PRISE ET TRANSFORMÉE

Prologue

 

Kylie posa son regard sur le visage de son petit ami. Il était en partie recouvert par des ombres foncées à cause de l’éclairage orange de la cabine. Quand il se tourna pour lui sourire, ses dents capturèrent la lumière émise par la lune et se mirent à briller dans la nuit avec une blancheur éclatante. Kylie adorait son physique. C’était le garçon qu’elle avait toujours voulu, et elle savait qu’il la désirait lui aussi.

Le corps presque nu de la jeune fille fut parcouru de frissons au moment où la brise marine l’atteignit. Elle était excitée. Ils allaient être seuls, et là où ils iraient, ils pourraient faire tout ce qu’ils voudraient. Elle adorait être nue. Elle aimait déambuler sans aucun vêtement en sachant que son petit ami était incapable de la quitter du regard. Et ils partaient sur une île déserte. Ils pourraient être nus autant qu’ils le voudraient.

Kylie ne put s’empêcher de glousser.

“Quoi ?”, demanda son petit ami.

Elle n’arrivait pas à s’arrêter. Elle était toute excitée, et elle était sûre que son visage était en train de virer au rouge. Elle avait du mal à supporter le fait de porter son bikini, alors pendant que le bateau à moteur parcourait les derniers mètres qui le séparaient du rivage, elle se leva pour aller vers la poupe.

Son petit ami fit ralentir le bateau pour laisser les petites vagues pousser la coque sur le sable. Kylie se pencha vers l’avant au moment du contact avec la terre ferme, puis elle se redressa pour se tourner vers lui.

Avec un grand sourire, elle dénoua les cordons du haut de son bikini minuscule. En laissant ce dernier tomber sur le pont, elle fit descendre ses mains jusqu’à sa taille. Le dernier morceau de tissu qui la couvrait toucha le sol et elle leva ses mains au-dessus de sa tête en offrant à son petit ami une vue totalement dégagée.

Celui-ci était pratiquement incapable de faire un geste. Il devait jeter l’ancre sur la rive, mais il était distrait par le sang qui quittait sa tête pour affluer dans son short. Lorsqu’il fit un pas vers elle, elle recommença à glousser et elle sauta par-dessus bord., et il reprit le contrôle.

Kylie nageait nue dans l’eau chaude et sombre. Elle ferma les yeux, et elle sentit les vagues glisser sur sa peau. C’était troublant. Elle se tourna pour se mettre sur le dos et elle bougeait légèrement les bras pour continuer de flotter à la surface. L’eau affluait vers la chair congestionnée de son entrejambe. Le plaisir faisait battre son cœur à tout rompre.

Elle voulait que son petit ami la prenne tout de suite, pendant qu’elle flottait. Elle avait besoin que sa rigidité pénètre en elle. Elle avait besoin que son dos dos se cambre et que ses jambes s’enroulent autour du cul de son petit ami. Elle en avait tellement besoin que son corps en tremblait ; et en l’entendant plonger derrière elle, elle sut qu’elle obtiendrait ce qu’elle voulait.

Alors qu’il nageait vers elle, l’excitation était déjà presque trop forte. Elle avait envie de partir en courant. Elle voulait être chassée. Une fois attrapée, elle voulait être prise. En l’entendant approcher, elle se mit debout, elle le regarda droit dans les yeux et elle pataugea vers la rive.

Kylie se remit à glousser car elle savait que la chasse était lancée. Son petit ami se mit à rire en entrant dans le jeu. Elle sortit de l’eau et elle avança sur le sable doux qui cédait sous ses pieds. Les grains s’entassaient entre ses orteils. Alors qu’elle se dirigeait vers la rangée d’arbres qui bordait la plage, son petit ami la saisit par derrière. Ils tombèrent tous les deux sur le sable en riant et en poussant des petits cris aigus, chacun savourant la sensation procurée par les bras de l’autre.

Les lèvres fermes de son petit ami se pressèrent avec force contre les siennes. Il était fort. Elle savait qu’elle ne pouvait pas bouger, même si elle le voulait. Elle laissa sa main descendre sur son jeune corps lisse en sentant les muscles de son dos. Elle le voulait en elle tout de suite. Alors que la chair nue et dure du garçon appuyait sur son ventre, elle remua ses hanches pour amener son haricot gonflé sur son manche dur. Il comprit le message.

Les lèvres de Kylie se détachèrent des siennes au moment où son dos se cambra de plaisir. Son archet jouait avec sa chair congestionnée comme s’il s’agissait d’un violoncelle. Les gémissements de la jeune fille étaient une musique à ses oreilles.

À chaque coup de reins, il s’enfonçait plus profondément en elle. Au moment où la fente de sa tête glissa sur le bout de son clitoris et qu’il se replaça sur les plis de sa chair, elle gémit. Le souffle coupé, elle sentit sa masse imposante entrer en elle. Incapable de se retenir, Kylie cria dans la brise en sachant que personne ne pouvait l’entendre.

Lentement au début, son petit ami accéléra son rythme. Il s’enfonçait de plus en plus fort. C’était presque trop pour elle. Elle tournait la tête d’un côté et de l’autre en cherchant à trouver un soulagement. 

Kylie hurla. Elle sentait l’électricité en train de monter dans ses jambes pour se frayer un chemin jusqu’au centre de son sexe. Ses orteils remuèrent et se tendirent, prêts à se recroqueviller. Un de ses bras s’accrocha au dos de son petit ami alors que l’autre s’attaquait au sable. Chaque coup de reins lui coupait le souffle.

Son petit ami expira profondément. Il devenait plus violent. Il plaça ses genoux entre les jambes de la jeune fille et il écarta ses cuisses. En forçant ses genoux à rester en l’air, il laissa son aine claquer contre ses lèvres gonflées.

