SOUS SON CHAPERON ROUGE

Chapitre 1

Red

 

Redina sentit la chaleur lui monter au visage lorsqu’elle entendit du bruit dans la végétation devant elle. Elle n’avait pas peur de se promener dans les bois. Encore moins pour parcourir le chemin menant à la maison de sa grand-mère. Mais elle devait admettre que les paroles des autres villageois avaient fini par l’affecter. Des loups avaient été vus près de la rivière. Deux membres d’un village à proximité avaient été rués. Et à présent, elle se promenait seule dans les bois.

« Ce n’est rien Red, » se dit-elle, refusant de sombrer dans l’hystérie actuelle. « Tu as fait ce trajet des milliers de fois. En plus la rivière est dans la direction opposée. En fait, tu vas même dans la direction la plus sure. »

Ses mots suffirent à la rassurer. Elle avait peur pour rien. Elle n’était pas le genre de fille à avoir peur de quitter sa maison sans être accompagnée par homme, et elle n’allait certainement pas devenir ce genre de fille.

Sentant alors la chaleur quitter ses joues, elle étira ses épaules, redressa son capuchon et serra son panier contre elle. Alors qu’elle faisait un nouveau pas en avant, les buissons bougèrent à nouveau, ce qui indiqua à nouveau à Red que la première fois ne pouvait être une coïncidence.

« Qui est là ? » Cria-t-elle de la voix la plus basse et dure d’elle dont elle était capable.

Le buisson bougea à nouveau.

« Je vous entends, je sais que vous êtes là, autant sortir. Ça m’évitera de vous faire du mal, » dit-elle en mettant sa main libre dans son panier.

Elle bluffait. La chose la plus dangereuse qu’elle avait là-dedans était une miche de pain. D’accord, sa mère fabriquait le pain le plus dur et moins appétissant du village, mais tout ce qu’elle pouvait faire avec serait de l’encourager à le manger et de se casser une dent dessus.

« Je ne le dirais qu’une seule fois. Sortez et je ne vous ferais pas de mal. »

À la déception de Red, le buisson bougea en réponse. Elle espérait toujours que ce soir un lapin ou un oiseau. Malheureusement, quoi que ce soit, c’était gros, et probablement dangereux.

« Allez, laissez-moi vous voir ! » Ordonna-t-elle alors que les bruits changeaient.

Quoi que ce soit, c’était proche et ça se rapprochait encore. Le cœur de Red s’accéléra alors qu’elle commençait à douter de ce qu’elle venait de faire.

« Allez. Ne me forcez pas à vous lancer une hache entre les deux yeux. »

Le bruit s’arrêta. Il avait compris. Qu’est-ce que c’était ? Un loup ou autre chose ?

Attendez, elle avait vu quelque chose. Elle le repéra, entre les branches au bord du chemin, à cinq mètres d’elle. Ce n’était pas un loup, mais une personne.

« Vous êtes assez près, » dit Red. « À présent, entrez dans la clairière afin que je puisse vous voir. »

La personne ne bougea pas.

« Maintenant ! » aboya Red.

La personne obéit. En un geste fluide, elle se retrouva lentement devant elle, sur le chemin. Red en fut bouche bée. Qu’est-ce qu’elle regardait exactement ? Elle n’arrivait pas à le savoir, elle n’arrivait pas à croire ce qu’elle voyait.

« Vous êtes nu, » dit Red au jeune homme se trouvant devant elle.

L’homme ne bougea pas. Il la regardait, n’ayant l’air ni menaçant ni de réaliser sa nudité. Il restait juste là, sans bouger, comme s’il était habillé au milieu du village.

Plus le jeune homme restait silencieux. Plus cela perturbait Red. Ce n’était pas vraiment de la colère, mais elle sentait une tension monter. Ayant grandi uniquement avec sa mère, elle n’avait jamais vu d’homme nu. Elle avait toujours voulu savoir ce qui se cachait derrière la bosse qui se trouvait à leur entrejambe et elle se trouvait devant l’opportunité rêvée. Est-ce qu’elle pouvait regarder ? Est-ce qu’elle pouvait vraiment s’en empêcher ?

Red regarda le visage du jeune homme le plus longtemps possible. Il semblait être juste un peu plus âgé qu’elle. Malgré ça, il n’avait pas de barbe. Est-ce qu’il aurait des poils sur le torse ?

Elle perdit la bataille et baissa le regard. Non. Son torse était large et puissant, mais imberbe. Il était taillé comme un homme adulte. Ses pectoraux étaient larges et… Ses yeux se baissèrent pour le confirmer… De son estomac émanait de la force. L’étranger était surement le plus bel homme qu’elle ait jamais vu.

Son visage, sa poitrine, tout son corps fut envahi d’une vague de chaleur. Qu’est-ce qui lui arrivait ? Elle avait l’impression d’avoir le souffle court. Encore pire, elle avait besoin de regarder. Tout en elle lui intimait de continuer à baisser les yeux. Qu’est-ce que c’était que ça ? Que venait-elle de voir ? Pourquoi est-ce qu’elle avait désespérément envie de regarder à nouveau ?

« Qui êtes-vous ? » Cria-t-elle, faisant de son mieux pour ne pas regarder à nouveau.

Le jeune homme ouvrit la bouche, mais la referma sans rien dire.

« Vous n’avez pas de nom ? Ou de… Vêtements ? »

Pour la première fois, quelque chose changea dans ses yeux. Était-ce une lueur de tristesse ? Gêne ? Quoi que ce soit, cela donnait à Red de la compassion pour le garçon. Elle voulait se rapprocher de lui. Elle voulait s’occuper de lui.

« Et bien tu ne peux pas rester là dans cet état. Tiens, enfile ça. »

Sans réfléchir, Red posa son panier au sol et détacha la chaine qui tenait son chaperon en place. Elle le retira de ses épaules et s’approcha du garçon. Son immobilité la poussa à avancer. Il ne réagit pas du tout à son approche, donc lorsqu’elle s’arrêta près de lui, elle eut l’impression qu’elle pourrait le prendre dans ses bras sans qu’il bouge d’un centimètre.

« Tiens, » dit-elle. « Mets ça. »

La main de Red toucha son épaule alors qu’elle passait le chaperon autour de lui. Son cœur se serra lorsqu’elle réalisa qu’elle pouvait le sentir. Il avait une odeur un peu terreuse qui était enivrante. Elle la faisait trembler. Elle pouvait sentir la chaleur émaner de son corps nu et l’envelopper. Il lui fallut toute sa volonté pour ne pas poser les mains sur son corps puissant et presser son corps tremblant contre le sien.

« Voilà, » dit-elle en refermant chaque côté du manteau devant lui. « Tu es présentable à présent. »

« Merci. » Répondit-il, comme s’il venait de se souvenir qu’il pouvait parler.

« Tu sais parler ? Je commençais à me dire que tu étais une sorte d’animal sauvage qui avait appris à marcher sur ses pattes arrière, » dit-elle en souriant.

