calme.
Le sourire de Nero disparut. “Tout! L’entraînement. Les cours. Avoir des sentiments que je ne devrais probablement pas avoir.”
Je fixais Nero en me demandant quels étaient ces sentiments. “Je peux te demander quelque chose?”
“Quoi donc?”
“Est-ce que tu joues de ce charme du garçon venant du Sud?”
Nero parut mal à l’aise. Je ne pense pas qu’il était préparé à ce que je lui pose cette question.
“Tu n’as pas à me le dire si tu n’en as pas envie.”
“Ce n’est pas que je ne veux pas te le dire.” Nero prit une grande inspiration en regardant le ciel. “Laisse-moi te poser cette question à mon tour. Est-ce que cette attitude je-n’aime-personne est aussi une sorte de jeu ? Parce que lorsqu’on se parlait à cette soirée, tu m’es apparue complètement différente. “
Je me suis mise à le fixer avec l’air du gibier pris dans les phares d’une voiture.
“J’avais vraiment beaucoup bu ce soir-là”
“Est-ce que ça veut dire que tu étais réellement toi-même à ce moment-là?”
Je me suis mise à le regarder, aucun son ne sortait de ma bouche. Il venait de dire ce que je craignais qu’il dise, et j’avais peur qu’il ait raison. Le pire, c’est que je ne me souvenais toujours de rien de ce qu’il s’était passé cette nuit-là. Peut-être savait-il des choses à mon sujet que j’ignorais moi-même.
“On n’est pas là pour parler de moi”
“Ça, je le sais. Je voulais simplement te montrer que je ne cherchais pas à éviter ta question”
“C’est simplement que tu ne connais pas la réponse. Tu ne sais pas si tu joues consciemment de ton charme.” Lui ai-je suggéré.
“Et c’est mal?”
“Qu’est-ce que “bien” ou “mal” veulent dire ? ” Ai-je demandé le plus gentiment possible
” Et bien c’est lorsque quelque chose est bien ou qu’une autre chose est mal” a-t-il expliqué avec l’air embarrassé de celui qui ne voyait pas bien la différence.
“Oh, ça explique tout. Je ne l’avais pas vu de cette façon”, ai-je plaisanté.
“Je t’en prie”, a-t-il dit en jouant le jeu.
Qu’il ait joué de son charme consciemment ou pas, ça avait marché sur moi. Je ne savais pas comment c’était possible mais c’était le cas. Je me suis soudain sentie plus détendue.
“Quoi qu’il en soit, maintenant que nous avons éclairci ce point, tu pourrais peut-être m’expliquer ce qui t’a fait en arriver là?”
“Là ? “
“Tu sais, devoir trainer ici avec moi”
“La chance ? “
J’ai ri. “Arrête, je suis sérieuse.”
“Moi aussi”
“Allez, fais un effort, je suis censée t’aider. Mon prof m’a expliqué que tu avais eu un problème.”
Nero baissa les yeux et le charme fut rompu.
“Ouais, j’ai eu un accrochage avec une voiture.”
“Qu’est-ce que tu veux dire?”
Nero a hésité et m’a regardé.
“Parfois les choses m’échappent. Quand ça arrive, je ne prends pas toujours les bonnes décisions.”
“Donc, quand tu dis que tu as eu un accrochage avec une voiture…?”
“Je me suis peut-être un peu défoulé sur elle.”
“Oh!”
“J’ai bousillé quelques portières, cassé une vitre…”