Il prit ses poignets pour les immobiliser au-dessus de sa tête et il planta ses yeux dans les siens. L’énergie féroce qu’il vit dans ces derniers était de la même force que la sienne. Au moment où il sentit que sa peau se raidissait et que son orgasme était en train de monter, il ne put rien faire pour l’arrêter.

L’esprit de Kylie flottait au moment où son orgasme explosa. Elle gémit de plaisir. Elle arrêta de respirer et le temps se figea.

C’est à ce moment qu’elle vit la créature. Ça devait être un chien, mais ce n’était pas tout à fait ça. Son museau était plus long et ses yeux étaient bleus, presqu’humains plutôt que canins. La manière dont il la fixait d’un regard quasi lubrique lui donna envie de crier.

Kylie haleta. Elle était incapable de réfléchir. Elle était encore sous l’emprise de son orgasme. Elle était incapable de parler. Elle était incapable de bouger. La créature regarda son petit ami qui ne se doutait de rien. Elle se ramassa et elle bondit sur lui, et Kylie ne put rien faire d’autre à part observer la scène.

Son petit ami n’avait pas dit un mot. Les cris qu’il avait poussés quand il avait joui avaient couvert tous les autres sons qu’il aurait pu émettre. Lorsqu’il se tut et qu’elle retrouva sa voix, elle leva les yeux. La créature n’était pas seule.

Les yeux des autres la fixaient comme si elle était une proie alors qu’ils l’encerclaient. Cette fois, elle fut réduite au silence par une peur qui la submergea toute entière. Au moment où la créature porta son attention sur elle, Kylie sut de quoi il s’agissait : un loup.

Ça n’avait aucun sens. Aucun loup ne vivait sur des îles désertes des Bahamas. Pourtant ils étaient là, et elle était sur le point de mourir.

 

 

Chapitre 1

 

Sakina s’assit sur la banquette arrière de la camionnette de sa mère, une grimace de dégoût clairement visible sur son visage. Elle n’en revenait pas que sa mère puisse la détester à ce point-là. Même si cette dernière ne l’avait jamais dit ouvertement, il n’y avait aucune autre explication possible.

Saki avait grandi aux Bahamas. Elle n’avait jamais été populaire. Comparée aux autres enfants, elle était trop grosse, trop intelligente et trop énergique. Dans sa tête, Saki se qualifiait de passionnée au lieu d’excessivement dynamique, mais cette manière de voir les choses n’avait pas rendue son enfance plus facile pour autant.

Elle avait survécu à l’école primaire. Elle l’avait quittée avec deux meilleures amies et avec le garçon qu’elle voulait. Étant donné la manière dont les choses se passaient chez elle, elle acceptait sa vie, même avec des sœurs jumelles qu’elle appelait les “demi-sœurs jumelles démoniaques” bien qu’elles aient toutes les trois les mêmes parents.

Ça ne dura pas. Sa mère, qui les avaient élevées elle et et ses sœurs jumelles, rencontra un homme qu’elle suivit jusqu’en Caroline du Nord. Saki fut obligée de quitter ses amies et de commencer le collège dans un environnement culturel dont elle ignorait les règles.

Repartir de zéro pour ce qui était de sa vie sociale était une tâche quasi insurmontable. Dans sa nouvelle école, elle était la fille de 12 ans grande et grosse qui avait un accent bizarre et une personnalité ennuyeuse. Personne ne voulait être ami avec elle.

Saski mit une éternité à trouver sa nouvelle meilleure amie, et encore plus à trouver une niche qui leur correspondait à toutes les deux. Pourtant, elle réussit à le faire. Des années de ténacité lui permirent de faire partie du comité en charge de l’album de sa promotion, ainsi que de la chorale et du groupe de l’école.

Elle n’aimait pas la musique et elle se moquait totalement du fait de conserver des souvenirs pour un lycée rempli de personnes qui avaient fait de sa vie un enfer. Mais ça l’aida à s’intégrer.

Saki se jura que sa dernière année marquerait son triomphe suprême. Après des années de dur labeur, elle allait être proche du sommet de l’échelle sociale. Elle ne pouvait pas rivaliser avec les joueurs de football et avec les pom-pom girls, mais désormais elle avait sa place. Elle allait profiter au maximum de l’opportunité qui s’offrait à elle.

Tout prit fin le jour où en rentrant de l’école, ses sœurs et elles trouvèrent leur mère en train d’emballer toutes leurs affaires, s’arrêtant uniquement pour pleurer de manière hystérique. Sa mère leur apprit qu’elles allaient retourner dans la maison de leur enfance, aux Bahamas, et qu’elles ne reviendraient jamais. Ainsi, après deux semaines en terminale, Saki monta dans un autre avion en réfléchissant sur la manière dont elle devait à nouveau recommencer sa vie.

Dans la camionnette, Saki observa Bonnet Blanc et Blanc Bonnet, un autre surnom qu’elle donnait à ses sœurs. Bonnet Blanc et Blanc Bonnet regardaient dehors. Bonnet Blanc et Blanc Bonnet étaient assises sur le siège avant et regardaient en silence la voiture en train de franchir les portes de l’école.

Personne ne parlait. Leur mère, qui était connue pour ses sautes d’humeur, avait déjà piqué une crise quand une des jumelles avait exprimé son mécontentement. En voyant la manière dont sa mère réagissait aux objections de ses sœurs, Saki n’osa pas partager les siennes.

Sa consolation, c’était le fait qu’elle irait dans la même école que le garçon de ses rêves d’enfant. Elle avait souvent pensé à Clint. Elle se demandait comment son corps s’était transformé. Les années s’étant écoulées sans que rien ne lui prouve le contraire, elle l’imaginait comme étant la perfection incarnée. Malgré toutes les choses horribles qui arrivaient, elle avait au moins l’opportunité de reprendre contact avec le mec avec qui elle voulait passer le reste de sa vie.