« Un animal sauvage ? » Demanda-t-il, semblant reprendre ses esprits.

« Maintenant qu’il était couvert et pouvait parler, Red se reprit rapidement. « Tu n’es pas un animal sauvage, pas vrai ? Tu as un nom ? »

« Nom ? Oui. Je m’appelle Vetem, mais on me surnomme Tem. »

« Et bien je suis Redina, mais les gens m’appellent Red. »

« Bonjour Red. »,

Tem regarda Red dans les yeux et sourit. C’était une vision agréable qui fit se serrer le cœur de Red.

« Alors Tem, est-ce qu’il y a une explication au fait que tu te promènes nu dans les bois ? »

« Nu ? » Dit-il en baissant les yeux. « Je porte ça. »

« Oui, maintenant. Je parlais d’avant. Est-ce que tu te promenais sans rien sur le dos ? »

« Oui, » répondit Tem sans se rendre compte du ridicule de la situation.

« Très bien. Alors peut-être que tu devrais éviter de te cacher dans des buissons alors que des gens se promènent. On pourrait te confondre avec un loup et tu pourrais recevoir une flèche dans la gorge avant d’avoir pu t’expliquer. »

« Un loup ? »

« Tu n’en as pas entendu parler ? On a repéré des loups dans les bois près de la rivière. »

« Tu as peur des loups ? »

« Je n’ai peur de rien, » répondit Red sur un ton de défi.

« De rien ? »

Alors que Red lançait sa poitrine en avant tout en tirant les épaules en arrière pour répondre, Tem détourna son attention d’elle en direction du chemin se trouvant derrière elle. Ce geste la fit s’arrêter.

« Quoi ? » Demanda-t-elle, voyant de l’inquiétude apparaitre sur son visage. Se tournant pour voir ce qu’il regardait, elle entendit les buissons devant elle bouger. Quand elle se retourna, il avait disparu.

« Tem ? Attends, ne pars pas. Tem ? Tem, tu as mon chaperon ! » S’exclama-t-elle en courant vers l’endroit où il se trouvait. « J’ai besoin de récupérer mon chaperon. »

En réponse, un cri retentit derrière elle. « Red ! Red, c’est toi ? »

Red arrêta de chercher Tem et retourna sur le chemin.

« Hunter ? C’est toi ? »

« C’est moi Red. À qui parlais-tu ? »

« Il y avait un homme. Qu’est-ce que tu fais ici ? Tu me suivais ? »

« Te suivre ? Pourquoi est-ce que je ferais ça ? » Dit Hunter en riant alors qu’il entra dans son champ de vision. Il était habillé comme pour une longue chasse.

« Je ne sais pas. Je ne sais jamais pourquoi les hommes font la plupart des choses qu’ils font. »

« Et bien Red, je peux t’assurer que ce n’est pas parce que je te suis que je suis là, » dit-il avec un grand sourire.

Red se sentit gênée de l’avoir accusé. Elle savait qu’il ne lui avait jamais donné de raison de se méfier de lui. En fait, il avait toujours été très gentil avec elle. Si ce n’était pas pour la règle très stricte de sa mère disant qu’elle ne pourrait épouser qu’un noble, elle aurait pu considérer épouser Hunter. Il avait certainement provoqué assez d’intérêt en elle pour lancer la réflexion.

« Tu as raison. Je peux voir que tu es habillé pour travailler. »

« Et je peux voir que tu es à peine habillée. »

« De quoi parles-tu ? Je suis habillée comme une jeune fille convenable. »

« Bien sûr. Au temps pour moi. C’est juste que je ne t’avais jamais vu sans ton chaperon. Tu es quasiment nue. Qu’est-ce que dirait ta mère ? Quel scandale ! »

« Et bien mon chaperon n’est pas attaché à ma personne. Peut-être que je l’ai laissé à la maison pour ne pas le salir durant ma promenade. Tu y as pensé ? » Demanda Red, sur la défensive.

Hunter leva les mains et éclata de rire. « Je suis désolé. Je ne voulais pas t’offenser. Je plaisantais, c’est tout. En plus je t’aime bien sans ce manteau. Ça permet de voir… »

Red mit les mains sur les hanches, attendant, alors que sa colère montait, de voir ce qu’il allait dire ensuite. « Qu’est-ce que ça permet de voir ? »

« Ton merveilleux tempérament, Red. Sans ton manteau, ton merveilleux tempérament visible pour tout le monde. Et quel tempérament ! » Dit-il en faisant une petite révérence avec un sourire malicieux.

« Je vois. »

Se sentant plus joueuse que d’habitude, Red se calma et se baissa pour récupérer son panier. Où que soit Tem, ce n’était pas ici et il avait son chaperon. Elle aurait besoin de le retrouver et n’avait pas envie d’expliquer comme elle l’avait perdu.

« Alors, qu’est-ce que tu fais dans le coin ? Le bon gibier n’est pas vers la rivière ? »

« Les loups ? C’est ce qu’ils disent. Et c’est là que tous ceux qui possèdent un arc ou une épée iron. Mais je suis le meilleur dans mon domaine parce que je ne pense pas comme tout le monde. »

« Tu penses que les loups sont par ici ? »

« C’est là que sont les cerfs donc ça serait logique. Et si je ne peux pas obtenir de récompense royale pour la tête d’un loup, je pourrais peut-être trouver un cerf pour les cuisines royales. »

« Tu sembles avoir tout prévu, » reconnu Red.

« En effet. Et toi ? Tu es en chemin pour aller chez ta grand-mère ? »

« Ma mère voulait que je lui amène du pain qu’elle lui avait préparé. »

« Elle en veut à ta grand-mère ou quoi ? »

« Ma mère n’est pas une si mauvaise boulangère, » répondit Red, ayant l’impression de devoir défendre sa mère.

« Red, ta mère est une très belle femme, tu es probablement la seule à être plus jolie. Et je suis sûr qu’elle a beaucoup d’autres qualités. Mais la boulangerie et la cuisine n’en font pas partie. »

Red fut sur le point de s’en prendre à Hunter en l’entendant suggérer une telle chose, mais ne put jouer le jeu plus longtemps. « À qui est-ce que je fais faire croire ça ? Tu as raison. Quoi qu’il en soit, elle m’a envoyé donner du pain à ma grand-mère donc je fais ce que font toutes les bonnes filles. »

« En passant dans des bois infestés de loups. Rien de moins. Tu feras une épouse formidable. »

« Est-ce que tu es en train de dire que l’obéissance est la qualité d’une bonne femme ? »

« Red, je n’ai rien dit de tel ! Je disais simplement que… » Hunter fit une pause. « Je t’ai déjà complimenté pour ton adorable tempérament ? »

Red lui lança un regard mauvais et reprit son panier. « Je vais me remettre en route. »

« J’espère ne pas t’avoir offensé. Dit Hunter, rattrapant Red alors qu’elle avançait le long du chemin.