La camionnette descendit les derniers mètres de la colline qui entourait l’école. En se tournant vers la vitre, Saki regarda le grand chemin au-delà du terrain de basket. Tout était exactement comme dans ses souvenirs. Cet endroit lui avait toujours fait peur. Cette école avait la réputation d’être dure, autant sur le plan scolaire que social. Elle créait autant de dirigeants au sein de la communauté que de voyous. Après avoir lu Sa Majesté des Mouches dans son enfance, elle se la représentait comme étant une adaptation de ce roman dans la vie réelle. Mais dans cette version, sa tête finirait sur une pique.

Alors que la camionnette commençait à ralentir en face du bâtiment administratif, Saki scruta tous les visages à la recherche de Clint. Elle savait que son visage couvert de taches de rousseur et ses cheveux noirs le démarqueraient des autres étudiants. Il n’y avait pas beaucoup de blancs, tout au plus une vingtaine sur les 150 élèves qui étaient en terminale comme elle. Elle n’était pas sûre que ses demi-sœurs jumelles démoniaques et elle seraient considérées comme faisant partie de ce groupe, mais de toute façon elle n’y accordait aucune importance.

Saki le trouva au moment au moment où elle sortit de la camionnette. Clint était exactement comme elle l’avait imaginé. Son corps et son visage étaient plus minces. Et elle fut surprise de voir une fine moustache qui cassait son côté enfantin.

Le fait de le voir dans les premiers instants de sa nouvelle vie était un signe. Peut-être que tout allait bien se passer après tout. Elle reprit ses esprits.

“Clint !”, cria-t-elle en sortant de la camionnette. “Clint !”,

Quand Clint se tourna vers Saki, leurs regards se croisèrent. Elle fut tout de suite parcourue de frissons. Elle avait tellement pensé à lui avec des détails si intimes que des parties de son corps de jeune fille de dix-huit ans avaient très envie de lui. Alors quand Clint se tourna vers le mec qui se trouvait à côté de lui et qu’il s’éloigna brusquement, Saki fut stoppée net dans son élan.

“Quel bâtard !’, dit-elle d’une voix suffisamment forte pour que les personnes qui se trouvaient autour d’elle puissent l’entendre.

“Surveille ton langage Sakina.”, ordonna sa mère.

Sakina se tourna vers sa mère dont l’attention était fixée sur le bâtiment administratif. “Mais tu ne comprends pas. Je connais ce mec.”, Saki cherchait un moyen d’expliquer son immense déception. Elle était dévastée. Comment l’exprimer avec des mots ?

“Tais-toi et oublie ça, tu t’en remettras”, dit sa mère en laissant les filles derrière elle.

“Ouais, c’est vraiment une mère horrible“, décida Saki.

Alors que les jumelles suivaient leur mère comme son ombre, la jeune fille suivait en maintenant une certaine distance. Elle prit le temps d’observer attentivement son nouvel environnement. Face à elle, tous les bâtiments en briques étaient alignés en rangées et reliés par des cours et des allées. Directement en face d’elle, il y avait trois rangées, et au loin il y en avait deux autres étaient alignées sur le campus inférieur.

Il y avait des cocotiers et des buissons un peu partout. Toute la pelouse était bien entretenue, et il y avait des élèves partout. Ils avaient tous une chemise blanche et, pour la plupart, des chaussures noires. Les filles portaient des jupes bleues à carreaux, et les garçons des pantalons verts unis.

Saki entra dans le bâtiment administratif et trouva sa famille réunit à l’accueil. En essayant de rester le plus loin possible, elle trouva un siège dans l’angle opposé de la grande pièce vide. Elle s’assit et elle attendit en silence, tout en observant les allers et venues des élèves.

Une personne attira immédiatement son regard. Il devait s’agir d’un de ces voyous en devenir qui faisaient la célébrité de l’école. Il était grand, et il avait un teint hâlé qui pouvait être simplement dû à son origine ethnique. Il avait des cheveux noirs bouclés et une expression de dégoût qui rivalisait avec celle qu’elle affichait.

Contrairement à la plupart des autres adolescents, il entra dans la salle d’attente en venant du couloir qui menait aux bureaux de l’administration. Au lieu de se diriger tout de suite vers la porte, il trouva un siège près de Saki et il s’assit.

Le cœur de Saki battait à tout rompre. Il l’effrayait, mais elle était aussi forcée d’admettre qu’il y avait quelque chose d’excitant chez lui. Elle n’avait jamais traîné avec des mauvais garçons, mail il dégageait un truc qui l’amena à penser  qu’il n’était pas aussi dangereux qu’il en avait l’air. Il la surprit en train de le regarde fixement au moment où il se retourna et qu’il la regarda droit dans les yeux.

“Quoi ?”, dit-il d’une voix intense et séduisante.

Elle n’arrivait pas à parler, et elle ressentit une profonde reconnaissance lorsqu’elle entendit la voix stridente de sa mère.

“Sakina ?”

Elle rejoignit sa famille à l’accueil. L’assistante administrative voulait lui donner un emploi du temps. Elle le prit, la tête à moitié ailleurs. Lorsqu’elle estima qu’elle pouvait se retourner sans risque, elle chercha le mauvais garçon du regard. À sa grande déception, il était parti.

Après avoir récupéré son emploi du temps et une fois qu’on lui eut indiqué le lieu de sa salle principale, elle recula et elle attendit les jumelles. Elles avaient l’air un peu effrayées par le fait d’avoir été séparées dans des classes différentes. Même si Saki ne doutait pas de leurs sentiments, mais leur manière de les étaler l’irrita. C’était comme si elles montaient un spectacle pour tout le monde. Comme d’habitude, leur mère se laissa convaincre par leur cinéma et elle se précipita pour les prendre toutes les deux dans ses bras.