« Je crois que tu as été très clair. Je ne veux pas t’exposer trop longtemps à mon tempérament. Tu pourrais mourir de joie. »

« Je vais prendre le risque. »

« Tu peux marcher sur le chemin que tu veux, mais j’ai fini de te parler pour aujourd’hui, » dit-elle d’un ton ferme.

« Alors ce fut un plaisir de parler avec toi. J’attendrais avec impatience de pouvoir recommencer. » Dit-il avec un sourire et une révérence avant de continuer à marcher à ses côtés.

Ils marchèrent tous les deux en silence pendant une heure. Au début Red était contrarié, mais le geste d’Hunter finit par la conquérir. Elle n’était pas vraiment en colère contre lui et n’aurait pas dû se défouler sur lui. Elle était en colère contre elle-même d’avoir perdu son chaperon rouge. Sa mère serait très fâchée lorsqu’elle le découvrirait.

En même temps, Red était un peu heureuse de le savoir disparu. Hunter avait raison, elle n’allait nulle part sans. Elle ne voulait pas le porter si souvent, mais sa mère l’y obligeait. Cela faisait partie du plan de sa mère pour la faire épouser un noble.

Red avait toujours détesté ce plan. Mais malgré tous ses défauts, Red avait une qualité, elle était une fille obéissante… La plupart du temps. Ou du moins, de ce qu’en savait sa mère.

La maison de sa grand-mère n’étant plus très loin, Hunter s’arrêta. Le changement surpris Red. Elle se demandait jusqu’où il prévoyait d’aller. Il s’avérait que même lui avait ses limites. Mais même s’il ne continua pas sur le chemin, il resta pourtant en vue.

Ne disant toujours rien, il regarda Red s’approcher de la morte de sa grand-mère, frapper et se faire accueillir.

« Red, qu’est-ce que tu fais ici ? » Demanda sa grand-mère, moins excitée de voir sa seule petite-fille que ce à quoi se serait attendue Red de la part d’une femme vivant seule au milieu de nulle part. Mais à nouveau, sa grand-mère faisait rarement ce à quoi s’attendait Red.

« Maman voulait que je t’amène quelques provisions. »

« Qui est ce bel homme qui t’escorte ? »

Red regarda à nouveau Hunter. Sa grand-mère avait raison. Dans une certaine lumière, il était très beau. « Juste quelqu’un du village que je connais. Je l’ai croisé sur le chemin et je suppose qu’il a voulu m’accompagner pour s’assurer que j’arrive en un seul morceau. »

Sa grand-mère regarda Hunter qui lui rendit. « Je crois que tu lui plais. Je parie qu’il serait un très bon amant. »

« Grand-mère ! » Dit Red choquée.

« Il semble être fort. La dernière chose que tu veuilles est un homme faible. Tu veux un homme qui te fera savoir qu’il est le maitre dans la chambre à coucher. »

« Grand-mère ! » Dit Red, devenant rose vif !

« Je devrais peut-être l’inviter à entrer. »

« Hors de question. Absolument pas ! » Dit Red poussant sa grand-mère à l’intérieur et fermant la porte derrière elle.

Avant qu’elle ne le fasse, elle regarda Hunter une dernière fois. Elle le vit faire une petite révérence. Red ferma la porte avant de le voir se redresser. Hunter était définitivement un homme fort. Est-ce ce qui était exigé dans la chambre à coucher ?

Red n’était pas certaine de connaitre tous les détails à ce propos. Comme tous les autres enfants du village, elle avait vu des animaux durant la saison des amours. Mais cela ne lui avait pas donné d’idées sur ce à quoi les choses ressembleraient lorsqu’elle et son mari se lanceraient dans ce projet.

« Alors, ta mère m’envoie du pain, hein ? » Dit sa grand-mère d’un ton soupçonneux. « Est-ce qu’elle m’a envoyé autre chose ? »

« Juste un mot, » dit Red, tendant le panier à pain.

Sortant l’une des miches, elle la frappa contre la table. Le pain était dur comme de la pierre. Elle regarda Red qui haussa les épaules.

Se retournant vers le panier, sa grand-mère prit le mot. Elle le déplia et le lut.

« Tu l’as lu ? » Demanda sa grand-mère.

« Non-grand-mère, il était pour toi. »

Sa grand-mère lança un regard soupçonneux à Red puis écarta le panier sur le côté.

« Considérant à quel point tu es arrivé tard, j’imagine que tu resteras là ce soir ? »

« Ça pose problème ? » Demanda Red, incapable de deviner ce qu’une vieille dame qui vivait seule pourrait faire d’autre de son temps.

« Non, ce n’est rien. Mais tu devras partir au matin. »

« D’accord grand-mère. Je partirais demain matin. »

À cet instant, Red était plus que perdue, elle était sous le choc. Elle était venue plusieurs fois chez sa grand-mère et elle ne s’était jamais comportée ainsi. Est-ce que Red avait fait quelque chose de mal ? Red tenait beaucoup à sa grand-mère. La dernière chose qu’elle voulait était de la contrarier.

« D’accord, je peux voir que je te contrarie, » dit sa grand-mère.

« Non, grand-mère, ça va. »

« Ça ne va clairement pas. »

Sa grand-mère la regarda avec un air perçant qui lui donna envie de pleurer. Elle n’avait pas voulu contrarier sa grand-mère. Peut-être qu’elle devrait partir tout de suite.

« D’accord, je t’ai contrariée. Viens. Assieds-toi. Tu peux rester cette nuit. C’est juste que… » La grand-mère de Red baissa les yeux. Elle sembla se figer un instant puis regarda Red intensément.

« Quel âge as-tu à présent Redina ? »

« 18 ans. »

« Alors tu es une femme. »

« En effet, » dit Red essuyant les larmes de ses yeux.

« Il est pour moi de partager un secret avec toi. »

« Un secret ? À quel sujet ? »

« Un secret sur ta vraie identité. »

« Hein ? Comment ça ? »

« Plus que ce que tu penses, » dit sa grand-mère la laissant s’associer au milieu du suspense.

 

 

Chapitre 2

Red

 

Red fit le tour du petit chalet et finit par s’assoir sur l’une des deux chaises de la table à manger. Elle regarda sa grand-mère faire du thé en admirant sa façon de bouger. Elle ne voyait presque jamais sa grand-mère avec les cheveux détachés, et ce ne fut qu’à l’instant que Red réalisa à quel point elle était belle.

Contrairement à d’autres grand-mères du village, les cheveux de la sienne étaient d’un noir de jais avec une très légère touche de gris. Elle était aussi une femme plus voluptueuse que les autres grand-mères. Mais elle n’était pas voluptueuse de partout, juste les parties qui la rendaient féminine. Red était envieuse de sa beauté vieillissante et se sentait fière de se dire qu’elle pourrait lui ressembler un jour.

« Qu’est-ce que ta mère t’a dit à propos de son père ? » Demanda sa grand-mère en posant une tasse de thé et une tartine de beurre devant elle.

Red repensa à l’histoire souvent entendue de la chute de sa famille.

« Elle m’a dit que son père était un riche propriétaire terrien qui est mort. Mais, parce qu’il n’avait pas de fils, ses terres furent volées par le roi. Elle dit que c’est pour ça qu’elle veut que j’épouse un noble. Pour que nous puissions retrouver notre place dans la société royale. »

La grand-mère de Red la regarda avec un air sévère avant de se concentrer sur son thé. « L’histoire de ta mère ferait de moi le pire type d’être humain si elle était vraie. Et ferait d’elle une abomination. »Red était choquée par la réponse de sa grand-mère. « Pourquoi grand-mère ? Je ne comprends pas. »

Sa grand-mère s’appuya contre sa chaise et se tourna brièvement vers le feu brulant. Elle réfléchit bien à ses prochaines paroles avant de se détendre comme si elle se soulageait de secrets vieux de trente ans.

« Ta mère voudrait que ce soit ce qui s’est passé, mais ce n’est certainement pas le cas. Ce n’était pas le père de ta mère qui était un riche propriétaire, c’était son grand-père. Mon père. Lorsque j’étais enfant, nous vivions dans une magnifique maison surplombant les hectares de terrain qui possédaient mon père. Il avait hérité cela de son père qui en avait hérité de son père avant lui. 

« Alors que lui est-il arrivé ? » Demanda Red, repensant à son enfance dans un milieu très humble.

« Je suis arrivée… Ainsi que ton grand-père, » dit sa grand-mère, d’un ton sans regret.

« Comment ça ? »

« Les femmes de notre famille ne sont pas comme les autres femmes apeurées et prudes qui t’entourent. Nous sommes nées avec le feu, avec le désir ! »

« Grand-mère ! »

« Le désir Redina. N’aie pas peur de le dire. Ce ne sont que les hypocrites conservateurs qui espèrent te contrôler et te le voler qui te diront le contraire. Ne les crois jamais quand ils te diront que les pouvoirs de ta féminité sont mauvais. Ne t’occupe jamais d’eux, » dit-elle furieusement. « Dis-le, Redina ! Dis que tu ne laisseras pas leurs idées rétrogrades contrôler ton pouvoir. »

« Je ne les laisserais pas contrôler mon pouvoir, » dit Red obéissant un peu à contrecœur.

« C’est une bonne chose. Car une fois qu’ils contrôlent ton esprit, ils contrôlent ton corps. Et qu’est-ce qu’une personne qui ne contrôle pas son corps ? Une esclave. Les femmes de cette famille, ma chère Redina, ne sont les esclaves de personne. »

Depuis toutes les années qu’elle rendait visite à sa grand-mère, elle ne l’avait jamais entendu parler ainsi. Elle n’avait jamais été timide, mais il s’agissait à présent d’une femme de caractère qui était bien plus en vie que toutes les personnes que Red ait rencontrées.

« Je ne comprends pas grand-mère. Qu’est-ce que cela a à voir avec ton mari, mon grand-père ? »

« Pour commencer, il n’était pas mon mari. Ta mère aimerait que les gens le croient, car cela signifierait qu’elle pourrait rester une dame de bonne société. Mais ce n’est pas qui il était. Ton grand-père était un écuyer, à peine plus âgé que moi. Lorsque je l’ai vu pour la première fois, il a mis mon corps dans tous mes états. J’avais l’impression d’ouvrir les yeux pour la première fois grâce à lui. Je suis tombée amoureuse de lui. Du moins c’est ce que je pensais. Et nous avons fait l’amour encore et encore. Mon père voulait croire qu’il était responsable de notre passion, mais ce n’était pas le cas. En fait, il était assez timide. C’était moi qui l’ai séduit. C’est moi qui ai pris sa main la première et l’ai posée sur ma poitrine. Et c’est moi qui l’ai déshabillé et ai exploré son corps avec le mien. »

« Je ne sais pas depuis combien de temps j’étais enceinte de ta mère lorsque je m’en suis rendu compte. Ma mère était morte dix ans plus tôt et les femmes qui s’occupaient de notre maison le savaient probablement, mais n’osaient pas le dire à mon père. Non, mon père ne sut rien jusqu’au jour où j’ai donné naissance à ta mère. Il fut choqué, puis en colère, mais finit par l’accepter. »

« Il envoya mon amant au loin bien sûr. Mon père le tenait responsable de tout. Ma peur était qu’il le batte à mort. Je priais que cela n’arrive pas. Il ne méritait pas ça. Il était doux et gentil. La seule chose dont il était coupable était d’avoir succombé à mes charmes. »

« Grand-mère, c’est trop triste. »

« C’est la vie ma chérie, » dit-elle avec un ton aussi triste qu’à l’époque.

« Mais lorsque mon amant a été envoyé au loin, je me suis rapidement résignée au fait que le passé était le passé. Je devrais m’occuper de ta mère à présent. Ce ne fut pas dur, à l’époque ta mère était aussi douce et gentille qu’une poupée. Mon père avait suggéré une fois que je l’abandonne. Je n’aurais jamais pu m’y résoudre. Je l’aimais trop. »

« Il y eut des conséquences à cette décision cependant. Et je les ai découvertes dès que mon père tomba malade. Lui et moi avions tous les deux reconnu sa toux. C’était la même qui avait emporté ma mère. »

« Nous avons prié pour son rétablissement, mais nous savions tous les deux où cela finirait par le moment. C’est alors que mon père a tenté de me marier. Mais aucun fils de noble ne voulait épouser une jeune fille de seize ans avec un enfant. »

« Lorsqu’il devint clair qu’il ne pourrait me trouver un mari, il commença à vendre sa terre. Comme te l’a dit ta mère, les femmes ne peuvent hériter de propriétés donc tout ce qu’il pouvait me donner était de l’or. »

« Il put vendre ses premières parcelles de terre pour un prix honnête. Mais très rapidement, les acheteurs se rendirent compte qu’il voulait désespérément vendre. Il finit par vendre ce qu’il pouvait pour une fraction du prix. Il mourut peu après ça. Et, les jours suivants, les hommes du roi vinrent et nous jetèrent ta mère et moi hors de la seule maison que nous ayons jamais connue. »

« C’est tellement injuste ! » s’exclama Red. 

« Telle est la place des femmes dans ce monde. Mais nous sommes fortes. Nous survivons. J’ai survécu. Et j’avais l’or de mon père. Cela suffit pour acheter la maison où tu vis à présent et pour élever ta mère comme l’adorable enfant que j’ai toujours su qu’elle était. »

« Mais ta mère avait le même désir que moi. Et lorsqu’elle a rencontré ton père, elle a succombé à la même passion que moi. »

« Est-ce que maman a dit la vérité à propos de mon père ? » Demanda Red, ne sachant plus quoi croire.