Saki ne pouvait pas en supporter davantage. En sifflant entre ses dents pour montrer son dégoût, elle se dirigea vers la sortie.

“Tu ne dis pas au revoir ?”, demanda sa mère.

Elle se retourna et elle fixa le trio. Elles pouvaient toutes les trois aller en enfer, aussi loin que l’intérêt qu’elle leur portait. Toutes les trois, elles étaient Bonnet Blanc, Blanc Bonnet et la mère.

“Au revoir”, dit-elle en roulant des yeux et en sortant de la pièce.

Une fois dehors, , elle se demanda à quel point cette expérience allait être difficile. La seule et unique personne qu’elle connaissait l’avait déjà rejetée, et elle n’avait jamais été douée pour se faire des amis.

Soudain, le poids cette constatation s’abattit sur elle, et ce ne fut qu’au moment où la sonnerie de l’école retentit qu’elle retrouva ses esprits. Elle jeta un dernier regard autour d’elle. Elle regarda fixement l’étang qui se trouvait de l’autre côté de la rue par rapport au bâtiment administratif. Elle regarda le monastère de l’école situé en haut de la colline. Tout était impressionnant, mais intimidant aussi.

Au moment où Saki entendit les portes du bâtiment administratif s’ouvrir derrière elle, elle commença à se diriger vers sa salle principale. Elle examinait tout : la croix de la taille d’un mât entourée de bancs en béton qui se dressait à proximité du chemin menant vers la première cour, les fenêtres des salles de classe avec des volets en métal et sans rideau, et la manière dont les salles de classe situées dans les bâtiments en briques étaient séparées par des lignes blanches larges de 30cm afin qu’il soit possible de les différencier depuis l’extérieur. Comme elle avait grandi dans ce pays, tout lui paraissait familier. Et en même temps, tout était étranger.

Les élèves se mettaient déjà tous en rang pour rentrer dans leurs  salles principale lorsque Saki trouva la rangée dans laquelle la sienne se trouvait. Elle resta debout à l’extérieur de son rang en observant fixement le groupe d’élèves qui se trouvaient sur le trottoir. Ils n’avaient pas l’air sympathiques. Son cœur battait la chamade et elle avait l’impression de ne plus pouvoir respirer. Elle était prête à faire demi-tour et à rentrer chez elle si ça signifiait ne pas devoir tout recommencer à zéro une fois encore. Elle était sur le point de le faire quand quelque chose de brillant attira son regard vers la pelouse.

En regardant de plus près, il s’avéra qu’il s’agissait d’une breloque ou d’un médaillon. Elle leva de nouveau les yeux vers les rangs des classes pour vois si quelqu’un d’autre l’avait vu. Personne ne faisait attention. Même si tout le monde évitait de marcher sur la pelouse, elle monta dessus, elle s’accroupit et elle fit glisser l’objet en métal entre ses doigts.

Elle l’examina. Il mesurait à peu cinq centimètres de diamètre, il était rond et il y avait une pierre verte au milieu. Celle-ci était entourée de gravures. Elle ne savait pas ce qu’elles représentaient. Une d’elles ressemblait à un chien et une autre à un humain. Toutes celles qui se trouvaient entre ces deux dernières étaient des créatures imaginaires. Ce bijou avait certainement de la valeur.

“Jeune fille”, la voix d’un homme plus âgé la sortit de ses observations. Saki leva les yeux et découvrit un homme de couleur barbu portant la tenue caractéristique des professeurs composée d’une chemise à manches courtes boutonnée jusqu’en haut et d’un pantalon de ville. “Sortez de la pelouse.”

Elle glissa le médaillon dans la paume de sa main, et elle obtempéra.

Le professe n’attendit pas qu’elle revienne sur le trottoir pour reprendre sa route. Saki marcha derrière lui et finit par se rendre compte qu’ils se rendaient au même endroit. Elle aurait espéré faire une meilleure première impression sur son professeur principal plutôt que d’enfreindre une des règles de l’école devant lui le premier jour.

Alors qu’il se tenait à la porte de la salle de classe en attendant que les élèves rentrent, il se retourna et il vit Saki. “Vous êtes ma nouvelle élève ?”

“Je crois que oui.”

Le professeur l’examina des pieds à la tête de manière ostensible et il émit un petit rire guindé. Saki ne savait pourquoi. Sans un mot de plus, il tourna les talons et il entra dans la salle de classe. Saki le suivit.

En pénétrant dans la pièce, elle découvrit un mélange d’objets à la fois étrangers et familiers. Il y avait les choses classiques, comme un tableau noir et des panneaux d’affichage. Cependant, ils étaient tous accrochés sur des blocs en béton brut. Les fenêtres en métal étaient ouvertes, et deux ventilateurs de plafond brassaient l’air matinal alors que le temps devenait de plus en plus lourd et étouffant.

Les élèves aussi semblaient à la fois familiers et étrangers. Les visages et les uniformes ressemblaient à ceux de tous les élèves qu’elle avait vus entrer et sortir de l’école alors qu’elle était enfant. Ils avaient tous l’air très bahamiens. Les filles avaient des tresses et des cheveux permanentés, alors que les garçons avaient l’air rustiques, assis sur leurs chaises en se donnant un genre. Comme partout aux Bahamas, il y avait une multitude de couleurs de peau différentes comprenant toutes les teintes comprises alalnt du noir au blanc.

Cependant deux groupes se démarquaient dans la classe de 30 élèves. Le garçon qu’elle avait vu dans le bâtiment administratif se trouvait au centre du premier. En le revoyant, Saki sentit son cœur se serrer. Il avait l’air encore plus intimidant avec une fille et trois mecs rassemblés autour de sa table. Il l’avait vue rentrer et il la fixait du regard.

Il n’était pas le seul à avoir les yeux rivés sur elle. L’autre regard appartenait à un garçon blond à la peau claire assis d’un côté de la salle. Les quatre mecs qui l’entouraient se ressemblaient tous.

Les membres de ce groupe portaient des chemises blanches de marque, alors que tous les autres élèves portaient les chemises blanches de l’uniforme bon marché qu’on trouvait dans toutes les boutiques vendant des uniformes scolaires. En plus, les manches de leurs chemises à manches courtes étaient roulées et leurs cheveux raides étaient lissés vers l’arrière. Au lieu des chaussures noires de l’uniforme, ils portaient des chaussures bateaux marrons. Ils avaient tous l’air de sortir d’une publicité pour du parfum.

“Installez-vous tous”, dit le professeur, déclenchant le chahut parmi les élèves. “C’est une nouvelle élève.”, commença-t-il en fouillant dans ses papiers. “Je suis désolé, quel est votre nom ?”

“Sakina. Mais vous pouvez m’appeler Saki.”, dit-elle à l’attention de la classe.

“Votre nom complet, ma chère.”

Saki regarda de nouveau le professeur, convaincue qu’il devait connaître cette information. “Sakina Lightbourn.”

“Faites tous en sorte que Sakina se sente la bienvenue.”

Saki scruta les jeunes visages. Ils n’étaient pas très chaleureux. Elle chercha une place libre. Il n’y en avait qu’une : la table située au centre du premier rang. Elle se tourna vers le professeur pour obtenir des instructions. Il tendit la main en montrant la chaise. Saki s’assit en se demandant si elle aurait éventuellement pu avoir une place pire que celle-ci.

Elle pouvant sentir tous les yeux de la pièce en train de la fixer. Elle détesta sa mère à cet instant. Pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas pu finir sa dernière année en Caroline du Nord ? Ou pourquoi est-ce qu’elle les avait fait déménager pour commencer ? Elle n’y comprenait rien du tout. Mais coincée la où elle était, il était temps pour elle de nager ou de couler.

Une fois que les annonces du matin commencèrent à se faire entendre dans les hauts-parleurs, le brouhaha des voix des élèves recommença. Elle ressentit du soulagement. En regardant par-dessus son épaule elle observa attentivement le groupe qui était contre le mur et qui devait être celui des élèves cool. Ils étaient tous mignons, mais celui qui était au centre l’était tout particulièrement. Il ressemblait à un mannequin. Son visage était étroit et son corps était mince. Ses mouvements étaient empreints d’autorité, et les quatre autres garçons semblaient suspendus à ses lèvres;

En regardant par-dessus son épaule droite, elle vit le mauvais garçon et sa bande. Il y avait quelque chose chez eux qui faisait qu’ils ressemblaient plus à un gang. Celui à côté duquel elle avait été assise dans le bureau administratif était définitivement mignon, mais d’une façon intimidante. Il regardait fixement par la fenêtre, perdu dans ses pensées. En l’observant plus attentivement, il avait presque l’air inquiet. Plu elle le regardait, plus il avait l’air d’un mec qui porte tous les malheurs du monde sur ses épaules.

Elle aurait pu passer toute la journée à le dévorer des yeux. Elle l’aurait fait si elle n’avait pas croisé le regard de la seule fille du groupe. Celle-ci n’avait pas l’air d’être une personne expressive et profonde, elle semblait juste en colère. Lorsqu’elle lança à Saki son regard “qu’est-ce que tu regardes là”, cette dernière détourna immédiatement les yeux.

Son cœur battait la chamade alors qu’elle essayait de trouver un moyen de survivre. Peut-être qu’elle allait renoncer au fait d’essayer de se faire des amis et qu’elle se contenterait de se concentrer sur ses devoirs. Elle avait toujours été douée pour les études. Elle avait toujours eu des facilités pour comprendre et assimiler les cours. C’était tous les autres aspects de la vie qui étaient difficiles.

“Clint“, se dit-elle en se rappelant ce qui s’était passé. “Comment est-ce qu’il a pu me faire ça ? Peut-être qu’il ne m’a pas reconnue”, pensa-t-elle pour se consoler. Après tout, ça semblait plausible. Même si elle avait souvent pensé à lui et qu’elle l’avait mis sur un piédestal, ça ne voulait pas dire qu’il avait pensé à elle depuis le jour où ils avaient quitté l’école primaire. Elle se dit qu’elle lui donnerait une deuxième chance pourvu qu’il lui montre qu’il n’était pas devenu un connard depuis la dernière fois où ils s’étaient parlés.

Saki desserra la main dans laquelle elle avait placé le médaillon pour examiner celui-ci. Il était plus lourd que ce qu’elle avait pensé par rapport à sa taille. Il dégageait quelque chose qui faisait qu’elle n’avait pas envie de de le quitter des yeux. Il avait un pouvoir hypnotique. Elle le retourna dans tous les sens, et en le regardant de plus près elle vit quelque chose qui ressemblait à une inscription. Elle se pencha pour essayer de déchiffrer les marquages en se demandant si le texte était en anglais

“Faites-moi voir ça”, dit le professeur dont la voix retentit devant elle.

Saki fut prise au dépourvu. Elle avait l’intention de remettre le médaillon à l’administration dès qu’elle aurait fini de le regarder sous toutes ses coutures. Elle avait attendu trop longtemps.

“Il n’est pas à moi. Je l’ai trouvé.”, précisa-t-elle en tendant l’objet.

Le professeur fixa ce dernier d’un air interrogateur. “Où est-ce que vous l’avez trouvé ?”