« Je ne sais pas ce que ta mère t’a dit à son sujet. Mais de ce que je peux en dire, il était un homme d’à peu près l’âge de ta mère. Comme ton grand-père et moi, ton père et ta mère s’aimaient. Elle eut le cœur brisé quand il partit et ne revint jamais. Certaines personnes disent qu’il a été tué durant les premières chasses au loup royales. Mais je pense plutôt qu’il n’était pas prêt à être père à seize ans. »

« Donc tu penses qu’il est parti ? »

« Je pense que c’est ce que font beaucoup d’hommes. »

Red regarda sa grand-mère, sonnée parce qu’elle venait d’entendre. Qui étaient les personnes qu’elle décrivait ? Aucune d’entre elles ne ressemblait aux femmes qu’elle avait connues toute sa vie durant. Et qui était la personne qu’elle décrivait comme étant sa mère ? Red avait imaginé que sa mère n’avait jamais été amoureuse de sa vie. Comment est-ce qu’une personne aussi froide pouvait l’avoir été ?

« Donc mon père a abandonné ma mère ? » Demanda Red, essayant de comprendre.

« C’est ce que je crois. »

« C’est pour ça qu’elle croit que je ne peux pas me marier par amour ? »

« Agir par amour est ce que les femmes de notre famille ont fait pendant des générations. Je pense qu’elle croit que si elle peut te vendre à quelqu’un de descendance royale, cela changera ton destin. Je pense que c’est pour ça qu’elle te pousse à porter mon chaperon en permanence ? »

« Ton chaperon ? » Demanda Red, brusquement nerveuse.

« Oui. Où est-il au fait ? Je ne me souviens pas t’avoir vue sans depuis que tu es assez grande pour le porter. »

Red se mit à rougir. Elle regarda sa grand-mère en se souvenant de qui lui était arrivé.

Elle l’avait mis autour du corps nu d’un bel homme qui s’était enfui dans les bois avec.

« Je l’ai laissé à la maison, » mentit Red. « C’est ton père qui te l’avait donné ? »

« Oui. C’est le tout dernier cadeau qu’il m’ait fait. Vers la fin, l’un des voleurs de terre a proposé ce chaperon à mon père contre ses dernières terres. C’était une injustice, bien sûr, et tout le monde le savait, mais puisque je ne pouvais hériter de rien d’autre, mon père s’est dit que si j’avais le chaperon, son savoir-faire apparent indiquerait mon origine noble et qu’il suffirait à me faire gagner le cœur de quelqu’un qui pourrait s’occuper de moi. »

« Ce n’était pas une pensée déraisonnable. Mais après sa mort, je ne pus me résoudre à le porter. Je n’arrivais même pas à regarder ta mère avec. Mais ta mère en a hérité quand je suis venue habitée ici et que je l’ai laissé. Je suppose qu’elle a eu la même idée que mon père, mais qu’à la place ce serait toi qui te marierais. »

« Je l’ignorais complètement. » Dit Red, sous le choc. « Je ne savais pas l’importance que le chaperon avait pour notre famille. »

« Il semblerait que tu ignores beaucoup de choses. J’en veux à ta mère pour ça. »

Red fut envahie d’une multitude de pensées et de sentiments contradictoires. De la culpabilité, de la honte, de la compréhension. Tout cela se mélangeait dans sa tête et lui faisait mal au crâne.

« Et, sais-tu pourquoi je suis venue vivre ici et vous ait laissés ta mère et toi ? » Demanda sa grand-mère avec un début de sourire.

« Non, pourquoi ? » Demanda-t-elle, ayant presque peur de la réponse.

« Je peux voir ton regard Redina. C’est une bonne chose. C’est une preuve de force. C’est parce que je savais que tant que je vivrais dans le village, je devrais me soumettre à leurs règles. J’aurais dû devenir la petite vieille destinée à se dessécher. Mais, ici, je pourrais être la femme que j’étais destinée à être. Ici, je pourrais avoir un amant. Autant d’amants que je voudrais… Ce que j’ai fait. »

« Ta grand-mère a plus vécu durant ces dernières années que toutes les autres combinées. Et demain soir, alors que la lune se remplira, mon amant viendra me rendre visite, » dit-elle avec un sourire sincère. « Et nous ferons passionnément l’amour. »

Red ne savait pas quoi penser de tout ça. Aussi belle que soit sa grand-mère, elle restait une femme âgée. Elle devait avoir au moins 50 ans voir 55. Est-ce que les femmes pensaient toujours au sexe à un âge si avancé ? Ou, est-ce que sa grand-mère souffrait d’une sorte de malédiction ?

L’histoire de la grand-mère de Red s’arrêtait là. Elles ne dirent pas grand-chose de plus durant la soirée. Le silence ne dérangeait pas Red, surtout considérant à quel point elle était perdue. Tellement de choses qu’elle avait crues à propos de son père ou de sa famille avaient changé en si peu de temps. Il était dur pour elle de tout remettre en ordre.

Alors que sa grand-mère et elle allèrent se mettre dans leur lit commun, Red pensa à l’autre chose qu’elle avait apprise ce soir. Son chaperon n’était pas juste un outil que sa mère utilisait pour la marier. C’était un objet de famille donné à sa grand-mère par son arrière-grand-père. Cela devait être l’objet avec la plus grande valeur sentimentale que possédait sa famille. Elle devait le récupérer. Mais comment ?

Ou est-ce que Tem, le garçon nu qui était sorti de nulle part était allé ? Est-ce qu’il venait d’un village proche ? Elle avait été dans tous les villages avoisinants avec sa mère alors qu’elle lui cherchait un mari acceptable. Tem n’avait pas fait partie de ceux retenus. Red était sure qu’elle se serait souvenue d’un garçon qui lui ressemblait.

Allongée dans le lit bien longtemps après que sa grand-mère se soit endormie, Red osa penser à autre chose à propos de Tem. Tem avait été le premier garçon qu’elle avait vu nu. Il était tellement beau. Plus que ça, Red avait vu sa masculinité. Cette seule pensée envoyait des frissons dans son corps.

On ne lui en avait jamais parlé, mais Red avait deviné ce qu’un homme était censé en faire. Et si ce n’était pas ce que voulaient la plupart des gens, elle savait aussi ce qu’elle avait envie d’en faire. Elle voulait le sentir la toucher ses parties les plus intimes.

Comme elle l’avait souvent fait après que sa mère se soit endormie, Red baissa la main et glissa ses doigts entre ses cuisses. Sa chaire était enflée, comme souvent à ce moment de la nuit. Et comme elle le faisait souvent, elle fit bouger sa main et se caressa. C’était trop bon. Et lorsqu’elle imagina ses doigts être remplacés par le membre nu de Tem, elle sentit une sensation entre ses cuisses qui lui donna envie de se caresser encore plus fort.

Se souvenant de sa proximité avec son corps nu, son corps s’enflamma. Dans sa tête, elle lui embrassait le torse. Son odeur terreuse était agréable sur ses lèvres. Sentant son baiser, il serra son corps léger avec force et la tire vers lui.

Red était à présent nue dans son rêve. Elle sentit Tem pousser son membre contre sa chaire douce. Cela lui envoya des décharges électriques dans le corps. Il prit ses mains dans les siennes et les embrassa. Même si elle avait voulu s’échapper, elle n’y serait pas arrivée. Il était une bête sauvage et profiterait d’elle qu’elle le veuille ou non.

Sentant le membre de Tem se frotter contre elle, Red augmenta encore la cadence de ses caresses. Cela devenait douloureux, mais une douleur agréable. Ses jambes tremblèrent lorsqu’elle les toucha. Et alors qu’elle serrait les lèvres, tentant de ne pas hurler de plaisir, un frisson chaotique explosa en elle, faisant s’arquer ses jambes et serrer les orteils.

Sa grand-mère bougea et Red se figea. Mais pas avant qu’une sensation inconnue ne s’empare d’elle et ne lui donne l’impression qu’elle allait s’évanouir. LA sensation était délicieuse. Et alors que l’extase disparaissait lentement et qu’elle s’endormait, elle imagina Tem allongé à ses côtés. Ce devait être ce que sa grand-mère avait ressenti avec son amant écuyer.

Red ne comprenait pas toute l’histoire que sa grand-mère lui avait racontée, mais elle comprenait désormais ceci : les femmes de sa famille avaient du désir et de la passion. Le nier serait nier ce qu’elles étaient autant que l’avait fait sa mère.

Peut-être que Tem était l’homme avec qui Red était destinée à être. Peut-être qu’elle raconterait cette histoire à ses propres petits-enfants quand elle serait aussi vieille.

 

 

Chapitre 3

Red

 

Le lendemain matin, Red se réveilla alors que sa grand-mère sortait du lit. Sans montrer qu’elle était éveillée, Red l’observa. Sa grand-mère se comportait différemment. Elle semblait presque impatiente dans ses mouvements et Red ne pouvait s’empêcher d’avoir l’impression d’être une intruse dans la vie de sa grand-mère.

Est-ce que c’était à cause de l’arrivée de son amant ? Red ne le savait, mais elle se sentait obligée de lui laisser un peu d’espace.

« Tu es réveillée ? » Demanda sa grand-mère lorsqu’elle vit qu’elle avait ouvert les yeux.

Red s’étira en réponse.

« Je t’ai préparé un petit-déjeuner que tu pourras emmener sur le chemin du retour. »

« Merci, grand-mère, » dit Red, surprise de se voir mise dehors.

« J’ai décidé de te donner les dernières pièces d’or que je donnerais à ta mère. C’est la moitié de ce qu’il me reste et tu peux lui dire que je ne lui en donnerais plus. Si elle a besoin de plus elle peut trouver un travail pour en gagner, mais de mon côté j’ai fini de lui en donner. »

Red réfléchit au message. Il n’allait pas plaire à sa mère. Sa mère détestait l’idée de devoir travailler et méprisait les femmes qui le faisaient. Sa mère ne l’avouerait jamais en public, mais en privé, elle avait clairement donné son opinion à ce sujet.

« Merci, grand-mère, je lui passerais le message. »

Sortie du lit et devant la porte, Red marcha jusqu’au bout du chemin puis se retourna pour regarder le chalet. Alors qu’elle faisait ça, elle vit sa grand-mère la regarder par la fenêtre. Elle se comportait de façon étrange, très étrange même.

Reprenant son trajet vers la maison, Red réfléchit à toutes les choses qu’elle avait apprises la nuit précédente. Sa mère lui avait fait croire que son grand-père était un homme important et que le père de Red était un jeune homme important avec du potentiel. Rien de tout ça n’était vrai. Red venait d’une lignée d’écuyers et de garçons qui avaient fui leurs obligations. Sachant ça, se marier avec un chasseur était un progrès.

Red repensa à nouveau à Hunter. Est-ce qu’elle aurait souhaité lui dire ce qui était arrivé à son chaperon ? Si elle lui avait dit, il aurait pu le chercher.

Red y pensa encore. Peut-être qu’elle aurait dû. Quoi qu’il en soit, elle allait peut-être devoir lui demander son aide quand même. Elle allait simplement devoir attendre qu’il rentre de sa chasse dans quelques jours.

Ou, encore mieux, peut-être que Tem attendrait quelque part de la retrouver et qu’elle n’aurait pas besoin de l’aide d’Hunter après tout. Reprenant espoir, elle s’approcha de l’endroit. Son cœur se serra quand elle vit qu’il n’était pas là.

« Tem ? » Appela Red. « Tem ? Tu es là ? »

Il n’y eut pas de réponse. Qu’est-ce que Red était censé faire ? Elle pouvait errer dans les bois pour tenter de le retrouver, mais si elle tombait sur un voleur qui lui prendrait son argent ? Le risque était trop important. Sa mère se mettrait peut-être en colère si elle rentrait sans son chaperon, mais elle serait furieuse si elle perdait l’or de sa grand-mère.

Red cria une dernière fois avant de continuer son trajet retour. Elle arriva sans avoir mangé son petit-déjeuner et entra dans le village alors que les activités matinales commençaient à se lancer vraiment. Des femmes banales lavaient des vêtements. Des garçons ne faisaient pas attention à ce que disait leur maitre alors qu’il les emmenait dans un jardin. Et des fermiers arrivaient en ville pour récupérer des provisions et vendre une partie de leurs réserves hivernales.

Red essaya d’imaginer ce que sa mère ferait pour gagner sa vie dans ce groupe. La seule chose qu’elle avait à vendre était sa beauté. Mais, avec son attitude froide, elle ferait une terrible compagne de bar.

Ce qui intriguait Red était de savoir si sa mère ne la ferait pas travailler à sa place. Sa mère avait toujours dit que les nobles ne voulaient pas de mendiants comme époux. Et c’était ainsi que sa mère voyait les femmes qui travaillaient. Comme des mendiantes.

Ce n’était pas la vision de Red ceci dit. En fait, c’était même l’opposé. Red voyait un début de liberté dans la capacité à gagner sa vie soi-même. Qui voulait complètement dépendre d’un homme ?

Bien sûr, ayant grandi sans père, elle pouvait voir leur utilité. Mais elle en avait vu suffisamment tituber ou même être jeté hors du bar. Mais Red savait qu’un jour, son futur serait entre ses propres mains. Elle attendait cela avec impatience. Et, en attendant ce moment, elle serait une gentille fille et ferait ce que sa mère lui dirait.

« Mère ? » Appela Red alors qu’elle passa la porte d’entrée.

Leur maison n’était pas très grande, mais plus que de nombreuses autres dans le village. Contrairement à la plupart, leur maison avait deux chambres séparées. Elles n’étaient pas grandes, mais la porte empêchait l’odeur de la cuisine d’imprégner leurs habits.