“Dans l’herbe, au bout du trottoir.”

“Alors s’il ne vous appartient pas, je vais le rendre à son propriétaire légitime.”, dit le professeur sur un ton qui sonnait presque comme une accusation.

Ce n’était pas comme ça que Saki voulait commencer dans sa nouvelle école.

 

La matinée se poursuivait de manière aussi embarrassante qu’elle avait commencé. Les classes étaient toutes difficiles à trouver, et à chaque fois elle se retrouvait au milieu du premier rang. Entre les cours, elle ne réussit pas à trouver son casier. À l’heure du déjeuner, elle s’assit à une table vide au milieu de la salle.

Les choses ne firent qu’empirer par la suite lorsqu’elle entendit une voix citer son nom dans les hauts-parleurs. “Sakina Lightbourn pourrait-elle se présenter au bureau du principal ? “Sakina Lightbourn veuillez vous présenter au bureau du principal.”

Si Saki avait eu peur à un moment ou à un autre que les gens ne sachent pas qui elle était, elle savait qu’elle n’avait plus de souci à se faire pour ça. Elle leva les mains, attirant l’attention de tous les élèves sur elle.

Elle retrouva son chemin jusqu’au bureau administratif. Elle se présenta et on lui dit de s’asseoir. Elle choisit le même siège que celui sur lequel elle s’était assise quelques heures avant.

“Vous pouvez y aller maintenant. Le bureau du principal, c’est la deuxième porte à gauche.”, lui indiqua l’assistante administrative assise derrière son bureau.

Saki se leva et entra dans le couloir. Elle trouva la deuxième porte.. Deux plaques étaient accrochées sur celle-ci, sur la première on pouvait lire “Principal” et sur la seconde “M. Jenner”. Elle frappa.

“Entrez”, dit une voix forte et chaleureuse derrière la porte.

Elle ouvrit la porte et elle découvrit un petit homme chauve de couleur portant des lunettes en écailles de tortue. Il était assis derrière un grand bureau recouvert de papiers. C’était un grand bureau, mais chaque cm² était occupé par des choses diverses et variées.

Il y avait deux chaises de l’autre côté du bureau. La seule personne qu’elle avait rencontré depuis son arrivée dans l’école, le mauvais garçon, occupait une d’entre elles.

“Asseyez-vous”, dit le principal Jenner.

Saki obtempéra tout en essayant de ne pas regarder le mec qui se trouvait à côté d’elle.

“Est-ce que vous connaissez M. Lafleur ?”

Saki tourna la tête et regarda le mauvais garçon juste une seconde avant de secouer la tête, “Non.” Ce dernier détourna le regard.

“Je vois. Alors, est-ce que vous pouvez me dire où vous avez trouvé ceci ?”

M. Jenner poussa le médaillon vers les deux élèves. Saki se pencha pour mieux voir. Elle fixa l’objet pendant un moment en pensant à la manière dont elle s’était retrouvée dans cette situation aussi rapidement.

“Je l’ai trouvé sur la pelouse, sur le chemin qui mène à la salle de classe principale.”

“Hum… Et est-ce que vous avez une idée de la manière dont il a fini sur la pelouse ?”

“Non monsieur.”

“Bon, je comprends que vous êtes nouvelle ici, alors je vais vous apprendre que cet objet a été volé dans mon bureau ce matin. Plus tard, M. DeMarco l’a trouvé en votre possession. Vous étiez également dans le bâtiment administratif ce matin, n’est-ce pas ?”

“Oui monsieur.”

“Vous ne trouvez pas ça étrange ?”

“Je ne sais pas monsieur.” Peut-être qu’il ne s’agissait pas de la meilleure chose à dire, mais c’était honnête. Elle pouvait supporter de se rabaisser pour ses sœurs et pour sa mère, mais elle était incapable d’accepter d’avoir à la faire pour des professeurs.

M. Jenner fixa Saki du regard pendant un instant. Même sans se tourner, elle pouvait sentir que le mec la regardait. Elle avait obtenu leur attention à tous les deux, et ça lui plaisait.

“Ce n’est pas la bonne manière de commencer votre premier jour dans votre nouvelle école”, confirma le principal Jenner. Saki ne répondit pas. M. Jenner poursuivit. “Pendant que vous étiez dans le bâtiment, est-ce que vous avez vu M. Lafleur par hasard ?”

Saki avait commencé à rassembler les pièces du puzzle. Le mauvais garçon avait volé le médaillon. Il s’était passé quelque chose, et celui-ci s’était retrouvé dans l’herbe, là où elle l’avait trouvé. Maintenant qu’ils étaient dans le bureau du principal, elle éclaircissait le mystère. La question était de savoir ce qu’elle allait faire ensuite;

Le principal Jenner avait raison, c’était une manière horrible de commencer son premier jour dans sa nouvelle école. Elle savait que ce qu’elle allait dire, peu importe de quoi il s’agirait, donnerait le ton pour le reste de l’année scolaire. Saky avait toujours été la gentille fille, et ça ne l’avait jamais aidée. Peut-être qu’il était temps pour elle d’essayer quelque chose de nouveau ?

“Son visage ne me semble pas familier.”

“C’est un des élèves de votre salle principale. Son visage ne vous semble pas familier maintenant ?”

“Je suis nouvelle”, dit-elle l’air épuisée. “Comment pouvez-vous me demander si je le connais ? Je ne sais pas, peut-être. C’est juste que… tout ça ça fait beaucoup.” Saki fit de son mieux pour se forcer à pleurer. Au moment où les larmes lui montèrent aux yeux, elle considéra qu’il s’agissait de ce qu’elle avait fait de mieux depuis le début de la journée.

Au moment où elle se pencha en avant et où elle enfouit sa tête dans ses mains, elle entendit M. Jenner reculer sur sa chaise. Ses larmes le mettait mal à l’aise, tandis que le mec assis à côté d’elle retrouvait le moral. Saki savait qu’elle pouvait continuer comme ça toute la journée. Si M. Jenner était mal à l’aise, elle allait s’assurer d’être libérée sans qu’aucune autre question ne lui posée.

Le principal se tortilla dans sa chaise pendant un petit moment avant de parler. “Bon, je vais vous laisser partir tous les deux. Mais cet objet n’est pas un jouet”, souligna-t-il en touchant le médaillon. “Il s’agit également d’un bien appartenant à l’école. Alors s’il devait disparaître à nouveau, il y a deux personnes que j’interrogerai en premier. Et la prochaine fois ce sera avec la police. Vous avez compris ?”

Saki s’essuya les yeux, soulagée que ce soit fini. “Oui monsieur.”

“Ouais”, dit M. Lafleur, en faisant preuve d’une gratitude réduite au strict minimum.

“Bien, Vous pouvez partir.”

Fière d’elle, Saki se leva. Le mec qui se trouvait à côté d’elle devait être le mec le plus dangereux de l’école, et désormais il lui devait une faveur. Elle n’arrivait pas à croire en sa chance. Alors qu’elle traversait le couloir, elle l’entendait marcher derrière elle. Elle se demanda à quoi il était en train de penser. Est-ce qu’il allait l’aborder maintenant ou plus tard ? Où est-ce que leur amitié pourrait bien les mener ?

Il fallait dire la vérité, il était vraiment beau. Peut-être que cet incident ferait de lui son premier petit ami. À ce stade, les possibilités étaient infinies. Pour la première fois, sa nouvelle vie lui sembla radieuse.

Saki continua d’avancer pour revenir dans sa classe, très attentive au mec qui la suivait à une distance de quelques pas. Au  moment où ils sortirent du champ de vision de toute personne présente dans le bâtiment administratif, elle se tourna vers lui. Mais il était trop tard, il avait déjà filé.

Saki le regarda pendant qu’il marchait. Sa démarche était sexy. Elle était lente et dangereuse. Saki se demandait ce que ça ferait de l’embrasser.

 

Elle passa le reste de la journée à espérer le croiser de nouveau. Mais chaque cours ressemblait au précédent. À chaque fois elle finissait assise au premier rang sans parler à âme qui vive.

Elle pensait qu’elle ne parlerait à personne de toute la journée, jusqu’à ce qu’elle finisse par trouver la salle où se trouvait son casier. En ayant trimballé tous ses livres avec elle depuis son arrivée, elle fut heureuse de pouvoir se soulager de ce poids. Tout en vidant son sac, elle regarda toute les autres filles sortir de la pièce.

Visiblement seule, Saki leva les yeux à temps pour voir un visage familier faire son entrée. C’était la fille de la classe principale qui s’asseyait avec le mauvais garçon. Elle eut la certitude que c’était ainsi qu’elle commencerait à être remboursée. Mais au fur et à mesure que des filles rentrèrent les unes derrière les autres, elle commença à avoir des doutes.

“Oh, mais ça ne serait pas la nouvelle ? Vous la voyez ? C’est la nouvelle”, dit la fille en colère d’un ton moqueur. Elle colla sa poitrine à celle de Saki. Elle était un peu plus petite que cette dernière, mais ça ne semblait pas du tout la freiner. “Alors la nouvelle, dis-moi, comment tu as piqué le médaillon à Lane ?”

“Quoi ? Je n’ai pris le médaillon à qui que ce soit. Je l’ai trouvé.”

“Ouais, bien sûr. Et donc tu l’as ramassé par hasard dans l’herbe ?”

La fille poussa Saki dans les casiers. Celle-ci ne comprenait pas ce qui était en train de se passer. Elle ne s’était jamais battue avec personne, à part avec ses sœurs. Mais plus important encore, elle avait sauvé la peau de Lane. Elles ne s’en rendaient pas compte ? Sans elle, Lane serait peut-être allé en prison. Elle lui avait fait une faveur.

“Alors tu vas me dire comment tu l’as pris ?”, dit la fille en colère pendant que trois de ses amies se rapprochaient d’elles.

“Je t’ai dit que je l’avais trouvé”, dit Saki, ne sachant pas quoi dire d’autre.

‘Tu l’as trouvé hein ? C’est ce que t’as fait ?”, dit la fille en poussant la tête de Saki sur le casier en métal.

“Wow !”; dit Saki, paniquée. Qu’est-ce qu’elle était censée faire ? Se défendre ? C’était un quatre contre une. Elle n’arrivait même pas à gagner contre une de ses sœurs, et elles avaient deux ans de moins, mais 20kg de plus. “Laisse-moi partir !”; hurla Saki.

Les autres filles, certaines plus grandes et d’autres plus petites que la première, commencèrent toutes à la pousser. Elle ferma les yeux et elle baissa la tête pour se faire aussi petite que possible. Mais il était impossible d’échapper à la pression des doigts et des paumes sur ses épaules, sur sa poitrine et sur sa tête.

Son corps bringuebalait d’un côté à l’autre. Elle vivait un cauchemar. Son cœur battait à toute vitesse et un gémissement lent s’échappa de ses lèvres, les bousculades et les piqûres devinrent plus violentes. “Elles vont me tabasser”, se dit-elle en se laissant lentement tomber à terre.

Au moment où le métal des casiers griffa son dos, les bousculades devinrent des coups de pied. Ils n’étaient pas trop violents au début. Ils ressemblaient plus à des petits coups de coude pour lui rappeler qu’elles étaient là. Comme les filles n’obtenaient pas ce qu’elles voulaient, les coups de pied devinrent plus forts. Lorsque le premier coup déclencha une douleur qui parcourut toute sa jambe, elle sut qu’elle avait de gros problèmes.