« Mère ? »

« Redina ? » Répondit sa mère depuis l’extérieur. La femme à l’air sévère approcha rapidement. « Redina où est ton chaperon ? Qu’est-ce que tu fais sans ? »

Red s’attendait à la question, mais pas à ce que ce soit la première phrase qu’elle prononce.

« Je l’ai laissé chez grand-mère. J’avais fait la moitié du chemin avant de réaliser que je l’avais oublié. Les matinées deviennent de plus en plus chaudes. »

Sa mère la regarda en fronçant les sourcils. « Tu ne peux pas le laisser trainer n’importe où, » la gronda-t-elle.

« Je sais mère. J’ai juste oublié. C’est tout. »

« Tu vas devoir aller le récupérer. »

« Grand-mère semblait très occupée. J’y retournerais dans une semaine quand elle sera moins occupée. »

« C’est ridicule. Elle vit seule. Qu’est-ce qu’elle pourrait avoir à faire ? »

« Je crois que grand-mère attend un invité, » dit Red, en observant sa mère avec attention, jugeant sa réaction.

Sa mère fit une pause et dévisagea Red. Sa mère était momentanément muette. « Ma mère n’attend pas d’invitée. JE ne sais pas qui t’a dit ça, mais ce n’est pas vrai. Ma mère n’invite personne, elle vit seule, ce serait indigne. »

« Mère, grand-mère m’a dit qu’elle… À un amant, » dit Red, cherchant à confirmer l’histoire de sa grand-mère.

« Redina, comment oses-tu dire une chose pareille à propos de ta grand-mère » dit-elle, plus effrayée qu’offensée.

« Je ne dis rien. C’est ce que grand-mère m’a dit. »

LA mère de Red serra les lèvres et redressa le dos. « Je vois. Alors je regrette de t’informer qu’il y a quelque chose dont je dois te parler à propos de ta grand-mère. J’ai tenté de te cacher ça pendant longtemps, mais elle perd lentement la tête.

« Elle dit des choses aberrantes depuis des années. Elle a dit des choses scandaleuses à propos de notre famille dans son état délirant. Tu ne peux pas croire ce que dit cette femme. C’est triste, mais c’est comme ça. »

« Grand-mère perd la tête ? »

« Bien sûr. Tu n’as pas remarqué son comportement plus tôt ? »

Red repensa à tout ce qui s’était passé lors de sa dernière visite. Tout avait été étrange. Est-ce que sa mère avait raison ? Est-ce que sa grand-mère perdait la raison ? Est-ce que la moindre chose à propos de l’histoire de leur famille était vraie ?

« Je suppose qu’elle se comportait de façon un peu étrange, » admit Red malgré elle.

« Comment ça, étrange ? »

« Elle semblait impatiente comme si elle ne voulait pas de moi. Elle m’a fait partir à peine avais-je mis un pied hors du lit. »

« Tu vois. Ta grand-mère ne va pas bien, » dit sa mère, commençant à se détendre.

« Elle m’a donné quelque chose pour toi ceci dit. »

Sa mère leva brusquement la tête. « Vraiment ? Quoi donc ? »

Red mit la main dans son panier et sortit le sac de pièces. « Elle a dit que c’était la moitié de ce qui lui restait. Elle a dit que si tu voulais plus d’argent, tu devrais trouver un travail et le gagner. »

Sa mère se figea, sous le choc. La colère prit rapidement le dessus. Elle arracha le sac des mains de Red et se mit à cracher son venin sur sa grand-mère.

« Tu vois. Elle est folle. Et ensuite elle t’a pris ton chaperon. Elle essaie de nous ruiner. Voilà ce qu’elle tente de faire. »

« Elle ne m’a pas pris mon chaperon, je t’ai dit que je l’avais oublié là-bas. »

« Comment as-tu pu l’oublier ? Tu sais à quel point ce manteau est important pour ton avenir. JE te l’ai dit un certain nombre de fois. »

« Oui, je sais. Il est fait des meilleurs matériaux et un jour, un prince viendra, me verra le porter et rendra à notre famille le statut qui nous a été volé. »

« Exactement ! Et je suis censée croire que tu l’as simplement oublié chez ta grand-mère ? C’est une folle. Elle l’a volé. »

« Elle ne l’a pas volé. »

« Dans ce cas, va le chercher. »

« Je vais le faire, dans une semaine. Je retournerais… »

« Pas dans une semaine. Tout de suite. Tu ne peux pas le laisser à cette femme. Elle pourrait la bruler ainsi que toute sa maison et elle avec. Nous devrions peut-être faire en sorte que le chef de la police vienne avec nous. Nous pourrions prendre possession de sa maison et de ses biens, cela vaudrait mieux… Avant qu’elle ne se blesse. »

Sa mère pesa le sac de pièces.

« Oui, peut-être qu’il vaudrait mieux que je parle rapidement au chef de la police. »

Red n’arrivait pas à en croire ses oreilles. Sa mère n’était pas aussi subtile qu’elle le croyait. La mère de Red voulait le reste de l’or de sa grand-mère et elle allait utiliser son chaperon manquant comme prétexte. Red ne pouvait pas la laisser faire.

« Je vous l’ai dit mère, j’ai oublié le chaperon là-bas. Grand-mère ne l’a pas pris. Elle va bien. Elle n’était pas bizarre du tout. C’était moi. Je me comportais étrangement. J’ai oublié le chaperon là-bas et c’est quelque chose que je ne fais jamais. »

Sa mère la regarda comme si cette nouvelle explication était une trahison de son nouveau plan. « Comment oses-tu ? Comment oses-tu traiter un trésor familial ainsi ? Tu sais à quel point il est important ? »

« Est-ce qu’il vaut un hectare de terrain ? » Demanda Red, se rappelant de l’histoire de sa grand-mère.

Sa mère la regarda, choquée. Son ton changea, comme si elle venait de se faire prendre. « Il vaut bien plus qu’un hectare. C’est le seul objet de valeur que m’ait laissé mon père. Et je ne te laisserais pas le laisser trainer comme s’il ne valait rien. Va le chercher. »

« Je t’ai dit que j’irais dans une semaine. »

Sa mère se dressa devant elle, aussi grand et forte qu’un ours. « Va chercher le chaperon immédiatement ! Et ne reviens pas avant de l’avoir récupéré. »

Red eut l’impression de rétrécir devant elle. « Oui, mère. »

Sans dire un mot de plus, Red posa son panier et repassa par la porte d’entrée. Elle était folle de pousser sa mère comme ça. Elle ne pouvait pas retourner à la maison sans son chaperon. C’était la pire des situations possibles.

Red suivit le chemin vers l’endroit où elle avait vu Tem pour la première fois.

« Tem ? » Appela-t-elle à nouveau. Lorsqu’elle n’eut pas de réponse, elle tira lentement les branches et entra dans les buissons.

« Tem ? » Cria-t-elle dans une direction aléatoire dans les bois.