“À l’aide”, cria Saki à l’attention d’un campus hostile.

Les coups devinrent beaucoup plus violents. Ils faisaient tous mal maintenant. Elle n’arrivait même pas à les compter.

Elle s’était roulée en boule et elle protégeait sa tête avec ses mains et son dos avec le casier. Mais ses cuisses et ses mollets devinrent écarlates à cause des marques douloureuses qui l’affaiblissaient, mais qui l’humiliaient aussi. Elle voulait pleurer, mais elle n’avait pas le temps pour ça. Tout ce qu’elle pouvait faire, c’était survivre et, sur le moment, même ça ça semblait trop demander.

Les coups de pied devinrent de plus en plus intenses jusqu’à ce que, par bonheur, elles finissent par s’arrêter. Le son du cuir rigide en train de racler contre le béton brut résonna dans la pièce. Apparemment elles étaient en train de partir précipitamment. “Est-ce que ce serait fini ?“, se demanda-t-elle. Est-ce que le cauchemar qu’avait été le premier jour du reste de sa vie était enfin terminé ?

“Vous allez bien ?”, demande une voix familière venant de derrière les portes de la salle.

Saki leva la tête et ouvrit les yeux. Elle était un peu étourdie, mais elle se recroquevilla au moment où une vague de douleur la parcourut. C’était écrasant.

Elle avait vraiment très envie de pleurer. Elle regarda vers la porte ouverte en espérant voir un visage compatissant. Elle espérait que ce serait une personne sur laquelle elle pourrait enfouir sa tête et chialer. Elle avait besoin, juste pour un instant, juste pour un brève moment dans sa vie, de se sentir en sécurité et d’avoir le sentiment qu’on faisait attention à elle. Elle avait besoin d’un visage amical. Mais au moment où elle leva les yeux, elle ne vit que M. DeMarco, son professeur principal. C’était lui qui l’avait mise dans le pétrin à l’origine.

Non, Saki ne lui offrirait pas la satisfaction de savoir que lui et toute son école l’avaient brisée aussi vite. Elle ne pleurerait pas devant lui. D’une manière ou d’une autre elle prendrait sur elle et elle supporterait sa solitude. Elle devait se consoler seule. Personne d’autre ne s’en souciait.

“Vous allez bien ?”, répéta M. DeMarco.

Saki refusait de parler par peur que le fait d’ouvrir la bouche puisse ouvrir les vannes des émotions qu’elle réprimait. À la place, elle lutta pour arriver à se mettre debout.

Son corps hurlait de douleur. Elle grimaça et elle ralentit. M. DeMarco ne bougea pas d’un pouce, et elle ne s’attendait pas à ce qu’il le fasse. Lorsqu’elle fut sur ses pieds, elle se tourna vers son casier et, au lieu de répondre, elle termina ce qu’elle avait à faire.

Elle sortit ses livres de son sac et elle les rangea dans le casier vide. À chaque fois qu’elle se penchait pour sortit un livre,  elle ressentait des douleurs horribles, et elle espérait que M. DeMarco ferait demi-tour et qu’il partirait. Mais ce ne fut pas le cas. Elle sentait encore son regard fixe et pesant.

C’était tellement humiliant, la nouvelle tabassée dans une salle de casiers le premier jour. Elle détestait l’école, et elle détestait la vie. Pourquoi sa mère lui avait fait ça ? Pourquoi est-ce qu’elle ne s’était pas contentée de laisser faire les choses avec son mari ? Ce n’était pas un mec génial, mais au moins tout était normal. Ce n’était pas dangereux. Là-bas, Saki ne ne risquait pas d’être tabassée dans la salle des casiers par une bande de filles qui se comportaient comme des voyous. Pourquoi est-ce que sa mère avait tout gâché ?

Elle avait vraiment très envie de pleurer. Ses yeux brûlaient et sa gorge lui donnait ce sentiment d’être à vif, comme si elle était sur le point d’éclater dans un flot de larmes incontrôlable. Mais elle ne le ferait pas. Elle était déterminée. Finalement, elle attacha son cadenas; elle saisit son sac, elle passa devant M. DeMarco en lui jetant un regard, puis elle pénétra de nouveau sur le campus hostile;

Saki regardait partout, elle regardait tout sauf le visage des élèves. Elle ne savait pas qui était au courant de ce qu’elle venait de traverser, mais elle était sûre que certains d’entre eux savaient. Elle ne pouvait pas supporter leurs regards complices. À la place, elle regardait la pelouse sur la gauche.

L’herbe était luxuriante et verdoyante, et elle s’étendait vers le terrain ouvert. C’était le même terrain que celui qu’elle avait vu quand elle était dans la camionnette, et les élèves faisaient des tours de piste. Même à cette distance, elle ne pouvait pas supporter qu’ils la regardent, alors elle se tourna vers le bâtiment qui se tenait devant elle.

Il lui faisait penser à une caserne militaire, exception faite de ses portes arborant des couleurs vives. Là où elle avait suivi son cours de chimie, la porte était rouge. Entre celle-ci et l’autre porte, il y avait des blocs en béton définis et peints comme les lignes de séparation blanches. Après une autre partie en béton, il y avait la porte bleue. Ensuite, il y avait une porte jaune, puis une rouge. C’était le bloc.

Le surplomb situé au dessus portait un liseret jaune, et un toit en métal et en aluminium qui était le même sur tous les blocs. Plus loin, il y avait une espèce de conifère. Sa taille dépassait de 6 mètres celle des bâtiments. Un autre grand arbre poussait sur la droite, au sommet de l’autre colline.