En vérité, Red n’avait aucune idée de ce qu’elle allait faire. Elle était une habituée aux bois, mais cela faisait longtemps qu’elle n’était pas venue. Les jeunes dames ne trainent pas dans ces lieux, lui disait sa mère. Et à cause de ça, elle avait arrêté de jouer ici.

Il y avait un aspect excitant dans tout ça ceci dit. Les bois étaient pleins de vie et de sons. Des oiseaux se mirent à chanter dans les arbres et une myriade d’insectes vibra, et réagi dans les buissons. Il serait facile de se perdre en suivant un son, mais Red se souvint que la chose la plus importante à garder en tête en entrant dans les bois était de savoir comment en sortir.

 Gardant ça en tête, Red remarqua la position du soleil. Il était midi légèrement passé. Elle ne connaissait pas de village dans la direction d’où semblait venir Tem, mais, s’il courait nu dans les bois, il ne pouvait pas venir de si loin.

Après ce qui devait être deux heures de recherche, Red commença à perdre espoir. Comment était-elle censée retrouver un type au milieu des bois s’il ne voulait pas être trouvé ? Qui était Tem au fait ? D’où venait-il ?

Il n’avait pas parlé avec un accent spécial ou autre. En fait sa voix douce et apaisante pouvait indiquer qu’il venait de n’importe où. Le seul indice qui aurait pu indiquer d’où il venait était la perfection de sa peau. De ce dont elle pouvait se souvenir, il n’avait ni égratignure, ni cicatrice, ni poil non plus. C’était comme une sorte de nouveau-né complètement formé créé à partir de corps d’anciens dieux grecs.

Red laissa ses pensées revenir sur le corps de Tem encore un peu plus longtemps. Ses épaules et avant-bras puissants, ses jambes épaisses et sa virilité pendante étaient des souvenirs brulants dans sa mémoire.

Pourquoi est-ce qu’il était nu ? Pourquoi est-ce qu’il n’était pas gêné du tout ? N’était-ce pas malpoli de se retrouver nu devant une femme d’où il venait ? Est-ce qu’il ne l’aurait pas pensé s’il l’avait trouvée jolie ? Était-ce la raison pour cela qu’il s’en préoccupait si peu, parce qu’il la trouvait repoussante ?

Une fois qu’elle en eut fini avec ses questions, Red leva les yeux et réalisa qu’elle ne savait pas où elle était. Elle avait marché sans réfléchir pendant ce qui devait une heure et elle était perdue.

« Tem ? » Cria à nouveau Red.

Cette fois elle eut une réponse. Ce n’était pas la réponse qu’elle attendait. C’était un mouvement au loin. Et ça n’avait pas l’air amical.

Décidant d’arrêter d’attirer l’attention sur elle, Red leva les yeux vers le ciel, tentant de retrouver son chemin. Elle observa les bois derrière elle, et réalisa à quel point elle n’avait pas été vigilante. Chaque arbre et buisson semblait identique. À quoi est-ce qu’elle pensait à se promener seule dans les bois ?

Mettant le soleil dans son dos, elle avança en direction de ce qu’elle pensait être l’est. Rien ne lui paraissait familier et le soleil descendait rapidement.

Red pensa à Hunter. Elle était sure qu’il était quelque part. Elle pensa à ce qu’il pouvait chasser. Bien qu’elle ne se pense pas effrayée par les loups, il y avait une raison pour laquelle le roi donnait une récompense pour chaque tête de loup qu’on lui apportait. C’était parce que le prince, le fils unique du roi, avait été tué par des loups. L’histoire disait que la reine était allée piqueniquer avec le prince et que l’enfant de deux ans s’était éloigné pour ne jamais revenir.

La flaque de sang avait indiqué aux chasseurs royaux qu’il avait été emmené. Et lorsqu’une partie des vêtements du prince avait été trouvée près d’une tanière de loups ; le roi avait juré de débarrasser son pays de ces créatures une fois pour toutes.

La mort du prince s’était produite alors que Red n’était encore qu’un bébé donc elle n’avait jamais connu une époque où les loups n’étaient pas craints. Et à présent, elle se retrouvait à errer dans les bois toute seule alors que le soleil allait se coucher et sans aucun moyen de se défendre en cas d’attaque par un loup.

Plus la forêt s’assombrissait, plus le cœur de Red s’emballait. Elle avait été idiote de ne pas faire attention au chemin qu’elle empruntait. Le chemin devait être dans la direction qu’elle empruntait. Mais à quelle distance ? Et combien de temps cela lui prendrait-il pour le retrouver ?

Le seul point positif, réalisa Red, était que ce soir, la lune était pleine. Elle n’aurait pas eu la moindre chance de rentrer si la nuit était complètement noire. Mais là, elle avait une chance.

Alors que les pas de Red écrasaient les feuilles alors qu’elle marchait, elle analysa chaque son, faisant attention au danger. Des craquements, sifflements et bruits de mouvement semblaient se rapprocher. Tout cela était terrifiant. Alors, lorsque quelque chose de familier apparut au loin, elle manqua de crier avant de lever légèrement sa jupe et de courir dans sa direction.

« Grand-mère ? » Cria Red alors qu’elle s’approchait de la porte arrière de chez elle.

Peut-être qu’elle avait un visiteur, peut-être pas. Quoiqu’il arrive, cela n’était pas important si sa petite fille était en danger, pas vrai ?

« Grand-mère ? » Cria-t-elle une fois devant la porte.

Sachant qu’elle ne verrouillait pas sa porte, Red leva la chevillette et ouvrit la porte. Il faisait sombre à l’intérieur. Il n’était pas si tard. Si sa grand-mère avait un visiteur, pourquoi est-ce que la maison serait sombre ? Il n’était qu’une heure après le coucher du soleil.

« Grand-mère, tu es là ? »

Alors que Red posait la question, elle entendit un petit grondement. On aurait dit un couvercle vibrant sur une casserole. Mais plus elle l’écoutait plus cela ressemblait à un grognement.

« Grand-mère, c’est toi ? » Demanda-t-elle en s’éloignant du son.

Red regarda les parties de la maison illuminées par la lumière de la lune. Elle ne voyait rien. Mais elle entendit un grincement à sa gauche. Cela lui envoya un frisson dans le dos.

« Grand-mère ? » Demanda-t-elle, chuchotant presque.

C’est lorsqu’elle vit la créature allongée dans le lit que les poils à l’arrière de son cou se levèrent. Ce n’était pas sa grand-mère allongée là. Quoi que ce soit, c’était sombre et cela bougeait. Elle semblait avoir trouvé amusant de mettre la robe de nuit de sa grand-mère. Pourtant il y avait quelque chose de familier à son propos. La position dans laquelle elle dormait était étrangement semblable à la position du corps à côté duquel elle s’était endormie la nuit précédente.

« Grand-mère ? » Demanda Red, refusant de croire ce qu’elle voyait. « Si c’est toi, dis quelque chose. »

En réponse, la créature grogna. Les poils se levèrent sur les bras de Red.

« S’il te plait grand-mère, j’ai peur. Tu me fais peur. »